Sciences du design

Design(s) urbain(s) et territoires

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Réponse attendue pour le 07/10/2022

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Nom de la publication Sciences du design

Éditeur PUF

Coordinateurs

Sciences du Design lance un appel à articles sur le thème « Design(s) urbain(s) et territoires » pour son numéro 17, à paraître au printemps 2023, sous la direction de Catherine Elsen (Université de Liège), Smail Khainnar (Université Polytechnique Hauts de France UPHF) et Thomas Watkin (Université de Nîmes).

Présentation

Avec le basculement de l’humanité vers une société majoritairement urbaine[1] (Damon, 2008), la technologisation et la « startupisation » des modes de production (projets industriels, maisons et routes intelligentes, etc.), la montée de la conscience durabiliste (Rifkin, 2016) à travers le soulèvement des voix et l’élaboration des voies défendant les principes écologiques dans l’aménagement de l’espace (écoquartiers, éco-villages, habitat participatif, etc.), et la prolifération des lieux de réflexion-échange-proposition pour (re) penser tout cela (tiers-lieux, think-tank, hackathon, LivingLabs, coworking, etc.), la fabrique urbaine[2] des territoires de demain est à réinventer. Si le cadre de la ville reste un lieu privilégié de cette fabrique, la catégorie même de l’urbain développe des territoires diversifiés et en devenir. Dépassant son acception géographique ou politique (Kleinschmager, Paquot, Pumain, 2006), le territoire comme ensemble de relations socio-spatiales correspond pour l’urbain à des pratiques relationnelles spatialisées, politiques, communicationnelles, sociales, économiques. En effet, avec tous ces changements techno-socio-économiques, l’urbain en tant que “cadre, objet, sujet” (Lepetit, 1996) ne se limite plus aux masses construites et aux voiries mais s’étend désormais à plusieurs “territoires”. Au-delà de ces aspects spatio-aménagistes, son regard sur les problématiques humaines et les modes de vie de l’ “écologie urbaine” (Grafmeyer, Joseph, 1979), la dimension relevant du sensible (perception de son cadre de vie, représentation de sa propre place et celle d’autrui dans les débats relatifs aux affaires de la cité, (ré) appropriation de l’espace public, etc.), est aussi à prendre en compte dans l’écriture et la mise en place de divers scénarios portant sur la fabrique urbaine des territoires. En tant qu’unité d’analyse sociologique, l’urbain s’inscrit dans le jeu de l’acteur-réseau (Callon, 1989), dans cette quête de territoires hybrides et imbriqués les uns aux autres « du domicile à la ville » (Authier, 2001). Enfin, l’ère de l’anthropocène refaçonne le cadre et l’objet de l’urbain, ouverts aux rapports nature-ville dans une visée « socio-écologique » (Barles, S., Abbadie, L. Lehec, E., et al., 2020) et systémique. Cet « urbain généralisé » (Brenner, 2014) recouvre dans sa pluralité plusieurs dimensions pour se faire, se penser et se projeter.

Ainsi, au-delà des anciennes matrices pyramidales de l’ingénierie classique, où les acteurs destinateurs (élus et décideurs, architectes et urbanistes, etc.) imaginent et aménagent le territoire le plus souvent dans des logiques de « silos » pour les acteurs destinataires (habitants, usagers, bénéficiaires de divers services, etc.), toutes les formes d’intelligence et d’innovation sociale sont invitées à penser, mettre en forme et, surtout, humaniser ces territoires en « devenir ». Cela en faisant appel à des initiatives d’amateurs ou de professionnels et des pratiques expertes ou expérimentales qui se veulent être durables, participatives, locales, éphémères et numériquement outillées. En cela, des processus comme l’essai-erreur-retour en arrière, la controverse, l’expérimentation, le test, la créativité, la disruptivité, etc. se mutent en de véritables vertus.

