Quelle juste place du numérique dans nos sociétés actuelles, et à venir, sous l’angle de l’éthique de l’environnement ?

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Réponse attendue pour le 08/03/2024

Type de réponse Résumé

Type d’événement Journée d’étude

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Dates de l’événement
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Lieu de l’événement Université catholique de l’Ouest, Campus d’Angers, Angers

La journée d’étude « Quelle juste place du numérique dans nos sociétés actuelles, et à venir, sous l’angle de l’éthique de l’environnement ? » se tiendra le 19 juin 2024 sur le campus d’Angers de l’Université Catholique de l’Ouest. L’AAC est en ligne.

Appel à communication

Nous partons du constat suivant : le numérique est de plus en plus frappé d’un paradoxe. D’un côté, il est omniprésent et pénètre tous les aspects de la vie humaine, individuelle et sociale. Selon le Baromètre du numérique (2019), on observe un « maturité numérique » de par l’acquisition de matériels (smartphone notamment) et leurs usages, dont 63 % des Français estiment que cela a un impact positif sur leur vie personnelle et 71 % sur leur vie professionnelle. Ajoutons à cela que le taux d’équipement en objets connectés ne cesse de progresser depuis 2019 (Baromètre du numérique, 2022). A ce titre, le numérique est un « milieu » (Bachimont, 2015) qui façonnerait notre être-au-monde, si bien qu’il est possible de voir à l’œuvre une « deep digitalization », dont témoigne l’intelligence artificielle qui marque une étape supplémentaire du développement technologique majeur à notre époque. D’un autre côté, « la numérisation du monde » (Flipo 2021) s’avère profondément problématique sur les plans anthropologique, politique, éthique, mais aussi écologique (Allard et al., 2022 ; Jarry-Lacombe et al., 2022), étant synonyme de « désastre écologique » (Flipo 2021). En effet, le numérique a une importante empreinte énergétique et matérielle et un effet « d’entrainement puissant sur les consommateurs » (Flipo, 2020).

C’est ce paradoxe fondamental du numérique que nous nous proposons d’examiner, de manière critique et pratique, à partir d’un angle spécifique, à savoir celui de l’éthique de l’environnement. Depuis l’article fondateur de Richard Sylvan Routley (Routley [1973] 2019), l’éthique environnementale entend modifier fondamentalement les rapports des humains à la nature, en se donnant « un nouvel objet, le monde naturel non humain, jugé digne de considération morale pour lui-même », une « nouvelle temporalité » incluant le présent et le futur (les générations futures), une échelle spatiale variable, et une nouvelle méthode de type « holiste ne séparant pas les parties du tout, l’homme de la nature, le sujet de l’objet » (Afeissa, 2007, p. 10-11).

Dans cette perspective, il nous semble nécessaire de questionner la place du numérique dans nos sociétés actuelles et à venir. Ce questionnement fait actuellement l’objet de débats et de discussions importants dont on peut identifier, à ce jour, deux postures bien connues. Dans un cas, il est question de plaider pour l’impératif de la sobriété numérique en changeant de modes de vie en vue de nouveaux « genres de vie », car la trajectoire du numérique n’est pas sobre et implique des externalités négatives d’un point de vue écologique (Flipo, 2020). Dans un autre cas, il importe de mener une « politique de renoncement », une « écologie du démantèlement » de certains imaginaires, modes d’organisation et infrastructures dont nous héritons : il s’agit de rediriger notre écologie en faisant face à ces « communs négatifs » (Bonnet, Landivar, Monnin 2021). Dans cette optique, si le smartphone relève de « technologies zombies » (Halloy, 2020), la question consiste à savoir comment vivre avec afin de « développer un art de la fermeture » (Monnin, 2022), pas seulement à l’échelle individuelle, mais de manière collective, donc politique, sur la base du principe de viabilité (Monnin, 2023).

