Ethnographiques.org

Narrations ethnographiques et multimédias

Mis en ligne le

Réponse attendue pour le 05/07/2025

Type de réponse Résumé

Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Ethnographiques.org

Il y a bientôt 20 ans, le comité de la revue Ethnographiques.org invitait les chercheuses et chercheurs à réfléchir aux potentialités des écritures ethnographiques en ligne. Avec les mots d’alors, nous nous demandions si le recours au “multimédia” permettait d’approcher un certain idéal d’écriture ethnographique, articulant textes, images et sons, pour offrir un accès plus direct aux pratiques et discours des individus et des groupes étudiés, s’approchant ainsi d’une restitution plus fine et partagée des phénomènes sociaux [1].

À l’époque, le recours aux appareils numériques sur le terrain (dictaphones, appareils photo et caméras) était déjà répandu mais l’utilisation des données produites avec ceux-ci était plutôt rare. Souvent mobilisés dans le cadre d’expositions ou de conférences, leur usage restait généralement limité dans les publications scientifiques, tant pour des questions techniques qu’en raison d’une méconnaissance des langages narratifs spécifiques à chaque média. Nous constations alors que « les documents visuels et sonores [s’effaçaient] habituellement dans la production ethnologique devant le travail d’écriture nécessaire à la structuration de la pensée ». Le recours plus fréquent au multimédia annonçait-il ainsi l’avènement d’une autre écriture où le scientifique pouvait se « vivre aussi comme une sorte de metteur en scène » ?

Vingt ans plus tard, ces « nouvelles narrations » ont-elles tenu leurs promesses ? Convient-il de formuler différemment ces questions aujourd’hui ? Qu’en est-il à l’heure où les technologies numériques ont vu leurs usages croître de manière exponentielle dans les domaines d’activités les plus divers ; qu’il est devenu commun, individuellement ou collectivement, de mettre en scène ses propres récits multimédias sur les réseaux sociaux ; et que le droit à l’image n’a jamais été autant discuté ?

Avec ce numéro, la revue Ethnographiques.org désire susciter une réflexion sur l’évolution des écritures ethnographiques à travers l’usage des outils numériques, sur les nouvelles possibilités qui ont émergé, ainsi que sur les diverses contraintes auxquelles sont confrontées ces écritures.

Cette thématique pourra être envisagée sous une pluralité d’angles, lesquels ne sont ici ni exclusifs ni exhaustifs.

Les nouvelles technologies ont pu laisser croire à un meilleur partage de l’autorité ethnographique, en donnant la possibilité d’entendre et de voir les personnes habituellement caché·es derrière les mots des chercheurs et chercheuses. L’idéal d’une anthropologie partagée et plus inclusive, d’un discours à plusieurs voix, serait-il enfin accessible ? Le multimédia y concoure-t-il vraiment ? Ou contribue-t-il au contraire à susciter de nouvelles disparités, ou encore à consolider les hiérarchies et les rapports de force existants ? Quelles sont les implications éthiques de ses usages et mésusages ?

Contraintes

Le développement des revues en ligne et l’adoption de plus en plus étendue/répandue des moyens multimédia dans la recherche et les publications se sont accompagnés ces dernières années de nouvelles contraintes. Dans quelle mesure les revues, portails et plateformes de publications scientifiques en ligne ont cherché à adapter – ou non – leurs modèles et formats éditoriaux à ces possibilités narratives ? Dans quelle mesure la sensibilité accrue au droit à l’image tout comme le renforcement des codes éthiques et des normes concernant l’usage des images, l’anonymat ou les demandes d’autorisation modifient les manières de produire des images et de construire des récits ? Comment ces changements influencent-ils les pratiques académiques et la diffusion des connaissances ? Dans quelle mesure ces contraintes ouvrent-elles de nouvelles perspectives ?

Intégration des expériences sensibles

Les articulations entre textes, images et sons permettent-elles de penser autrement les enjeux réflexifs et méthodologiques du terrain, en intégrant, par exemple, l’expérience sensible des chercheur·euses et la dimension polysensorielle de l’enquête ? Comment le recours à ces outils contribue-t-il à façonner autrement la manière de penser, percevoir et rendre compte du monde ?

Écritures collaboratives

Comment construire une narration qui s’ancre à la fois dans le texte, dans l’image et/ou dans la matière sonore ? Dans quelle mesure ces formats narratifs permettent-ils au lectorat de jouer un rôle plus actif en mettant en relation les divers matériaux reliés au texte, et à participer ainsi au processus interprétatif ? Et en quoi le recours à de telles alternatives transforme-t-il la façon dont les chercheur·euses abordent la narration anthropologique en ouvrant entre autres la voie à des collaborations interdisciplinaires non exclusivement académiques qui modifient autant les structures argumentatives que les modes d’administration de la preuve scientifique ?

Enseignement et diffusion des écritures alternatives

Doit-on s’attendre, dans le domaine de l’enseignement, à une hybridation croissante de l’écriture stricto sensu, accordant une plus grande place aux dispositifs numériques et aux formats multimédias tout en prolongeant et renouvelant l’usage canonique des films et des représentations graphiques ?
Malgré l’intérêt croissant dont elles font l’objet, le recours à ces technologies est loin d’être systématique. Elles suscitent toujours une certaine défiance dans les cadres académiques conventionnels où les acteurs et actrices n’ont pas nécessairement les compétences pour produire et évaluer des modes rompant avec une forme d’écriture linéaire. On pourra ainsi s’interroger sur la manière dont l’ethnographie est enseignée et plus particulièrement sur la place conférée à l’écriture dans ses multiples dimensions. Au-delà du projet d’une écriture multimédia, comme le propose la revue Ethnographiques.org, qu’en est-il des enseignements axés sur les formats narratifs ou argumentatifs proposés dans les universités ?

Le débat théorique autour de ces problématiques gagnera à être alimenté d’exemples concrets. Nous privilégierons les réflexions menées à partir de réalisations et d’expériences pratiques récentes, afin d’éclairer les enjeux théoriques des dialectiques multiples entre textes, images et sons, que cela soit dans des revues ou des blogs scientifiques en ligne, des installations muséales, des productions filmiques, des sites internet, etc. Les réflexions ou argumentations articulant différents médias seront particulièrement bienvenues.

Les propositions d’articles, de 1 à 2 pages maximum, devront être envoyées aux 4 adresses suivantes :

 

  • Lancement de l’appel / sollicitation d’auteur·es : 15 mai 2025
  • Date limite des propositions (max. 2 pages) : 5 juillet 2025
  • Réponses aux propositions de communication : 15 juillet 2025
  • Date limite de remise de la première version des articles : 15 novembre 2025
  • Date limite de remise des articles sur la base des commentaires reçus : début mai 2026
  • Publication du numéro 51 de la revue ethnographiques.org : décembre 2026

À noter que les auteurs et autrices retenus dans le cadre de cet appel à contribution seront conviés à une journée d’étude et d’échange autour des différentes contributions en avril 2026

Pour tout renseignement et envoi de propositions de varia : redaction@ethnographiques.org

Notes

[1Ces questionnements ont donné lieu à un colloque international en 2006 à l’Institut d’ethnologie de Neuchâtel et à deux numéros spéciaux publiés en 2008 et en 2015 (cf. https://www.ethnographiques.org/2008/numero-16/ ; https://www.ethnographiques.org/2015/numero-30/).

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