En évoquant ces « nouvelles » cultures et pratiques de la conception, le design[3] trouve aujourd’hui une place spécifique à cet égard de la rencontre du projet et de l’« urbain ». Quand bien même son image se voit encore régulièrement attachée à l’industrie, aux techniques, à l’esthétique et à l’humain, cette science du projet (Margolin, 2016, Findeli & Vial, 2015) que devient le design transforme les pratiques de métiers, les méthodes et les finalités liées à l’urbain. Et inversement, l’urbain transforme les pratiques de projet, dont celles du design. Au-delà d’une perception du « design urbain » qui ne s’attache qu’à concevoir la forme et la spatialité de la ville, les « design(s) urbain(s)” tendent aujourd’hui à prendre progressivement une autre place dans l’ »urbain », parce qu’ils se nomment, se disent et s’écrivent, mais aussi parce qu’ils oeuvrent au projet d’une autre manière (fiction, collaboration, participation, expérimentation, etc..). L’exemple du design dans le cadre des politiques publiques illustre cette diversité de pratiques pour, dans et avec l’« urbain ». Le « design territorial » et ses déclinaisons, par ailleurs, investissent l’« urbain » en tant qu’objet, sujet ou cadre. Plusieurs « designs » émergent ainsi, ou bien s’articulent entre eux pour faire de l’« urbain » un lieu commun réflexif, méthodologique, opérationnel. Cela ne peut pas se faire sans les apports de diverses formes de communications et d’engagement entre acteurs (Cefaï, Bidet & Berger, 2011), de jeux de pouvoir, et de constitution des parties prenantes, voire de « communautés créatives » (Manzini, 2014).

Comment dès lors appréhender la diversité de ces articulations entre formes de design et de l’ « urbain » ? Comment envisager cette multi-dimensionnalité de l’ « urbain » dans les pratiques se revendiquant du design ? En quoi est-elle vectrice de transformation des pratiques de projet et donc de design ? Quel rôle, de frein ou de moteur, jouent les communications entre acteurs urbains dans cette mise en lien et en sens de l’urbain et du design ? Quelles sont les dimensions multi-scalaires et inter-échelles de ces conceptions de l’ « urbain », du domicile à la ville ? Quels sont les effets de ces “designs urbains” sur toutes les échelles du territoire, y compris les échelles architecturales et du chez soi ?

Sans prétendre à l’exhaustivité, et par les formes de visions prismatiques que le design jette sur l’urbain, nous identifions trois approches essentielles et transversales – communicationnelle ; sociologique et pragmatique – susceptibles de nourrir à leur tour trois axes « interagissants » pouvant guider les contributions attendues. Ces dernières peuvent émaner de divers champs disciplinaires : l’architecture et l’urbanisme, le design, la sociologie urbaine, les sciences de l’information et de la communication, etc.

Axe 1 : « designer » l’urbain par le prisme des participations

Cet axe questionne les formes de participation, de communications et de partageabilité mises en place par les acteurs pour représenter, dire, faire et vivre l’urbain. Quels processus participatifs « innovants » sont mis en place pour mieux intégrer la figure de l’usager dans les démarches urbaines ? Comment les méthodes-outils-protocoles de design(s) peuvent-elles/ils performer les stratégies d’acteurs impliqués dans les démarches urbaines ? À quelles formes de médiatisation des outils numériques assistons-nous au fil  de processus de conception participative avec/pour les usagers et les habitants, par exemple ?

Axe 2 : « designer » l’urbain par le prisme des métiers et pratiques

Cet axe questionne la diversité, la fluctuation des légitimités et surtout l’interaction entre les divers métiers (emblématiques et émergents) et expertises (professionnelles et profanes) qui représentent, disent, font et vivent l’urbain. Avec l’élargissement du périmètre des acteurs impliqués dans les démarches urbaines, que reste-t-il de la figure du « concepteur » (architecte, urbaniste, designer, etc.) et comment considérer ces « amateurs » participants à la conception de l’urbain (y compris les « silencieux de la ville » – bricoleurs, sportifs amateurs, etc. – ou “publics vulnérables / vulnérabilisés” – minorités, communautés en migration, LGBTQIA+, etc) ? Avec le fleurissement des initiatives locales, participatives et collaboratives, dans lesquelles les usagers et habitants prennent d’une manière assumée et revendiquée une position véritablement “actoriale”, peut-on parler désormais de la montée en généralité de régimes (ou cultures ou pratiques) de conception sans concepteur ? Et comment prendre en compte cette interculturalité des pratiques légitimes aux “arts de faire” dans cette fabrique de l’ “urbain”.

Axe 3 : « designer » l’urbain par le prisme de l’expérimentation

Cet axe questionne les retours de terrain à travers l’analyse et la capitalisation des expériences et projets provenant d’horizons divers et de champs d’application qui ont pour dessein de représenter, dire, faire et vivre l’urbain. Quels enseignements, en termes de méthodologies déployées et résultats obtenus, pouvons-nous tirer des expériences récentes d’application des méthodes des design(s) urbain(s) dans la fabrique du territoire ? Quelles limites, quels freins ou, au contraire, quels leviers d’action à activer pour « performer » les expériences urbaines à venir ? Comment et dans quelles mesures peut-on dépasser l’aspect « éphémère » de ce genre d’expériences du terrain, empruntant les apports du design dans/pour l’urbain, pour élaborer des paradigmes actionnels « génériques » et structurels (ou à tout le moins transposables), adaptables et adaptés par la suite aux configurations circonstancielles des expériences urbaines à designer ?