Où se trouverait donc la juste place du numérique aujourd’hui et demain : dans la sobriété numérique en termes de modes de vie ou dans un mouvement politique de renoncement ? ou ailleurs : par exemple, en observant d’autres initiatives telles que le projet de construction d’un « numérique responsable » porté par l’Institut du Numérique Responsable qui cherche à rassembler des « entreprises et organisations autour de l’expérimentation et la promotion de bonnes pratiques pour un numérique plus régénérateur, inclusif et éthique »1 ; dans l’initiative d’élaborer un « numérique d’intérêt général » portée par la coopérative Noesya et posant la question explicitement politique au sens étymologique de ce terme : « À quelles conditions le numérique peut-il servir l’intérêt général ? »2. Notons qu’afin de construire ce « numérique d’intérêt général », l’auteur soutient, parmi les six « critères indispensables », les « justes fins » que le numérique doit servir et une « juste place » où il devra rester.

La question d’un numérique juste reste ouverte et mérite d’être examinée, sachant que celle de la justice est une question éthique par excellence, comme le soutient Paul Ricoeur dans sa formule célèbre de la « visée éthique » : « Une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes »3 (Ricoeur, 2015, p. 200.). Pour éviter de tomber dans des visions schématiques ou simplistes, de type « solutionnisme technique » ou « solutionnisme politique », nous avançons l’hypothèse de l’heuristicité d’une mise en tension entre ce que nous avons désigné par deux concepts quasi paradigmatiques, d’une part l’« hyperbien écologique  » et, d’autre part, l’« hypersystème techno-numérique  » (Hoang et al., 2022a ; 2022b) pour tenter d’appréhender la question écologique du numérique. Il s’agit d’une véritable ligne de crête, certes exigeante, mais salutaire de notre point de vue face à de nombreuses approches extrêmes4.

Cette ligne de crête est doublée de l’articulation d’une double approche que nous estimons complémentaire, à la fois une approche critique, par exemple celle des technocritiques (Jarrige, 2016) du capitalisme (Charbonnier, 2022) ; et une perspective pragmatico- prospectiviste, à savoir la quête de « nouveaux possibles » viables, durables, éthiquement et écologiquement désirables.

Dans cette perspective, cette journée d’étude s’adresse aux différents acteurs –universitaires, acteurs civils et politiques, professionnels – qui travaillent la problématique du numérique à l’aune de l’éthique écologique. Dans cette visée d’« écologiser » et d’« éthiciser » le numérique, il nous semble indispensable d’explorer et d’inventer de nouveaux possibles, en adoptant, dans le sillage des travaux de Bruno Latour, une approche et une posture modeste de la « composition » si nous voulons « composer un monde commun » (Latour, 2015 ; 2021) sur la base des conditions d’habitabilité : comment « composer » un numérique juste, si ce n’est d’avoir recours à nos « capacités de sélection » (Latour, 2021, p. 52), de « plonger dans les controverses » (Ibid., p. 53), d’entreprendre, comme dans un travail musical, « des arrangements, des négociations, des modus vivendi » (Ibid., p. 54) ?

La journée d’étude, délibérément interdisciplinaire, s’articulera autour de deux axes :

Axe 1 : Analyse des processus de construction et de médiatisation des représentations et des récits (médiatiques, artistiques, militants, etc.) tournés vers une écologie du numérique, en d’autres termes, de l’invention de nouveaux imaginaires du numérique à l’ère de « l’hyperbien écologique » ;

Axe 2 : Analyse des modalités d’engagements individuels et collectifs, à travers des dispositifs, des pratiques, des stratégies d’acteurs, en vue de la construction de nouveaux modes de vie éco-numériques.

Bibliographie indicative

AFEISSA Hicham-Stéphane (dir.) (2007). Ethique de l’environnement. Nature, valeur, respect, Textes clés, Paris, Vrin.

ALLARD Laurence, MONNIN Alexandre, NOVA Nicolas (dir.) (2022). Écologies du smartphone, Lormont, Le Bord de l’eau, coll. « Documents ».

BACHIMONT Bruno (2015). Le numérique comme milieu : enjeux épistémologiques et phénoménologiques, Revue Interfaces numériques, volume 4, no3 http://dx.doi.org/10.25965/interfaces-numeriques.386

BONNET Emmanuel, LANDIVAR Diego et MONNIN Alexandre (2021). Héritage et

fermeture. Une écologie du démantèlement, Paris, Divergences.

