Synergies Italie

Discours institutionnels dans les médias sociaux : quelles transformations ?

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Informations éditées à partir d’une annonce Calenda.

Réponse attendue pour le 15/01/2024

Type de réponse Résumé

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Nom de la publication Synergies Italie

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Depuis au moins une dizaine d’années, les discours numériques font l’objet de plus en plus de recherches tant en sciences de l’information et de la communication qu’en linguistique et analyse du discours, comme le témoignent la création de certaines revues (Les Cahiers du numérique, etc.) et de nombreux titres d’ouvrages et de numéros de revues explorant les productions langagières dans l’univers numérique. Les analystes du discours se sont dotés d’un appareil théorique et épistémologique apte à saisir les spécificités des discours numériques jusqu’à proposer des paradigmes théoriques prenant en compte la nature mixte techno-langagière des productions discursives numériques (Paveau, 2017, Marcoccia, 2016). Au niveau théorique et épistémique, ces paradigmes ont permis d’intégrer de nouvelles notions telles que celle d’affordance (Ghliss, Perea, Ruchon, 2019) et d’en revisiter d’autre, déjà bien connues des analystes, telles que celle d’éthos (Couleau, Deseilligny, Hellégouarc’h, 2016) d’autorité (Vicari, 2021), mais aussi de textualité et d’iconisation textuelle (Mayeur, Paveau, 2020, Paveau, 2015), de modalités de fonctionnement discursif des tweets (Duteil, Longhi, Pernet, à paraître), et d’énonciation, dans sa version matérielle visuelle (Ghliss, Perea, Ruchon, 2019). Ce changement de paradigme a ainsi entrainé un enrichissement des observables, qui loin d’être seulement verbaux, intègrent des composants techniques aux affordances variées, comme les hashtags, les hyperliens, etc. modifiant la nature même des productions ainsi que leur interprétation.

Au niveau des objets de recherche, de nombreuses études se sont concentrées sur des phénomènes communicatifs spécifiques ou, du moins, particulièrement visibles dans les réseaux socio-numériques, comme les problèmes posés par la circulation des discours, tels que les discours de haine (Monnier, Seoane, Hubé, Leroux, 2021), les récits complotistes et les fausses nouvelles (Bonnet, Mercier, Siouffi, 2022) et sur des formes de communication assez inédites telles que les mèmes internet (pour se tenir au domaine francophone, Wagener, 2022, 2021, Wagener, Simon, à par., Attruia& Vicari, 2023, Vicari, à par.).

L’ensemble de ces recherches montre l’essor de nouvelles socialités qui vont des formes inédites de militantisme et d’activisme en ligne à la construction de communautés épistémiques autour d’intérêts communs (Pierot, Henry, 2021) qui basculent volontiers les frontières traditionnelles entre experts et non experts, entre communication institutionnelle, scientifique, politique d’un côté et ordinaire, quotidienne de l’autre, et favorisent la création d’un régime de communication caractérisé par une plus grande horizontalité et proximité entre les agents. Cela est vrai non seulement de la part des usagers, dont la participation au débat public a favorisé l’essor de ce que Milner appelle « polivocality citizenship » (Milner 2013 : 34), mais aussi de la part des politiques, des institutions qui n’ont pas hésité à recourir à de nouvelles figures « d’autorité » issues du web 2.0, comme des jeunes « influenceurs », pour s’adresser aux citoyens (c’est le cas notamment de plusieurs gouvernements européens et canadiens pendant la pandémie du Covid-19 ; c’est le cas également des batailles de mèmes qui se déclenchent lors de campagnes électorales) et à mettre en place des stratégies et des dispositifs de lutte contre certaines dérives de la communication dans les RSN (on peut notamment penser aux décodeurs du Monde, ou à des sites contre les fausses nouvelles et les discours de haine, les comptes Twitter des politiques, les debunkers, etc.).
Dans les RSN, ce type de discours institutionnel, produit par des énonciateurs individuels ou collectifs, porte-parole ou membres d’institutions, mais énoncé « en dehors des contextes officiels » (Oger, Ollivier-Yaniv 2003 : en ligne), doit faire face à des défis du moins partiellement inédits ayant trait tant aux caractéristiques technodiscursives des plateformes qu’à la nécessité d’atteindre des publics très vastes et variés. Ces défis peuvent concerner plusieurs aspects de la communication institutionnelle : (i) D’abord, les techno-genres (Paveau, 2013) adoptés et différant des genres plus traditionnels et « plus » performatifs » (comme les arrêtés, les décrets, les communiqués de presse, les chartes, les manifestes), habituellement étudiés dans le cadre de l’analyse du discours institutionnelle ; (ii) Ensuite, les procédés de légitimation de ces discours : si, comme l’a très bien montré Oger (2021), les discours des institutions puisent leur autorité essentiellement dans les marques de la dépersonnalisation et de la neutralité discursive, ainsi que dans l’effacement énonciatif généralisé (Rabatel, 2004), cela est-il valable aussi pour les discours institutionnels sur les réseaux sociaux ? Quelles macro-stratégies rhétoriques et persuasives caractérisent les discours des institutions en ligne ? Quels actes de langage peut-on identifier ?

