Les Enjeux de l'information et de la communication

Médiations scientifiques et usages sociaux des savoirs

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Réponse attendue pour le 15/04/2024

Type de réponse Résumé

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Nom de la publication Les Enjeux de l'information et de la communication

Éditeur Les Enjeux de l'information et de la communication

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 Ce supplément s’inscrit dans le cadre des recherches pluridisciplinaires menées sur les différentes formes de diffusion et d’usages sociaux des savoirs issus de la recherche scientifique. Celles-ci portent sur la vulgarisation scientifique, les institutions et organisations dédiées à la médiation scientifique, les politiques publiques centrées sur la culture scientifique, le niveau de culture scientifique des populations, l’éducation formelle et non formelle aux sciences, les enjeux communicationnels des institutions productrices de savoirs… Ce supplément est consacré à une autre dimension de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le dialogue science-société ou « sciences avec et pour la société », dans une perspective différente de l’étude des controverses publiques autour des sciences (Chambru, 2021). Il propose de rassembler des recherches conceptuelles et empiriques portant sur la médiation scientifique en sciences de l’information et de la communication ainsi que dans l’ensemble des champs disciplinaires des sciences humaines et sociales : sociologie, histoire, anthropologie, sciences politiques, etc. 

La médiation scientifique est ici abordée par le prisme des actions menées par les acteurs de la culture scientifique pour des publics, soit indifférenciés, soit spécifiques. La médiation s’est historiquement développée en parallèle de la médiation culturelle, et a pour caractéristique d’être portée par des acteurs dont la compétence principale, voire unique, est tournée vers les publics. Alors que la médiation culturelle est principalement exercée au sein des institutions culturelles, la médiation scientifique s’exerce majoritairement en dehors des institutions scientifiques : elle a été soit externalisée (musées associés à des centres de recherche, création de centres de culture scientifique à l’initiative d’universités), soit développée au sein des milieux associatifs de l’action culturelle scientifique. Bien que les universités et les centres de recherche aient développé, parfois de longue date, des actions de médiation (Minault, 2021 ; Bordeaux et Chambru, 2020), cette extériorité de la médiation scientifique reste un élément caractéristique par rapport à d’autres médiations, culturelles et artistiques. Certes, 

les chercheurs sont traditionnellement attachés à la diffusion des savoirs qu’ils contribuent à produire, mais l’examen concret des dispositifs de médiation montre des liens parfois ténus entre laboratoires et structures de culture scientifique (Chambru et al., 2023). Un des défis actuels de la culture scientifique est, par exemple, de passer de l’investissement spontané de chercheurs, sous la forme d’une philanthropie individuelle et en apparence désintéressée, à une construction de liens et à une reconnaissance réciproque entre institutions et milieux associatifs ou territoriaux. 

Par-delà la très grande hétérogénéité des acteurs et des activités de la culture scientifique, la médiation scientifique se situe donc à un point de tension entre des conceptions à visée émancipatrice de l’animation et des conceptions instrumentales de la vulgarisation (Jurdant, 1973). Elle se conçoit et se diffuse dans des formats qui sont le plus souvent culturels, agissant ainsi « par le détour de la culture » (Urbas, 2022) : expositions, festivals, etc. La notion de culture scientifique peut aussi être saisie comme catégorie sociologique d’analyse des rapports sociaux aux sciences (Perronnet, 2021) plutôt que dans son usage habituel désignant simultanément les connaissances scientifiques des publics et les actions qui visent à les développer. Autrement dit, comme d’autres activités sociales liées à la transmission et à l’éducation non formelle, la référence aux publics sert de justification à la reconnaissance des acteurs et à leurs modalités d’action. Celles-ci évoluent au rythme de l’évolution de la représentation des publics : pour utiliser la terminologie en langue anglaise, il y aurait une évolution entre le modèle d’action publique du public understanding of science (vulgarisation) et celui du public engaging with science. En langue française, la terminologie est plus ambiguë, à divers titres. Tout d’abord, la culture scientifique désigne à la fois une politique publique (la CSTI) et un certain niveau de savoirs (le niveau de culture scientifique d’un individu ou d’une population, synonyme de culture générale). Ensuite, le public engaging with science se déploie dans différentes directions : publicisation de la science (Pailliart, 2006), démocratie technique (Callon, 1999 ; Callon Lascoume Barthe, 2001), sciences dites participatives (Houillier, 2016), sciences citoyennes (Gingras, 2022), etc. 

