Revue Sénégalaise des Sciences de l’Information

Le fact-checking social : vers de nouvelles formes de vigilance citoyenne

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Informations éditées à partir d’une annonce Calenda.

Réponse attendue pour le 31/03/2025

Type de réponse Résumé

Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Revue Sénégalaise des Sciences de l’Information

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L’omniprésence de l’expression de fake news, ces dernières années, dans la sphère politico-médiatique donne l’illusion que le phénomène de désinformation qu’elle décrit est nouveau alors qu’il existe d’au moins de 2500 ans (Bras, 2018). Du moyen âge, à l’ère contemporaine, la diffusion de fausses nouvelles à des fins stratégiques, la propagation de rumeurs pour instrumentaliser l’opinion publique ou faire ou défaire la réputation d’un personnage public, ont toujours été des pratiques courantes dans les conflits politiques, religieux, ou pour des intérêts socioéconomiques. Aujourd’hui, l’emballement médiatique autour de la désinformation peut, certes, s’expliquer par ses implications récentes parfois spectaculaires dans le domaine politique (l’élection de Donald Trump, le Brexit, la guerre Russie-Ukraine), social (mouvement antivax pendant la Covid-19), économique (les bulles de filtres des GAFAM) et scientifique (Ghostwriting des entreprises multinationales, The Lancet Gate), mais révèle tout simplement un phénomène ancien sous de nouveaux habits.

Déjà en 1993, Guy Durandin déclarait que le XXe siècle était celui de « l’information et du mensonge », à la suite d’une analyse lucide de l’évolution des moyens de production et de diffusion de l’information et l’usage dévoyé qui leur était, parfois, réservé (Durandin, 1993). Les innovations technologiques d’alors qu’il décrivait, la radio par exemple, malgré son rôle important dans la démocratisation de l’accès à l’information, a aussi servi à terroriser le monde durant les deux guerres mondiales et à la manipulation des masses. Quand Durandin peignait la société par ses traits, il ne s’imaginait pas que ce « petit phénomène », souvent isolé géographiquement, déploierait en quelques années ses tentacules à travers le monde avec l’arrivée d’abord de l’internet et du web, ensuite de la téléphonie mobile et enfin des plateformes sociales de diffusion de l’information. Il est communément établi que, dans l’histoire, l’avènement de chaque nouveau média s’est accompagné de son lot d’effets néfastes. De ce fait, il n’est pas surprenant que notre société du numérique caractérisée par une intégration technologique, une agrégation des médias, hérite de toutes les pathologies des technologies précédentes, en crée de nouvelles ou les amplifie. Parmi celles-ci, les pathologies informationnelles, dont la désinformation qui en est l’une des plus emblématiques.

En effet, le phénomène de désinformation qui découle des nouveaux modes de production et d’usage de l’information a pris des proportions insoupçonnées et sa propagation n’est plus seulement du fait des institutions politiques et médiatiques, mais aussi du grand public. Une prise de pouvoir du citoyen (De Rosnay & Revelli, 2006) sur l’industrie de l’information et les États, jusque-là, seuls dépositaires de la capacité de création et de diffusion de contenus avec des conséquences non maîtrisées sur la volumétrie des informations qui circulent, leur intégrité, leur fiabilité, etc. De nos jours, la fausse information se diffuse plus rapidement et plus largement que l’information vérifiée. Cette propagation impressionnante, contrairement à une idée reçue est le fait non pas des bots, mais des humains plus enclins à diffuser des rumeurs, mensonges, fausses nouvelles, théories conspirationnistes…, tant que ceux-ci valident leurs opinions, croyances et façons de voir le monde (Vosoughi, Roy, & Aral, 2018). En sus, l’« autoritativité » (capacité à devenir auteur sans autorité préalable [Broudoux, 2003]) aidant, le citoyen dispute désormais aux médias, gouvernements et institutions scientifiques les instruments de légitimation de l’information. La société s’en retrouve ainsi polarisée. Aux partisans de la vérité, s’opposent ceux de la post-vérité ; les faits s’entrechoquent avec les faits alternatifs ; l’information se substitue à la réinformation.

À tous ces égards, chercher des moyens de remédiation à cette manipulation infuse dans nos sociétés est un enjeu social, politique, technologique, scientifique à la hauteur du danger qu’elle fait courir à toute la communauté. Les stratégies de contournement proviennent aussi bien du monde de la technique que des scientifiques et touchent des disciplines variées (sciences de l’information et de la communication, informatique, sociologie, philosophie, psychologie, etc.) avec une diversité d’approches : technicistes (développement d’applications de détection de fake news) ou humaines (éducation aux médias et à l’information, éducation à l’esprit critique, etc.).

