Management algorithmique et communication : discours, pratiques professionnelles et transformations organisationnelles

Contrat doctoral

Mis en ligne le

Réponse attendue pour le 15/05/2023

Type d’annonce Bourse de recherche

Mots-clés :

algorithmes, communication des organisations, transformations, management de proximité, tactiques, résistances

Domaine de recherche et sujet pressenti de la thèse

La communication organisationnelle en contexte numérique fait l’objet d’une profusion de productions scientifiques en Sciences de l’information et de la communication (Comtet, Oiry, 2017 ; Cousserand-Blin, Pinède, 2018 ; Corbillé, Foli, Tassel, 2018 ; Andonova, 2019 ; Carayol, Laborde, 2019). L’intérêt des chercheurs porté à l’intelligence artificielle (IA) et aux algorithmes est grandissant depuis le milieu des années 2010, en raison de l’expansion rapide du phénomène dits d’« ubérisation de l’économie », appelé aussi « plateformisation ». Analysés initialement dans le cadre du « capitalisme des plateformes » (Abdelnour, Bernard, 2018) dans les transports et la livraison (Uber, Deliveroo) les logiques algorithmiques se sont rapidement répandues au sein de l’ensemble des secteurs de l’économie : éducation, formation, santé, artisanat, services en ligne, etc.

On assiste à une production scientifique importante sur le sujet en sciences de gestion (Lee et al., 2015) et en sociologie. En Sciences de l’information et de la communication plusieurs recherches sont également menées sur les plateformes de contenu UGC (Bullich, Schmitt, 2019), sur le crowdsoucring (Peirot, 2017), sur les plateformes dans les industries culturelles (Matthews, 2015 ; Bouquillion, Ithurbide, 2021) ou encore sur la santé des chauffeurs de VTC (El Bourkadi, 2021). Ces travaux soulèvent de manière unanime la grande opacité des algorithmes dans l’organisation du travail. Les questions discutées portent sur la collecte et la gestion des données massives, le « capitalisme de surveillance » (Zuboff, 2020), l’apprentissage automatique, les conditions de travail, les droits des « travailleurs du clic » et sur le digital labor (Cardon, 2015 ; Casilli, 2019), ainsi que la gouvernementalité algorithmique (Rouvroy, Berns, 2013). L’utilisation accrue d’algorithmes dans les fonctions de management et de communication est désignée par l’expression « management algorithmique ». Simples outils d’aide à la décision ou vecteurs de bouleversements profonds du travail, les algorithmes suscitent de multiples débats à propos de leurs usages, leurs potentialités, souvent utopiques (neutralité des outils) et leurs conséquences réelles : assujétissement des travailleurs, disparition de certains métiers peu qualifiés, gouvernance par le nombre (Desrosières, 2008 ; Supiot, 2015).

Si les recherches en sciences de gestion et en sociologie se multiplient sur l’analyse des logiques algorithmiques à l’œuvre dans l’usage des plateformes, ils n’examinent cependant qu’une facette des mécanismes sous-jacents, souvent invisibles. En effet, peu de travaux s’intéressent spécifiquement aux conséquences sociales de l’usage des algorithmes dans les processus info- communicationnels quotidiens, aux questions relatives à l’asymétrie de l’information, aux évolutions des pratiques de communication organisationnelle, aux tactiques et stratégies mises en place au sein des organisations. Dans cette recherche de thèse il s’agira donc d’étudier le management algorithmique dans une approche en communication organisationnelle. Plusieurs questions pourraient être abordées :

  • Comment l’usage croissant des algorithmes transforme-t-il les collectifs de travail, les relations hiérarchiques et le management de proximité ?
  • Quelles sont les stratégies communicationnelles déployées par les entreprises (objectifs, attendus, moyens alloués) ?
  • Quelles sont les conséquences de l’automatisation des tâches prescrites par un algorithme en termes de réputation et de notoriété ?
  • Quelles sont les pratiques de recrutement, de formation, de communication, liées au management algorithmique ?
  • Quelles sont les dimensions visibles et invisibles du phénomène ?
  • Comment y sont traitées les questions de qualité de vie au travail (QVT), d’éthique et de discrimination ?
  • Comment les individus au travail s’en emparent-ils, volontairement ou non ?
  • Quelles sont les formes de résistance, individuelles et collectives, qu’ils déploient (contournements, mésusages, etc.) ?

