Ordres et désordres informationnels. Le journalisme à l’épreuve de l’IA et des data

Réponse attendue pour le 16/06/2023

Type de réponse Résumé

Type d’événement Colloque

Événement labellisé SFSIC

Dates de l’événement
  • Du au

Lieu de l’événement Université Vasile Alecsandri, Bacău , Roumanie

Le XXVIème colloque franco-roumain en SIC se tiendra du 26 au 28 octobre 2023 à l’Université Vasile Alecsandri de Bacău. Cette édition sera consacrée à la thématique « Ordres et désordres informationnels. Le journalisme à l’épreuve de l’IA et des data ».

Cet événement est labellisé par la SFSIC.

Appel à contributions

La guerre en Ukraine, la pandémie de la Covid-19 ou encore le dérèglement climatique constituent une conjugaison de crises simultanées, des « moments révélateurs des fractures sociales, territoriales, économiques […] qui traversent nos sociétés actuelles » (Geisser, 2020),semant le doute chez de nombreux citoyens quant à la capacité des systèmes démocratiques à faire face aux défis de notre temps. Ces crises enchevêtrées ont aussi renforcé la défiance à l’égard des médias traditionnels et ont conduit les individus à recourir davantage aux réseaux socionumériques ainsi qu’aux médias alternatifs et/ou de réinformation, notamment en ligne, pour s’informer et comprendre les événements, partager l’information, tisser des liens. Dans ce contexte de crises, d’évolutions sociétales et technologiques, la production de l’information évolue, les pratiques professionnelles au sein des rédactions se recomposent, l’usage des métriques quantifie les performances de diffusion des informations, et le recours aux traitements algorithmiques (IA) de grandes masses de données (big data) se banalise. Tout ceci conduit à interroger les nouveaux « ordres » qui régissent la production, ladiffusion et la réception de l’information, notamment au sein des espaces numériques, ainsi que les risques de « désordre informationnel » qui les accompagnent : infobésité, confusion, désinformation, manipulation de l’opinion publique (Wardle, 2018). Quatre axes seront ici privilégiés :

Axe 1. Journalistes, usagers, publics : nouveaux schémas de production de contenus ?

Dans un contexte où la frontière entre producteurs de contenus et usagers s’efface, où l’internaute devient un agent hybride, un produser (Bruns, 2008) faisant disparaître les gatekeepers, ce ne sont plus uniquement les journalistes qui filtrent et sélectionnent ce qui mérite d’être considéré comme information. Ces pratiques relevant des mouvements du journalisme citoyen (Gillmor, 2004) et/ou participatif (Pignard-Cheynel, 2018) ont largement été documentées ; elles contribuent à renforcer la « dualisation des écosystèmes informationnels » entre les journalistes et les publics (Bassoni, Lesourd, 2018).

Les pratiques informationnelles se réinventent au fur et à mesure que les plateformes numériques, au sein desquelles elles s’exécutent, font évoluer leurs services, leurs fonctionnalités et leurs politiques d’utilisation (Hermida, Mellado, 2020). Ainsi, « même si les réseaux sociaux n’ont pas complètement dérégulé le marché de l’information, ils ont pu accentuer les divergences de pratiques informationnelles entre certains individus » (Berriche, 2021). L’impact des plateformes numériques sur les pratiques d’information ne saurait être dissocié de la transformation du journalisme en tant que « profession en transition » (Bossio, 2017). Quelles reconfigurations des rapports de pouvoir, d’influence et d’autorité entre les producteurs de l’information (médias, publics, usagers) dans des environnements communicationnels hybridés et fragmentés ? Comment ces rapports se déclinent-ils dans des contextes de crise ? Comment appréhender la prolifération des plateformes numériques, en relation avec la dynamique des pratiques de production et de distribution des contenus ?

Axe 2. Pratiques journalistiques et usages de données massives : quels enjeux ?

