Revue Magana

Questionner les types de discours en contexte africain

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Informations éditées à partir d’une annonce Calenda.

Réponse attendue pour le 29/12/2025

Type de réponse Résumé

Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Revue Magana

Discipline transversale, l’Analyse du discours (AD) s’est constituée au croisement de plusieurs traditions intellectuelles, notamment la linguistique, la philosophie, la sociologie et les sciences de la communication. L’une de ses préoccupations majeures est la typologie des discours, c’est-à-dire la catégorisation des productions discursives en fonction de leurs spécificités linguistiques, pragmatiques et socio-historiques. Avant l’émergence de l’AD comme discipline autonome, la classification des discours trouvait déjà ses racines dans la rhétorique antique. Aristote distinguait trois métagenres : le discours délibératif, le discours judiciaire et le discours épidictique.

Dans les années 1960-1970, l’AD moderne s’est développée à partir des travaux de chercheurs tels que Michel Foucault[1], Michel Pêcheux[2] et les linguistes de l’École française d’Analyse du discours. Son objectif central était de comprendre les mécanismes de construction du sens et les rapports de pouvoir à travers les discours.

L’un des enjeux majeurs en AD réside dans la difficulté de proposer une typologie stabilisée des discours. En effet, une typologie trop rigide risquerait d’effacer les dynamiques discursives et l’hybridité des formes contemporaines (médias sociaux, discours institutionnels, discours militants, etc.). Les catégorisations discursives procèdent dès lors davantage d’une approche prototypique : les discours y sont définis par un faisceau de critères plutôt que par des catégories fixes. Parmi ces critères figurent le contexte socio-historique, la variation des supports (discours oral, écrit, médiatique, numérique) et les enjeux de réception (un même discours pouvant être interprété différemment selon les publics).

Classer les discours revient aussi à adopter une certaine vision du monde : les typologies ne sont donc jamais neutres et peuvent servir à légitimer certains discours tout en en marginalisant d’autres. Aujourd’hui, les progrès technologiques, les transformations sociales, la diversification des contextes sociopolitiques et médiatiques ainsi que les reconfigurations géopolitiques influencent profondément les pratiques langagières. En rappelant le principe fondateur de l’AD – analyser les formes et fonctions des discours en les articulant à leurs ancrages sociaux, politiques et idéologiques –, la classification des discours apparaît comme un enjeu à la fois central et complexe, les discours étant par nature dynamiques et évolutifs au gré des contextes et des situations de communication.

Concept pluriel dans ses dimensions, le contexte peut être linguistique, situationnel, institutionnel ou socio-historique. Il peut également être large ou restreint. De plus, il a la capacité de reconfigurer la réception d’un discours selon le lieu, le moment, le support, l’auditoire et l’émetteur. Enfin, le contexte participe à la fois des rapports de pouvoir véhiculés par le discours et des stratégies discursives. Ainsi, certains discours, comme le discours médical, sont légitimés par des institutions, tandis que d’autres – tels les discours militants ou populaires – sont disqualifiés ou marginalisés. Le contexte a également une fonction de régulation, en influençant ce qu’il est possible de dire ou non (censure, liberté d’expression, etc.).

Les transformations sociales, politiques et culturelles posent une question fondamentale : les typologies classiques des discours, élaborées dans des contextes occidentaux et institutionnels, peuvent-elles réellement rendre compte des nouvelles formes discursives africaines, caractérisées par leur fluidité, leur hybridité et leur ancrage dans des pratiques socioculturelles spécifiques ?

Axes de réflexion

À notre avis, une révision de ces typologies semble nécessaire pour intégrer pleinement ces dynamiques émergentes. Nous en proposons quelques axes (non exhaustifs) de réflexion :

  • Le contexte sociohistorique et les enjeux de domination à l’œuvre ;
  • Le contexte sociolinguistique ;
  • L’oralité et les formes discursives traditionnelles ;
  • La dynamique des nouveaux espaces discursifs : médias et numérique ;
  • Les enjeux politiques et identitaires de la typologie des discours ;
  • La communication ritualisée.