De plus, (iii) alors que la décontextualisation des énoncés tend à imprimer au discours une temporalité sur le long terme, caractéristique de l’institution (Oger & Ollivier-Yaniv, 2006), qu’en est-il lorsque le discours institutionnel est énoncé sur les RSN ? Observe-ton les mêmes « procédés de lissage discursif » décrits par Oger & Ollivier-Yaniv (2006), procédés qui donnent à lire ou à entendre un discours unifié et homogène, destiné au grand public ?

En outre, (iv) la polémicité des discours numériques (Amossy et Burger, 2011), influe-t-elle sur le contenu des énoncés institutionnels ?

Ce dossier se propose alors d’explorer davantage les caractéristiques de la communication institutionnelle (au sens large, qu’elle soit scientifique, politique, médicale, sportive, etc.), au sein des médias sociaux dans le but de mettre en lumière continuités et discontinuités des stratégies (techno-)discursives pour s’adresser aux citoyens et créer un discours d’autorité. En particulier, tout en partant d’une approche écologique des discours numériques, qui prend en compte les affordances des dispositifs et l’articulation entre caractéristiques technologiques et discursives, les contributions s’inscriront principalement au sein de trois axes non exhaustifs :

  1. Un axe portant sur la dimension énonciative : est-ce que les énonciateurs parlent en tant que membres d’une institution dont ils se présentent comme les porte-parole ou à titre individuel ? Comment sont repris les discours officiels ? Le cas échéant, comment les énonciateurs interagissent avec les usagers ?
  2. Un axe intégrant la dimension argumentative et rhétorique : quelles stratégies persuasives sont utilisées dans l’adresse aux citoyens ? Quel rôle est joué par les affordances des dispositifs dans la construction de ces stratégies ?
  3. Un axe relevant de la dimension pragmatique : quels genres et types textuels sont privilégiés par les énonciateurs et quels bénéfices apportent-ils ? Quels actes de langage caractérisent les discours institutionnels au sein des réseaux sociaux ? Quelle performativité poeut-on établir ?

NB : Les doctorant.es et chercheurs ou chercheuses francophones italien.nes menant leurs travaux dans un autre domaine couvert par la revue (Ensemble des Sciences Humaines et Sociales, culture et communication internationales, sciences du langage, littératures francophones, didactique des langues-cultures, éthique et théorie de la complexité) sont également invité.es à participer au numéro dans la limite de l’espace éditorial disponible  et selon les étapes d’évaluation décrites dans les consignes aux auteurs.

Consignes, format de soumission et sélection

L’auteur de la proposition, avant tout engagement, devra consulter directement en ligne :

Les propositions d’articles seront présentées sous forme d’un résumé de deux pages maximum (format A4, police Times taille 10), incluant 5 mots-clés et les éléments essentiels de bibliographie, et envoyées par courriel à l’adresse suivante : synergies.italie@gmail.com  Elles seront transférées pour évaluation au comité scientifique de la revue.