La notion de médiation scientifique est aussi simultanément mobilisée directement par les professionnels contre celle de communication scientifique pour se positionner comme les défenseurs des intérêts des publics (Bergeron, 2016). Normes d’actions et valeurs plus ou moins sous-jacentes créent ainsi des confusions, c’est pourquoi ce supplément est consacré, non à la culture scientifique, mais à la médiation scientifique en tant que concept, et aux médiations scientifiques en tant qu’actions situées. Qu’elles relèvent des pratiques ordinaires des chercheurs ou des médiateurs, ces dernières participent en effet à une mise en récit singulière des mondes sociaux (Bodin, 2022). Elles sont un assemblage complexe de processus, de pratiques et d’objets conduisant des situations particulières de pouvoir qui, saisies par une approche communicationnelle des enjeux scientifiques et techniques (Quet, 2014), appellent également à la construction d’une théorisation des rapports entre médiation scientifique et enjeux de pouvoir. 

Les propositions d’articles pourront s’intégrer dans un ou plusieurs de ces trois axes, sans que ceux-ci soient limitatifs. 

Axe 1. Dispositifs, identités et dynamiques socio-professionnelles des acteurs de la médiation scientifique 

Cet axe est consacré à l’étude des acteurs multiples et variés de la médiation scientifique : acteurs institutionnels, comme les musées et les centres de sciences ; acteurs associatifs ; chercheurs investis dans la médiation ; médiateurs scientifiques salariés ou indépendants. Ces derniers n’ont fait que récemment l’objet d’enquêtes et de recherches, comme par exemple Richard et Barrett (2011), et plus récemment l’INJEP (2022) à propos des youtubeurs scientifiques ainsi que le réseau des indépendants de la CSTI (OCIM, 2023). Qui sont les acteurs de la médiation scientifique, quelles sont leurs identités professionnelles, en quoi constituent-ils (ou non) une profession, quels sont les acteurs qui peuvent être considérés comme émergents ? Quels sont les questionnements spécifiques aux métiers, compétences et gestes de la médiation scientifique ? Quels dispositifs sont mis en oeuvre ? 

Axe 2. Champ scientifique, diffusion des savoirs et médiation : enjeux de pouvoirs et régimes de légitimités 

Cet axe s’attache aux questions de légitimité et de contre-légitimité, plus prégnantes dans la médiation scientifique que dans la médiation culturelle, dans la mesure où le champ scientifique (Bourdieu, 1976, 1997) est organisé selon des principes et des réalités différents de ceux des mondes de l’art et de la culture (Becker, 1988). Ces questions se posent aussi au sein du champ scientifique lorsque celui-ci s’organise pour prendre en charge la diffusion des savoirs et le dialogue science-société (services science-société, services de communication, services culturels). De quelle manière la légitimité et la contre-légitimité sont-elles abordées ou construites par les différents acteurs ? À quelles concurrences ou, au contraire, à quels partenariats donnent-elles lieu entre ces derniers ? L’expertise scientifique bénéficie-t-elle d’une reconnaissance publique particulière ? Comment et au nom de quoi celle-ci a-t-elle parfois pu être fragilisée, par exemple au moment de la crise de la Covid19 ? 

Axe 3. Approches historiques, réflexives et critiques de la médiation scientifique 

Cet axe interroge la médiation scientifique comme notion scientifique en examinant ses généalogies, qu’il s’agisse de l’émergence de la fonction du médiateur scientifique (Bordeaux et Caillet, 2013), de l’ancrage dans la double tradition de l’éducation populaire, éducative et politique (Las Vergnas, 2011) ou des développements plus contemporains autour de la démarche scientifique. Ceux-ci concernent plus spécifiquement les méthodologies de recherche participative, les méthodologies relatives aux débats publics et aux sujets faisant l’objet de controverses scientifiques. Quelles sont, dans ces différents cadres, les spécificités de la médiation scientifique ? Quels en sont les enjeux et les modèles dominants ? Quels sont ses rapports avec l’évolution de la construction des savoirs dans les sociétés contemporaines ? 

Modalités de soumission

  • Les propositions d’articles (5 000 signes espaces comprises, bibliographie indicative non comprise) comprendront un titre, une présentation de l’article et de  son cadre théorique, de l’objet et des méthodes mobilisées ainsi que les nom, prénom, statut, rattachement institutionnel et email de l’auteur.trice. 
  • Elles sont à adresser aux coordinateur·rice·s du supplément pour le 15 avril 2024 aux adresses suivantes : 
    • Marie-Christine Bordeaux – marie-christine.bordeaux@univ-grenoble-alpes.fr
    • Mikaël Chambru – mikael.chambru@univ-grenoble-alpes.fr 

Calendrier prévisionnel

 

  • 15 avril 2024 : soumission des résumés pour évaluation 
  • 7 mai 2024 : notification de l’acceptation ou du refus 
  • 15 septembre 2024 : réception des articles (V1) 
  • 21novembre : envoi de la deuxième évaluation 
  • 15 janvier 2025 : réception de la version définitive des articles (V2)
  • Printemps 2025 : publication du dossier