Ce projet de thèse invite à entreprendre une analyse approfondie des discours, des représentations et des pratiques info-communicationnelles portant sur les algorithmes, leurs promesses et leurs conséquences sur les individus et les collectifs de travail. Plus spécifiquement, au cours de la thèse il s’agira de :

1/ recenser les études empiriques en SIC sur le management algorithmique et plus particulièrement dans le champ de la communication organisationnelle (CO). L’objectif est de faire une synthèse et d’établir un bilan des connaissances actuelles et des enjeux principaux qui sont posés ;

2/ mettre en place une enquête de terrain, auprès d’une ou de plusieurs organisations. Celles- ci peuvent relever du secteur marchand ou non-marchand, de la culture, des grands groupes industriels ou encore de l’associatif. Des entretiens seront menés auprès des différents acteurs du terrain : salariés, manageurs de proximité, top management, communicants internes, service RH, représentants du personnel, médecins du travail.

Références bibliographiques

ABDELNOUR S., BERNARD S. (2018), “Vers un capitalisme de plateforme ? Mobiliser le travail, contourner les régulations”, La nouvelle revue du travail [Online], 13 . URL : http://journals.openedition.org/nrt/3797 ; DOI : https://doi.org/10.4000/nrt.3797

ANDONOVA Y. (2019), « Algorithmic Management, Organizational Changes and the Digitalization of HR Practices : A Critical Perspective », in George E. Digitalization of Society and Sociopolitical Issues 1 : Digital, Communication and Culture, ISTE/Wiley, pp.27-37

BOUQUILLION Ph., ITHURBIDE Ch., (2021), « La globalisation culturelle et les nouveaux enjeux d’hégémonie à l’heure des plateformes », Réseaux, 2021/2, n°226-227, pp.71-98

BULLICH V., SCHMITT L., (2019), « Les industries culturelles à la conquête des plateformes ? », tic&société, Vol. 13, N° 1-2 | [En ligne], mis en ligne le 20 avril 2019, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ticetsociete/3028

CARAYOL V., LABORDE A. (2019), « Les organisations malades du numérique », coordination dossier thématique, Communication&Organisation, n°56, mis en ligne le 1er décembre 2019, consulté  le 18  mars  2023. URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/8207

CARDON D. (2015), À quoi rêvent les algorithmes. Nos vies à l’heure des big data, Paris, Seuil, coll. « La Republique des Idees »

CARDON D., CASILLI A. (2015), Qu’est-ce que le Digital Labor ?, Bry-sur-Marne, INA Éditions CASILLI A. (2019), En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Le Seuil

COMTET I., OIRY E. (coord.) (2017), « TIC, RH et organisations : que reste-t-il de la relation ?, Communication & Management, 2017/2, vol.14

CORBILLE S., FOLI O., TASSEL J. (2°18), « Ce que les recruteurs font des outils numériques : pratiques, enjeux et paradoxes », Communication et organisation, 53 | 2018, 19-38.

COUSSERAND-BLIN I., PINEDE N. (coord.) (2018), « Digitalisation et recrutement. Perspectives informationnelles et communicationnelles », Communication & Organisation, n°53

DESROSIERES A. (2008), Gouverner par les nombres, Paris : Presses des Mines ParisTech.

EL BOURKADI S. (2021), Plateformes numériques et santé au travail : le cas des chauffeurs VTC, thèse en Sciences de l’information et de la communication, CNAM.

JAMMET     Th.      (2018), « Vers     une  communication  de marque dictée par  les algorithmes ? », Communication et organisation, n°54, pp.93-105.

