Communication & Professionnalisation

Ressources pédagogiques et professionnalisation dans les formations à la communication

Réponse attendue pour le 19/11/2021

Type de réponse Résumé

Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Communication & Professionnalisation

Coordinateurs

Ce dossier de Communication & Professionnalisation interroge les usages des ressources pédagogiques au service de la professionnalisation dans les formations à la communication. Il vise à poursuivre la réflexion, initiée par les membres du RESIPROC (Lambotte, Lafrance, Coyette, 2013 ; congrès ACFAS/RESIPROC 2021), sur le processus de professionnalisation des contenus, méthodes et modes d’organisation, en portant une attention particulière aux stratégies des enseignants et responsables des formations. Il s’agit en particulier d’examiner les ambitions, objectifs et attendus correspondant à la prétention professionnalisante des stratégies pédagogiques propres aux enseignements de communication. Par « enseignements de communication », nous entendons non seulement les enseignements destinés à former des professionnels du secteur mais aussi ceux qui visent à transmettre des compétences « communicationnelles » considérées comme nécessaires à l’insertion professionnelle des étudiants dans d’autres domaines de spécialités.

Mot d’ordre structurant depuis de nombreuses années pour un Enseignement supérieur en quête de « modernisation », de « rationalisation » et d’« adaptation » aux besoins sectoriels du marché de l’emploi, la « professionnalisation des formations » constitue le leitmotiv des réformes récentes et actuelles de l’université (de la réforme de la formation par voie d’apprentissage à la réforme des Instituts Universitaires de Technologie [IUT] avec la mise en place du Bachelor Universitaire de Technologie, en passant par la Loi de Programmation de la Recherche). Ce mot d’ordre vise notamment à enclencher ou renforcer l’« industrialisation de la formation » (Mœglin, 2016), l’intégration croissante dans les cursus des activités et compétences professionnelles dans une logique adéquationniste (de La Broise et Brulois, 2010), le développement des dispositifs d’« insertion professionnelle » (stages, apprentissage, alternance…) ou encore la mobilisation de méthodes et ressources dites « professionnalisantes » (méthode des « cas », projets tutorés, jeux de rôle, simulations…).

Les recherches menées sur les dynamiques de professionnalisation ont connu en SIC un essor récent, sous l’impulsion notamment des travaux du RESIPROC (Baillargeon, David, 2013 ; Brulois, Carignan, David, Errecart, 2016 ; Baillargeon, Coutant, 2018). Les rapports complexes entre pédagogie et professionnalisation ont par ailleurs fait l’objet de collaborations interdisciplinaires entre SIC et sciences de l’éducation, qui se concrétisent, par exemple, dans l’ANR Renoir-IUT (Ressources Numériques : Offre, Intermédiations et Réseaux en IUT)[1], le Groupement d’intérêt scientifique Innovation, Interdisciplinarité, Formation (GIS2if) [2] ou encore le projet régional RECAP (La Recherche dans l’Apprentissage) [3]. Les enquêtes menées par ces trois collectifs auprès d’enseignants exerçant dans des filières universitaires très diverses ont notamment mis en lumière les ambiguïtés de la professionnalisation et les débats parfois vifs qui peuvent opposer les différents acteurs impliqués. La question des ressources pédagogiques, objets cristallisant des objectifs et stratégies disparates, voire concurrents, est propice aux échanges et confrontations interdisciplinaires. Ce numéro de Communication & professionnalisation propose d’orienter le dialogue interdisciplinaire sur les problèmes posés par les formations en communication.

Dans le cadre de ce dossier, nous proposons d’envisager la « professionnalisation » moins comme un concept (pour l’analyse) que comme une valeur orientant les programmes de formation, les pratiques pédagogiques et les ressources mobilisées. La référence à la « professionnalisation » est également devenue l’enjeu d’un marché, de plus en plus disputé aux écoles et universités traditionnelles, par un nombre croissant d’acteurs privés (« écoles professionnalisantes » spécialisées, organismes de formation professionnelle, acteurs industriels produisant des ressources et technologies éducatives…).
Malgré la prolifération des acteurs, des discours, des dispositifs et des pratiques qui s’en réclament, la « professionnalisation » est donc investie d’enjeux pluriels et de significations contradictoires [4], qui font débat plus qu’elles ne s’articulent (Wittorski, 2009). Ces représentations, variables en fonction des cursus considérés et des acteurs en lice, se définissent à la croisée des consignes institutionnelles, des demandes industrielles et des exigences académiques. Elles font l’objet de constantes négociations et alimentent de vifs débats sur les enjeux et modalités d’une formation « professionnalisante ». Elles traduisent enfin des conceptions divergentes – parfois exclusives – du professionnalisme, qui influent sur les pratiques pédagogiques comme sur l’usage des ressources éducatives.