La Revue Sénégalaise des Sciences de l’Information, dans ce numéro, se propose d’explorer ces dispositifs de vérification de l’information communément connus sous le vocable de « fact-checking » en insistant sur ses modes et techniques sociaux et communautaires. Il va s’en dire que la pluralité des outils technologiques de fact-checking et la diversité des approches qui ont servi à leur développement traduisent une quête d’efficacité qui tarde à venir malgré un effort substantiel de recherche. Les propositions émanant de sciences dures notamment l’informatique ont la faiblesse se de focaliser sur les aspects exclusivement techniques de l’information. La dimension cognitive et sociale de celle-ci semble occultée. Alors que l’information, au-delà que son acception technique est aussi une donnée sociale (Diakhaté & Kouakou, 2021). Une carence que les solutions hybrides, malgré leur insuffisance, essaient de résorber en remettant l’homme au centre des processus de vérification ; ce qui ne peut être bénéfique dans la recherche de la vérité. On peut citer à ce propos, le crowdsourcing fact-checking (la vérification par les foules) (Sethi, 2017) qui, à travers une plateforme dédiée, permet à des utilisateurs de proposer leur service de vérificateur d’information à d’autres utilisateurs. Ou encore la mise à disposition d’experts qui, sur la base des réclamations d’internautes, se chargent de faire à leur place le travail de vérification (Nguyen et al., 2018). C’est le cas par exemple des services de fact-checking affilés aux médias traditionnels (Info ou Infox de France 24) ou les sites exclusivement dédiés au fact-checking notamment AfricaCheck au Sénégal, FactCheck.org et PolitiFact aux Etats-Unis, etc.

À côté de ces dispositifs institutionnels de fact-checking social se côtoient d’autres plus informels portés par des citoyens aux motivations non affichées, profitant d’une forme d’automédiatisation facilitée par les réseaux sociaux numériques pour confronter les faits et les déclarations des personnes publiques.

Dans ce numéro, la Revue Sénégalaise des Sciences de l’Information veut explorer ces phénomènes dans toute leur diversité de formes, de variétés de situations, d’espaces dans lesquels ils s’exercent, de technologies mises en contribution et de motivations des acteurs. Ces interrogations peuvent être menées autour des axes suivants :

  1. Approches historiques et anthropologiques : l’évolution de la désinformation et des pratiques de fact-checking au fil des siècles.
  2. Dynamiques citoyennes et socio-politiques : rôles, motivations et impacts des foules, des groupes communautaires et des individus dans la production et la vérification de l’information.
  3. Analyses de dispositifs technologiques et outils de détection : limites des solutions purement algorithmiques et enjeux des dispositifs hybrides (intelligence artificielle associée à l’expertise humaine).
  4. Éducation et littératie médiatique : stratégies de sensibilisation à l’esprit critique, au discernement et à la vérification des faits, dans un contexte numérique en mutation rapide.
  5. Études de cas et expérimentations empiriques : retour d’expériences sur les plateformes de fact-checking institutionnelles ou citoyennes, exploration des bonnes pratiques et identification d’axes d’amélioration.

Modalités de soumission

L’article final doit comporter au maximum environ 30 000 signes (espaces, notes, figures, résumés, textes compris). À titre indicatif, les articles devront suivre les directives de la feuille de styles disponible sur le site de la revue : https://rssi-ebad.com/regles-a-lusage/.

Il comporte :

  • Titre de l’article en français et en anglais ;
  • Prénom, Nom de l’auteur ou des auteurs ;
  • Rattachement institutionnel (université et laboratoire), adresse mail professionnelle ;
  • Résumé de l’article (en français et en anglais, une dizaine de lignes) avec un maximum de cinq (5) mots-clés avant le mercredi 6 mai 2026.

Les auteurs intéressés sont appelés à soumettre leurs articles en texte intégral (en format Doc, Docx, Odt) aux adresses suivantes :

  • rssi-ebad@ucad.edu.sn
  • djibril.diakhate@ucad.edu.sn 
  • mbemba.ndiaye@ucad.edu.sn
  • camille.capelle@u-bordeaux.fr

avant le 31 mars 2026

Les références bibliographiques :

Les références bibliographiques doivent être présentées par ordre alphabétique. Pour la police, il est recommandé aux auteurs d’utiliser le style Arial 11, interligne simple, espacées de 5 points. Les références (APA) sont introduites dans le corps de l’article comme suit :

  • (Fabre, 1997) pour 1 auteur,
  • (Fabre & Favier, 2000) pour 2 auteurs,
  • (Fabre et al., 2005) pour 3 auteurs et plus ;
  • 2 citations des mêmes auteurs : (Fabre et al., 2002 ; 2010) ;
  • 2 citations du même auteur, même date : (Fabre, 1991a ; 1991b) ;

Les notifications d’acceptation ou de refus ainsi que les retours d’expertise en double aveugle seront transmis aux contributeurs à partir du 6 mai 2026.