Modalités de soumission

Les auteurs et les autrices doivent soumettre un article complet (full paper) via la nouvelle plateforme éditoriale de la revue accessible à cette adresse : https://edition.uqam.ca/sciences-du-design.

Un article complet comprend entre 30 000 signes (soit environ 5000 mots) et 40 000 signes (soit environ 7000 mots), hors bibliographies et notes. Merci de respecter scrupuleusement les consignes aux auteurs.

Calendrier

  • 07 octobre 2022 : soumission des articles complets
  • 30 novembre 2022 : réponse provisoire aux auteurs·rices
  • 12 janvier 2023 : réponse définitive aux auteurs·rices
  • Mai 2023 : publication en ligne

Contact

Merci de communiquer avec les responsables de ce numéro :

Références

Authier, J. Y. (2001). Du domicile à la ville. Vivre en quartier ancien. Anthropos.

Barles, S., Abbadie, L. Lehec, E., et al. (2020). « L’urbain : un objet socio-écologique ?”. in Pour la recherche urbaine (Ed. Adisson, F., Barles, S., Blanc, N. et al.). CNRS.

Brenner, N. (2014). Implosions/explosions. Berlin : Jovis.

Cefaï, D. & Gayet-Viaud, C. Berger, M. (Eds.). (2011). Du civil au politique : ethnographies du vivre-ensemble. PIE Peter Lang.

Damon, J. (2008). Urbanisation planétaire, villes et modes de vie urbains. In Vivre en ville. Damon, J. PUF.

Grafmeyer, Y. & Joseph, I. (1979), L’Ecole de Chicago, naissance de l’écologie urbaine. Champ Urbain.

Ingallina, P. (2010). Le projet urbain : « Que sais-je ? » n° 3585. Que sais-je.

Khainnar, S. (2021). Communication et Design des Politiques Publiques C-D2P. Mémoire d’Habilitation à Diriger des Recherches, Nice, UCA, EUR CREATES, 18 mars 2021.

Kleinschmager, R., Pumain, D., & Paquot, T. (2006). Dictionnaire la ville et l’urbain. Economica Anthropos.

Lepetit, B. (1996). La ville : cadre, objet, sujet. Vingt ans de recherches françaises en histoire urbaine. Enquête. Archives de la revue Enquête, (4), 11-34.

Lussault, M., Paquot, T., Bartolone, C., & Body-Gendrot, S. (2000). La ville et l’urbain : l’état des savoirs. Éditions la Découverte.

Mangin, D., & Panerai, P. (1999). Projet urbain. Parenthèses.

Manzini, E. (2014). Making things happen : Social innovation and design. Design issues, 30 (1), 57-66.

Margolin, V. (2016). A world history of design (pp. 457-466). Routledge.

Paquot, T. (2003). Que savons-nous de la ville et de l’urbain. In Roncayolo, M., Lévy, J., Paquot, T.,   Mongin, O & Cardinali, P. De la ville et du citadin. Éd Parenthèses.

Rifkin, J. (2016). « La nouvelle société du coût marginal zéro ». Collection Babel, Éditions Actes Sud.

United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2019). World Population Prospects 2019 : Highlights (ST/ESA/SER.A/423). Vial, S., & Findeli, A. (2015). Quelles sciences du design


[1] L’année 2008 est l’année où la population mondiale est devenue majoritairement citadine. Un être humain sur deux habite en ville (Damon, 2008).

[2] Au-delà de toute opposition binaire du type urbain/rural, urbain/architectural, etc., l’« urbain », dans la lignée des travaux de Thierry Paquot (Paquot, 2003), est ici conceptualisé comme un construit socio-spatio-temporel complexe (Khainnar, 2021) qui se nourrit de diverses boucles rétroactives alliant des processus perceptifs, actionnels, collaboratifs, et expérientiels. A cet égard, nous utilisons volontairement le vocable de « démarches urbaines” pour toutes les interventions opérant à toutes échelles spatiales (logement, îlot, quartier, ville, etc.). Aussi, il est à préciser que la notion du « territoire » est ici à prendre dans un double sens qui intègre, au-delà de sa composante physique (lieux, places publiques, etc.), la composante virtuelle se présentant sous diverses formes (plateformes collaboratives, sites web, réseaux sociaux numériques, etc.). Ainsi, les deux territoires, réel et virtuel, ne s’excluent pas, mais ils se complètent et s’enrichissent mutuellement.

[3] Nous entendons cet anglicisme en tant que « designerly way of doing » et « designerly way of thinking ».

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