LEE, M. K., KUSBIT, D., METSKY, E., & DABBISH, L. (2015). Working with Machines  : The Impact of Algorithmic and Data-Driven Management on Human Workers. Proceedings of the 33rd Annual ACM Conference on Human Factors in Computing Systems, Seoul, Republic of Korea

MATTHEWS, J. (2015), « Passé, présent et potentiel des plateformes collaboratives. Réflexions sur la production culturelle et les dispositifs d’intermédiation numérique », Les enjeux de l’information et de la communication, 16(1), 57-71.

PEIROT N. (2017), De l’organisation citoyenne au markéting : le community organizing comme pratique de régulation de l’autonomie au sein des plateformes d’intermédiation numérique ? », Communication & Management, 2017/2, vol.14.

ROUVROY, A. et BERNS, T. (2013), « Gouvernementalité algorithmique et perspectives d’émancipation : le disparate comme condition d’émancipation par la relation », Réseaux, n°177, pp.163-196

SUPIOT A. (2015), La Gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France (2012-2015)

ZUBOFF S. (2020), L’âge du capitalisme de surveillance, Zulma

Discipline concernée :

Sciences de l’information et de la communication (71e section CNU)

La place et l’importante de la recherche dans la politique scientifique du Labsic

Le contrat doctoral fléché s’inscrit dans le lancement, en septembre 2021, de la 4ème Thématique du LabSic « Communication et organisation » et vise à la renforcer. A la croisée du champ de la communication des organisations (entreprises, institutions publiques, collectivités territoriales, etc.), de la sociologie des usages et des travaux de plusieurs chercheurs du LabSic sur les plateformes dans les industries culturelles, la problématique traitée dans cette thèse sera transversale aux autres thématiques du laboratoire.

Directrice de thèse :

Yanita ANDONOVA est professeure des universités en Sciences de l’information et de la communication, chercheure au LabSic et au Labex ICCA. Responsable de la mention « Communication des organisations » et de la Thématique 4 du LabSic « Communication et organisation : discours, acteurs et pratiques », elle co-coordonne le réseau international Crea2S – Creative Shift Studies (https://crea2s.hypotheses.org). Ses recherches portent sur :

  • l’analyse de la communication organisationnelle (enjeux géopolitiques, discours et pratiques professionnelles)
  • l’usage des dispositifs numériques (IA, algorithmes, objets connectés)
  • l’approche critique des injonctions à la créativité dans les entreprises et dans les industries créatives

Les candidats sont invités à prendre contact avec Mme ANDONOVA par mail (yanita.andonova@gmail.com)

Les compétences et qualités attendues du/de la candidate

Le ou la candidat.e devra être titulaire d’un master en Sciences de l’information et de la communication ou d’une autre discipline en SHS (sociologie, psychologie, ethnographie, sciences de gestion) et doit témoigner de qualités relatives à la recherche en sciences sociales (mémoire de recherche, étude de terrain, enquête, problématisation d’un sujet, techniques de recueil des données). Il ou elle devra démontrer son appétence à traiter des sujets liés à la communication organisationnelle dans une approche critique.

Le dossier de candidature, envoyée en version électronique, devra contenir (en un seul fichier format pdf) les éléments suivants :

  • Une lettre de motivation comportant le projet professionnel
  • Un CV (de deux pages maximum)
  • Un projet de thèse (15.000 signes maximum)
  • Le diplôme ou l’attestation de réussite du M1 et du M2

Si le Master 2 est en cours, il conviendra de fournir le relevé de notes du S1 et de joindre une lettre du directeur de mémoire garantissant le bon déroulement du travail.

Dossier complet à transmettre avant le lundi 15 mai 2023 (à midi), aux adresses suivantes :

Un entretien de présélection des candidats aura lieu le mercredi 17 mai 2023 après-midi, par visioconférence.

Le.a candidat.e présélectionné.e par le laboratoire sera auditionné.e par le jury désigné par l’École doctorale Érasme le vendredi 16 juin 2023.

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