Dates importantes

  • Date de lancement de l’appel : 4 Novembre 2025
  • Date limite d’envoi des articles : 31 mars 2026
  • Notification d’acceptation : 6 mai 2026
  • Publication : Juillet 2026

Comité scientifique

  • Alain KIYINDOU, Université Bordeaux Montaigne, France
  • Angèle STALDER, Université́ Lyon 3 – France
  • Anne LEHMANS, Université de Bordeaux, France
  • Bernard DIONE, EBAD – UCAD – Sénégal
  • Christian COTE, Université́ Lyon 3 – France
  • Dimitri Régis BALIMA, Université́ Joseph KI-Zerbo
  • Djibril DIAKHATÉ, EBAD-UCAD – Sénégal
  • Emmanuelle CHEVRY PEBAYLE, Université́ Haute Alsace – France
  • Etienne DAMOME, Université Bordeaux Montaigne
  • Mor DIEYE, EBAD-UCAD – Sénégal
  • Joana CASENAVE, Université de Lille – France
  • José Augusto Chaves GUIMARÃ ES, Université́ São Paulo ‐ Brésil
  • Moussa SAMBA, EBAD-UCAD – Sénégal
  • Mabrouka EL HACHANI, Université́ Lyon 3 – France
  • Marie CHAGNOUX, Université Paris 8 – France
  • Aminata KANE, EBAD-UCAD – Sénégal
  • Marie Pierre FOURQUET-COURBET, Aix-Marseille Université
  • Diéyi DIOUF, EBAD-UCAD – Sénégal
  • Marième Pollèle NDIAYE, Université Gaston Berger, Sénégal
  • Moustapha MBENGUE, EBAD – UCAD – Sénégal
  • Nathalie PINÈDE, Université Bordeaux Montaigne, France
  • François Malick DIOUF, EBAD-UCAD – Sénégal
  • Omar LAROUK, Enssib – France
  • Mohamadou SECK, EBAD-UCAD – Sénégal
  • Rico de Sotelo CARMEN, Université du Québec à Montréal, Canada
  • Sabin SONHAYE, Université de Lomé, Togo
  • Reine Marie Ndéla MARONE, EBAD-UCAD – Sénégal
  • Soufiane ROUISSI, Université Bordeaux Montaigne, France
  • Sylvestre K. KOUAKOU, EBAD – UCAD – Sénégal
  • Valentine BECKMANN, Université de Bordeaux – France
  • Mbemba NDIAYE, EBAD-UCAD – Sénégal
  • Vincent LIQUÈTE, Université de Bordeaux, France
  • Mohamed Lat Sack DIOP, EBAD-UCAD – Sénégal
  • Widad MUSTAFA EL HADI, GERiico, Lille 3, France
  • Zuzanna WIOROGÓRSKA, Université de Varsovie

Bibliographie indicative

Bras, S. L. (2018, 24 septembre). Les fausses nouvelles : Une histoire vieille de 2 500 ans. The Conversation. Repéré à http://theconversation.com/les-fausses-nouvelles-une-histoire-vieille-de-2-500-ans-101715

Broudoux, E. (2003). Autoritativité, support informatique, mémoire. Journées » hypertextes, mémoire, fiction » Montréal, novembre 2003.

De Rosnay, J., & Revelli, C. (2006). La révolte du pronétariat. Librairie Arthèmes Fayard. Repéré à http://appli6.hec.fr/amo/Public/Files/Docs/165_fr.pdf

Diakhaté, D., & Kouakou, K. S. (2021). Détection des fakenews : Pour une alternative humaine aux approches technologiques. Dans H2PTM’21 : Information : Enjeux et nouveaux défis (pp. 94‑111). Paris : ISTE Editions. Repéré à https://www.istegroup.com/wp-content/uploads/2021/10/822_H2PTM21_TDM.pdf

Durandin, G. (1993). L’information, la désinformation et la réalité. (S.l.) : Presses universitaires de France. Repéré à https://media.electre-ng.com/extraits/extrait-id/a205b7de02b6b64ddedfe8b7a2d084fbc7dd07aa813850052763a5457d54534a.pdf

Nguyen, A. T., Kharosekar, A., Krishnan, S., Krishnan, S., Tate, E., Wallace, B. C., & Lease, M. (2018). Believe it or not : Designing a human-ai partnership for mixed-initiative fact-checking. Dans Proceedings of the 31st Annual ACM Symposium on User Interface Software and Technology (pp. 189‑199).

Sethi, R. J. (2017). Crowdsourcing the verification of fake news and alternative facts. Dans Proceedings of the 28th ACM Conference on Hypertext and Social Media (pp. 315‑316).

Vosoughi, S., Roy, D., & Aral, S. (2018). The spread of true and false news online. Science359(6380), 1146‑1151. https://doi.org/10.1126/science.aap9559