Comment la « professionnalisation » se concrétise-t-elle dans les dispositifs et pratiques pédagogiques contemporains ? Quels savoirs et savoir-faire « communicationnels » ces dispositifs et pratiques formalisent-ils et prétendent-ils transmettre ? À quelles conditions, dans quels contextes spécifiques et à travers quelles médiations deviennent-ils « professionnalisants » pour les acteurs concernés ? Quels sont les acteurs qui interviennent dans la conception des ressources pédagogiques et dans leur valorisation ? Quelles conceptions du professionnalisme et de la professionnalité actualisent-ils ?

Axes proposés

Les contributions attendues pourront porter à la fois sur la formation initiale (universitaire ou non), sur la formation continue ou tout au long de la vie, sur la formation en apprentissage, sur la formation professionnelle, ou encore sur des pratiques pédagogiques transversales qui incarnent des prétentions fortes à la professionnalisation (projets tutorés, études de cas, challenge). Une attention particulière sera portée aux conditions de la production et de la mobilisation des ressources pédagogiques selon les contextes de formation.

Les contributions pourront s’inscrire dans l’un ou plusieurs des axes de questionnement suivants :

Réformes et discours institutionnels : quelles conceptions de la pédagogie ?

Les contributions pourront porter sur les cadrages institutionnels qui président à l’élaboration des cursus et des ressources pédagogiques associées afin d’examiner les liens entre injonction au professionnalisme (Boussard, Demazière, Milburn, 2010) et modalités pédagogiques. À cet égard, les récentes réformes (des cursus en apprentissage, des IUT avec la création du bachelor, ou encore des INSPE [5]) peuvent être des contextes et objets très riches pour aborder ces questions. Les contributions porteront sur l’analyse des discours et des cadrages institutionnels, l’analyse des maquettes ou encore sur des enquêtes menées auprès des acteurs concernés.
La question de la prescription des formes pédagogiques (pédagogie par projets, études de cas, pourcentage d’intervenants professionnels, projets tutorés, etc.) pourra dès lors permettre de déployer un regard critique sur les conceptions de la professionnalisation et analyser la place plus ou moins importante accordée aux savoirs académiques par rapport aux « savoirs d’action » (Barbier, dir., 2011) et à la pensée critique (Farina, M., Pasquinelli, E., & Zimmeman, G., 2017) dans celles-ci.

Offre de ressources « professionnalisantes » et stratégies de valorisation

Les contributions pourront ici porter sur l’analyse des stratégies de production et de valorisation de ressources pédagogiques de natures diverses afin d’analyser dans quelle mesure la question de la professionnalisation représente une norme et une valeur (Dewey ; 2011). Les approches socio-économiques portant sur l’analyse du positionnement des acteurs et de leurs stratégies de mise en visibilité de leur offre de ressources pourront permettre de distinguer des types d’acteurs (institutionnels, industriels, associatifs) et leurs modèles socio- économiques (Mœglin, 2007). L’analyse des différentes stratégies visant à présenter leurs prestations éducatives pourra permettre de voir comment ils positionnent ces offres à partir de différentes formes argumentatives (adéquation à des besoins des secteurs professionnels, appétences des apprenants, praticité, simplicité, « ludicité », etc.), formes argumentatives qui peuvent permettre de faire ressortir les conceptions plurielles de la professionnalisation.
Les contributions pourront porter attention aux processus de circulation à travers lesquels les ressources, en tant qu’« êtres culturels » (Jeanneret, 2008), se chargent progressivement d’une valeur à la fois pédagogique, stratégique et symbolique.

Dispositifs et ressources « professionnalisants » : quelles conceptions de la professionnalisation ?