CHARBONNIER Pierre (2022). Culture écologique, Paris, Les Presses de Sciences Po, coll. « Les Petites Humanités ».

FLIPO Fabrice (2020). L’impératif de la sobriété numérique. L’enjeu des modes de vie, Editions Matériologiques

FLIPO Fabrice (2021). La numérisation du monde. Un désastre écologique, Editions L’Echappée.

HOANG Anh Ngoc, MELLOT Sandra et PRODHOMME Magali (2022a). « Le numérique questionné par l’éthique située des écologies politiques », Revue française des

sciences de l’information et de la communication [En ligne], 25 | 2022. URL : http://journals.openedition.org/rfsic/13239 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rfsic.13239

HOANG Anh Ngoc, MELLOT Sandra et PRODHOMME Magali (2022b). Le numérique à l’épreuve de l’écologie. Interfaces numériques, 11(1). https://doi.org/10.25965/interfaces-numeriques.4805

JARRIGE François 2016 [2014], Technocritiques. Du refus des machines à la contestation des technosciences, La Découverte.

JARRY-LACOMBE Bernard, BERGERE Jean-Marie, EUVE François, TARDIEU

Hubert (2022). Pour un numérique au service du bien commun, Odile Jacob.

LATOUR Bruno (2015). Composer un monde commun. Études, 69-78. https://doi.org/10.3917/etu.4212.0069

LATOUR Bruno (2021). Habiter la terre. Entretiens avec Nicolas Truong, Éditeur : Les Liens qui Libèrent.

LEVY Arnaud (2023). « Pour un numérique d’intérêt général »,

https://www.communication-democratie.org/fr/publications/2023-07-04-pour-un-numerique-

MONNIN Alexandre, HALLOY José, NOVA Nicolas, 2020. « Au-delà du low tech : technologies zombies, soutenabilité et inventions. Interview croisée de José Halloy et Nicolas Nova par Alexandre Monnin », document en ligne https://www.ritimo.org/Au-dela-du-low-tech-technologies-zombies-soutenabilite-et-inventions

MONNIN Alexandre (2022). « Il nous faut développer un art de la fermeture » , Socialter, 2022/2 (N° 50), p. 36-39. URL : https://www-cairn-info.srvext.uco.fr/magazine-socialter-2022-2-page-36.htm

MONNIN Alexandre (2023). Politiser le renoncement, Editions Divergences.

RICŒUR Paul ([1990], 2015). Soi-même comme un autre, Éditions du Seuil.

SYLVAN ROUTLEY Richard [1973] (2019). « A-t-on besoin d’une nouvelle éthique, d’une éthique environnementale ? ». Dans : Richard Sylvan Routley éd., Aux origines de l’éthique environnementale (pp. 19-55). Paris cedex 14 : Presses Universitaires de France. https://doi-org.srvext.uco.fr/10.3917/puf.routl.2019.01.0019

WILBER Ken. 2000 (1995). Sex, Ecology et Spirituality. Boulder : Shambhala Publications.

WILBER Ken. 2001 (1996). A Brief History of Everything. Boulder.

Calendrier

• Clôture de l’AAC : 8 mars 2024

• Retour du Comité d’organisation auprès des auteurs des propositions retenues :

2 avril 2024

Les propositions sont à envoyer à l’adresse mail suivante : JEecologienum@gmail.com

Chaque proposition devra préciser l’axe dans lequel elle se situe ainsi que les concepts

clefs.

Une publication scientifique est prévue à la suite de la journée d’étude. De plus amples

informations suivront.

Comité d’organisation

• Céline Cholet

• Thomas Hoang

• Amina Lasfar

• Claire Mahéo

• Joyce Martin

• Ingrid Plivard

• Magali Prodhomme

Comité scientifique

• Laurence Allard (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3)

• Andrea Catellani (Université catholique de Louvain, Belgique)

• Fabrice Flipo (Institut Mines-Telecom)

• Emilie Kohlmann (Université de Grenoble)

• Arnaud Levy (Co-fondateur de noesya, Université Bordeaux Montaigne)

• Alexandre Monnin (ESC Clermont Business School)

• Céline Pascual (Université Aix-Marseille)

• Marcela Patrascu (Université Rennes 2)

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