Calendrier indicatif

  • Date limite de l’envoi des résumés : 15 janvier 2024
  • Retour des avis aux auteurs : 15 février 2024
  • Envoi des articles : Avant le 31 mai 2024

Contact : synergies.italie@gmail.com

Coordination

  • Stefano Vicari, Professore associato en langue française (Università di Genova)
  • Carine Duteil, MCF en Sciences de l’information et de la communication (Université de Limoges)

Références

  • Amossy R. & Burger M. (2011). « Introduction : La polémique médiatisée », Semen, 31, pp. 7-24.
  • Attruia, F. & Vicari, S. (2023) « Polémiques et propos haineux dans les mèmes Internet autour de Greta Thunberg » in  Hamon Y. & Paissa P. (dir.), Discours environnementaux : convergences et divergences. Aracne, Rome, pp. 77-99.
  • Couleau, C.,  Deseilligny, O. & Hellégouarc’h P. (2016) (dir.). « Ethos numériques ». Itinéraires, n° 2015-3.
  • Bonnet, V., Mercier, A.. & Siouffi, G. (2022) (dir.) « Circulation des discours dans les récits complotistes ». Mots, n° 130.
  • Longhi, J., Duteil, C., Pernet, L. (à par). « Commenter, répondre, réagir, ou relayer : analyse des stratégies énonciatives sur Twitter lors de « l’affaire du PSG et du char à voile » et étude des modalités de la construction d’une polémique en ligne » Cahiers de praxématique, n°79.
  • Mayeur, I. & Paveau, M.-A.  (2020) (dir.). « Textuel, textiel. Repenser la textualité numérique ». Corela, n° 33.
  • Marcoccia, M. (2016). Analyser la communication numérique écrite. Colin, ‪Paris.
  • Milner, R. (2013). « Pop Polyvocality : Internet Memes, Public Participation, and the Occupy Wall Street Movement », International Journal of Communication, n°7, pp. 2357–2390.
  • Monnier, A., Annabelle, S., Hubé, N. & Leroux, P. (2021) (dir.). « Discours de haine dans les réseaux socionumériques ». Mots, n°125.
  • Oger, C. (2021). Faire reference. La construction e l’autorité dans le discours des institutions. EHESS, Paris.
  • Oger, C. & Ollivier-Yaniv, C. (2006).  « Conjurer le désordre discursif. Les procédés de « lissage » dans la fabrication du discours institutionnel », Mots. Les langages du politique, 2006/2 (n° 81), p. 63-77. DOI : 10.4000/mots.675. URL : https://www.cairn.info/revue-mots-2006-2-page-63.htm
  • Oger, C. & Ollivier-Yaniv, C. (2003).  « Analyse du discours institutionnel et sociologie compréhensive : vers une anthropologie des discours institutionnels ». Mots, n° 71, pp. 125-145.
  • Paveau, M.-A.  (2017). L’analyse du discours numérique  Dictionnaire des formes et des pratiques, Hermann, Paris.
  • Paveau, M.-A.  (2015) (dir.).  « Textualités numériques ». Itinéraires, n° 2014-1.
  • Pierot, E. & Henry, A. (2021) (dir.). « Intelligences Collectives : communautés et interactions épistémiques ». Les Cahiers du numérique, n° 17.
  • Rabatel, A. (2004). « L’effacement énonciatif dans les discours rapportés et ses effets pragmatiques ».  Langages,  n° 156,  pp.  3-17.
  • Vicari, S. (à par.) « A propos de l’énonciation mémétique : le cas du compte Twitter ‘Mèmes de gauche’ » Semen, n°54.
  • Vicari, S. (2021) (dir.), « Autorité et web 2.0 : approches discursives ». Argumentation et Analyse du discours, n°26, en ligne : https://journals.openedition.org/aad/4929, consulté le 20/09/23.
  • Wagener, A. Simon, J. (à par.) (dir.), Approches discursives des mèmes en politiqueSemen, n°54.
  • Wagener, A. (2022). Mèmologie. Théorie postdigitale des mèmes, UGA Éditions, Grenoble.
  • Wagener, A. (2021). « Le même. Un objet politique ». The conversation, en ligne : https://theconversation.com/le-meme-un-objet-politique-173950, consulté le 20/09/23.