Les prétentions professionnalisantes de l’enseignement supérieur s’incarnent dans une grande variété de dispositifs (projets tutorés, modules « cœur de métier », mises en situation professionnelle, modules « Projets Personnel et Professionnel »…) et de ressources pédagogiques (manuels, vidéos, banques de cas, serious games…). Les propositions qui s’inscrivent dans cet axe s’intéresseront à la diversité des ressources (documents, techniques, médias) conçues ou mobilisées par les enseignants pour assurer la transmission de savoirs considérés comme « opérationnels » (Seurrat, 2018). Elles s’appuieront, par exemple, sur des analyses attentives à la configuration formelle et matérielle de ces objets pluriels, sur des études de leurs usages en situation ou sur des enquêtes menées auprès de leurs concepteurs, pour éclairer les représentations du « bon » professionnel qu’ils actualisent, les postures d’enseignant et d’étudiant qu’ils assignent, les modalités pédagogiques qu’ils préconisent ou favorisent.

Pratiques pédagogiques en situation d’apprentissage et visée de professionnalisation

Les transformations récentes des pratiques pédagogiques dues aux usages du numérique ont conduit non seulement les chercheuses et les chercheurs à étudier et à modéliser ces nouvelles situations d’enseignement et d’apprentissage dans une démarche d’innovation pour l’éducation [6] mais elles les invitent également à interroger leur visée de professionnalisation. Un dialogue entre Sciences de l’information et de la communication et Sciences de l’éducation (Jacquinot-Delaunay, 2001) est d’autant plus nécessaire pour analyser ces situations d’apprentissage qu’elles sont le plus souvent médiées par des outils numériques.
Partant d’approches empiriques et intégrant une dimension critique liée aux questionnements relatifs à la visée professionnalisante de certaines pratiques pédagogiques, les contributions de cet axe pourront porter, par exemple, sur les prescriptions pédagogiques (lors notamment de l’apprentissage de certains logiciels ou langages de programmation du fait même que ce sont ceux utilisés par les entreprises recruteuses de stagiaires, d’alternants ou de diplômés), les modalités d’appropriation de ces ressources par les enseignants (via l’intervention de praticiens dans les formations, via le tutorat d’apprentissage, lors du suivi de stage, etc.), les situations d’apprentissage imaginées (type SAÉ [7] du nouveau Bachelor en IUT) ou les injonctions poussant les enseignants et responsables de formation à mettre en œuvre des situations pédagogiques afin de faire acquérir une littératie numérique à leurs élèves et étudiants.
Ainsi, l’analyse fine des situations d’apprentissage et de leur visée de professionnalisation permettra de mieux saisir la complexité des enjeux associés, d’approches purement gestionnaires de l’organisation éducative, aux relations, parfois compliquées, entre enseignants issus des milieux professionnels et enseignants relevant de l’institution (Morillon, Carignan, Parrini-Alemanno, 2020).

Bibliographie indicative

  • Baillargeon, D. et David, M. (dir.) (2013), Les Cahiers du RESIPROC, n° 1 : « La professionnalisation des Dynamiques, tensions et vecteurs ».
  • Baillargeon, D. et Coutant, A. (dir.) (2018), Communication & Professionnalisation, n° 7 : « Trajectoires professionnelles en communication : atypies, hybridités et temporalités ».
  • Barbier, J-M. (dir.) (2011), Savoirs théoriques et savoirs d’action, Paris : Presses universitaires de 316 p.
  • Bourdoncle (2000), « Professionnalisation, formes et dispositifs », in Bourdoncle, (dir.), Recherche & Formation, n° 35 : « Formes et dispositifs de la professionnalisation », p. 117-132.
  • Boussard, , Demazière, D. et Milburn, Ph. (dir.) (2010), L’injonction au professionnalisme. Analyses d’une dynamique plurielle, Rennes : Presses Universitaires de Rennes.
  • Brulois, V. et De La Broise, P. (2010), « La communication interne aux prises avec la professionnalisation », Communiquer, n° 3-4, 123-134.
  • Carignan M-E, Brulois V, David M, Errecart A (dir.) (2016), Communication & Professionnalisation, n° 4 : « Dynamiques de professionnalisation en communication : entre ruptures et continuités, prescription et émancipation ».
  • Demazière, , Roquet, P., Wittorski, R. (dir.) (2012), La professionnalisation mise en objet, Paris : L’Harmattan.
  • Dewey, (trad. 2011), La formation des valeurs, Paris : Éditions de La Découverte.
  • Dubar, (2010). La crise des identités. L’interprétation d’une mutation (4e éd.).

Paris : PUF.