En conclusion, l’analyse des discours en contexte africain invite à repenser les typologies classiques à la lumière des spécificités culturelles, historiques et sociales propres au continent. Une simple transposition des modèles occidentaux apparaît insuffisante, voire réductrice, face à la richesse et à la diversité des formes discursives africaines. Une typologie des discours ancrée dans les réalités africaines suppose une réflexion critique reconnaissant la pluralité et la complexité des dynamiques discursives du continent. Les propositions attendues devraient dépasser les cadres descriptifs traditionnels pour mettre en évidence des spécificités argumentatives, énonciatives et syntaxiques susceptibles de redéfinir les types et les genres de discours.

Modalités de contribution

La revue Magana publie exclusivement en langue française, mais peut exceptionnellement admettre des textes en anglais ou en d’autres langues si elle dispose d’une ressource humaine circonstancielle pour les évaluer et les réviser. Elle pratique l’évaluation par les pair-e-s (peer-review) et dispose d’une politique antiplagiat arrimée à celle du Grenier des savoirs. Les résumés ainsi que les textes définitifs seront exclusivement soumis en ligne aux adresses suivantes : jeannettembondzi@gmail.com ; mireille.kissi@gmail.com ; abdoulkone00@gmail.com.

Avant l’envoi des textes définitifs, les auteurs et autrices sont prié-e-s de télécharger la feuille de style et de respecter scrupuleusement les normes de présentation qu’ils ou elles trouveront à cette adresse : https://www.revues.scienceafrique.org/adilaaku/politiques/instruction-aux-auteurs-et-aux-autrices/

  • Date limite de réception des résumés : 29 décembre 2025
  • Réponse aux auteurs et autrices après évaluation de la proposition : 10 janvier 2026
  • Réception des textes complets : 30 mars 2026
  • Publication du volume : juin 2026

Dossier coordonné par Jeannette Yolande MBONDZI (CRELL, Université Omar Bongo, Gabon), Mireille Denise KISSI (LADYLAD, Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire) & Abdoul Karim KONE (R2AD, Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire)

Comité de rédaction

  • Ibrahima BA (Université Cheikh Anta Diop, Sénégal) ;
  • Moussa COULIBALY (Université Assane Seck, Sénégal) ;
  • Demba Tillel DIALLO (Université Cheikh Anta Diop, Sénégal) ;
  • Donald DJILÉ (Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire) ;
  • Mireille Denise KISSI (Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire) ;
  • Clémentine LOKONON (Institut Universitaire Panafricain, Bénin) ;
  • Christian MANGA (Université de Buea, Cameroun) ;
  • Jeannette MBONDZI (Université Omar Bongo, Gabon) ;
  • Danon Anicet MOROKO (Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire) ;
  • Liliane Surprise OKOME ENGOUANG (École Normale supérieure, Gabon) ;
  • Ousmane SIDIBE (Université de San Pedro, Côte d’Ivoire).

Comité scientifique

  • Amadou Ouattara ADOU (Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire).
  • Hilaire Djédjé BOHUI (Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire) ;
  • Momar CISSE (Université Cheikh Anta Diop, Sénégal) ;
  • Nanourougo COULIBALY (Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire) ;
  • Luca GRECO (Université de Lorraine, France) ;
  • Dorgelès HOUESSOU (Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire) ;
  • Eni ORLANDI (Unicamp – Université d’État de Campinas, Brésil) ;
  • Adamou Amadou SAIBOU (ENS, Université Abdou Moumouni, Niger) ;
  • Kalidou SY (Université Gaston Berger, Sénégal) ;
  • Pascal TOSSOU (Université d’Abomey Calavi, Bénin) ;
  • Monica ZOPPI (Unicamp – Université d’État de Campinas, Brésil).

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[1] Michel Foucault (1969) met l’accent sur les formations discursives, définissant les discours comme des ensembles structurés par des règles implicites régissant ce qui peut être dit dans un cadre donné.

[2] Michel Pêcheux (1975) développe une approche matérialiste du discours, influencée par le marxisme et la psychanalyse, où la typologie des discours est reliée aux idéologies et aux appareils d’État.