  • Farina, , Pasquinelli, E., et Zimmeman, G. (2017), Esprit critique, esprit scientifique, Paris : Le pommier.
  • Jacquinot-Delaunay, G. (2001), « Les sciences de l’éducation et de la communication en dialogue : à propos des médias et des technologies éducatives », L’Année sociologique, n° 51, 391-410.
  • Jeanneret, Y. (2008), Penser la trivialité : la vie triviale des êtres culturels, Paris : Éditions Hermès-Lavoisier.
  • Jorro, (dir.) (2014), Dictionnaire des concepts de la professionnalisation, Louvain- la-Neuve : De Boeck.

–    Lépine V. (2016), « Penser la professionnalisation comme une mise en mouvement : les communicateurs », Revue française des sciences de l’information et de la communication [en ligne], n° 9, 2016. URL : journals.openedition.org/rfsic/2266.

  • Mœglin, P. (2007), « Le professeur et le courtier », Études de communication, n° spécial « L’intégration du numérique dans les formations du supérieur », 111-132.
  • Mœglin, P. (dir.) (2016), Industrialiser l’éducation. Anthologie commentée (1913- 2012), Saint-Denis : Presses universitaires de
  • Morillon L., Carignan M-È et Parrini-Alemanno S. (dir.) (2020), Communication & Professionnalisation, n° 10 : « Influences croisées entre pratiques et recherches en communication des organisations ».
  • Seurrat, A. (2018), Les savoirs sur la communication face à l’impératif d’efficacité. Industrialisation, professionnalisation, médiation et évaluation dans la formation professionnelle courte à la communication, mémoire d’HDR en SIC, CELSA, 2018.
  • Wittorski, R. (2009), « À propos de la professionnalisation », in J-M Barbier, Bourgeois et G. Chapelle (dir.), Encyclopédie de l’éducation et de la formation, Paris : PUF, p. 781-793.

Notes

[1] – www.renoir.uca.fr/.

[2] – www.gis-2if.shs.parisdescartes.fr/.

[3] – www.geriico.univ-lille.fr/detail-actu/projet-recap/.

[4] – Richard Wittorski distingue la « professionnalisation-profession » (constitution d’un groupe de travail autonome), la « professionnalisation-efficacité du travail » (accompagnement de la flexibilité du travail) et la « professionnalisation-formation » (« fabrication » d’un professionnel par la formation).

[5] – Institut national supérieur du professorat et de l’éducation.

[6] – Ces réflexions sont notamment conduites au sein du GIS2if (Groupement d’Intérêt scientifique innovation et interdisciplinarité dans la formation) https://gis-2if.shs.parisdescartes.fr/.

7. Une situation d’apprentissage et d’évaluation (ou SAÉ) est une modalité d’apprentissage basée sur la reproduction d’une situation professionnelle et visant l’acquisition d’une compétence professionnelle prédéfinie. Pour chaque compétence ciblée, la SAÉ s’appuie sur un ensemble de ressources et vise à acquérir un ensemble d’apprentissages critiques.

Calendrier et consignes aux auteurs

  • Date limite de soumission : 19 novembre 2021
  • Notification aux auteurs : 17 décembre 2021
  • Envoi des articles complets : 4 mars 2022
  • Remise du texte final après retours des évaluateurs : 29 avril 2022
  • Publication du numéro : juin 2022

Les auteur·es sont invité.e.s, dans un premier temps, à proposer une intention à soumettre d’ici le 19 novembre 2021, via le site internet de la revue. Les intentions feront entre 1200 et 1500 mots (bibliographie non comprise). Elles présenteront le titre, éventuellement l’axe dans lequel s’insère de façon préférentielle cette proposition, la problématique, la méthodologie adoptée, le cas échéant, et les principaux résultats qui seront développés.

Sous réserve d’un retour favorable sur ces intentions, les auteur·es devront par la suite soumettre une première version de leur article complet au plus tard le 4 mars 2022, en suivant les normes de,la  revue sur  son site : https://ojs.uclouvain.be/index.php/comprof/about/submissions.

 

Communication & Professionnalisation est une revue scientifique reconnue du domaine des sciences de l’information et de la communication (71e section du CNU, CPdirsic, SFSIC). Elle fonctionne sur le mode de la publication continue : plusieurs dossiers thématiques sont ouverts simultanément sur le site de la revue, et les articles soumis et acceptés pour publication dans ces dossiers sont publiés un à un sur le site, au moment de leur finalisation, sans attendre que l’ensemble du dossier soit prêt à être publié. La revue est également intéressée par des propositions hors thématique.

Coordination du numéro