Les défis posés par l’évolution des contextes informationnels, au croisement de l’afflux de données massives et ouvertes, interrogent le journalisme contemporain et ses pratiques professionnelles. Le développement de nouvelles techniques d’enquête en ligne permettant par exemple de couvrir des conflits (recherches satellites, écoutes, recherches open source avec l’Osint, l’open source intelligence), l’expansion des pratiques de fact-checking (Graves, 2017 ; Graves, Amazeen, 2019), ainsi que l’arrivée de nouveaux outils au sein des rédactions, comme l’automatisation du traitement de l’information (Müller, Wiik, 2023), alimentent un débat déjà ancien sur le rapport entre données et vérité, sur l’authenticité des sources et de leur traitement (Stalph, 2018). L’usage des données dans les pratiques journalistiques est perçu comme une promesse d’enrichir l’investigation : enquêter, documenter, vérifier depuis le terrain numérique. Cependant, ce processus ne manque pas d’interroger les limites éthiques du geste investigateur et il renforce les interprétations multiples, parfois contraires, alimentant le désordre informationnel. Car, de quelles « data » parle-t-on ? De données en tant que « nouveau rapport au terrain d’investigation (les sources), ou bien de celles qui révèlent les caractéristiques comportementales des destinataires de l’information » (Bassoni, Joux, 2018) ? Quel serait, par exemple, l’impact de l’expansion des techniques et des pratiques de datavisualisation sur la nature de la production journalistique et le rapport aux audiences ? Assiste-t-on à une réification du vivant où les journalistes seraient dorénavant contraints de retranscrire toute réalité et expérience en données, mesurables et quantifiables ? Quelle place alors pour les processus complexes de l’enquête et de l’expérience intime du terrain ? Comment envisager la place du sens et de la création dans les traitements informatiques et dans les résultats des analyses effectuées (Bautier, 2021) ? Par ailleurs, si l’adaptation du journalisme professionnel aux nouveaux environnements économique, technique et social a toujours été consubstantielle (Ruellan, 1992), ces évolutions seraient-elles un moyen d’accueillir des compétences nouvelles, voire de transformer la profession ?

Axe 3. IA et algorithmes : nouveaux régulateurs des espaces numériques ?

La diffusion des contenus à l’aide d’algorithmes qui, par l’apprentissage automatique (machine learning), orientent les internautes en leur montrant du contenu qui correspond à leurs préférences et à leurs traces de navigation, peut contribuer à renforcer les croyances et opinions de ces derniers (Fletcher et al., 2021), tout en les rendant « aveugles » (Cardon, 2016) face à d’autres points de vue. Les miroirs algorithmiques peuvent être utilisés excessivement pour cibler les utilisateurs de manière discriminatoire ou pour leur montrer du contenu manipulateur : « il y a une plus grande probabilité de générer de la désinformation et de la mésinformation qui se répandent rapidement par le biais des “réseaux de confiance” suite à des réactions émotionnelles, par des gens qui ne sont tout simplement pas informés et qui partagent desinformations incorrectes qu’ils jugent correctes et utiles » (Posetti et al., 2019). En situation de crise, lorsque les réactions des utilisateurs sont rapides et émotionnelles, les trolls cherchent à « éduquer » des algorithmes qui naviguent sur les réseaux socionumériques, lesquels sont soumis aux « dynamiques de circulation de l’information favorisant les contenus sensationnalistes – d’actuellement établis ou non – qui attirent les clics » (Loveluck, 2017), avec parfois pour objectif celui de favoriser la provocation au nom de la liberté d’expression (Monnier et al., 2021). De ces crises protéiformes, de nouveaux conflits dits « asymétriques » émergent, liés à l’accès aux données (Bloch, 2021) ; d’aucuns évoquent une « information warfare » (Dugoin-Clément, 2021), un « art de la guerre » de l’information. Quelle influence des techniques algorithmiques, au vu de leur évolution constante, sur la production et lacirculation de l’information ? Que peut-on attendre du règlement européen sur les services numériques (DSA) au sujet de la responsabilisation des plateformes ? Comment les États peuvent-ils relever les défis de la régulation ? Les discours des acteurs ont-ils évolué à ce propos depuis le début de l’Internet ? 

Axe 4. Sous le régime des data : vers de nouveaux métiers dans les médias ?

Dans nos sociétés, dont le fonctionnement est désormais conditionné par le régime des data, et plus spécifiquement en entreprise, où l’on tend vers une « data democracy » (Lefebvre et al., 2021), des métiers sont apparus pour répondre à ces nouveaux enjeux. Parmi ces professions émergentes, le data scientist (Concolato, Chen, 2017) a été un précurseur ; veillant à ce que les données qu’il manipule soient nettoyées, il cherche à développer des modèles de prédiction pour aider à la prise de décision stratégique, en s’appuyant sur des modèles mathématiques,informatiques et statistiques. Ses missions sont directement associées à celle du data engineer, en charge de la collecte des données, et de la mise en place d’« entrepôts » (data mining) pour rendre ces données accessibles ; sans oublier le data analyst, qui va s’appuyer sur les données préparées par le data scientist pour répondre à des problématiques, détecter des tendances touchant directement l’entreprise dans laquelle il évolue. Il s’agira dans cet axe et selon le régime des data, d’étudier les nouvelles compétences qui se développent dans les médias : data journalist, programmer-journalist, news apps developer, editorial programmer, hacker- journalist (Parasie, Dagiral, 2023 ; Flew et al., 2012). Quels enjeux et quelles stratégies en termes de formation des journalistes, quelles adaptations et propositions de la part des établissements de formation initiale et continue au journalisme ? Qu’en est-il du journalisme « hybride » (Diakopoulos, 2019) voire « augmenté » (Lindén, 2020), plutôt défendu ou redouté selon le cas, dans les rédactions et dans la recherche académique ? Enfin, quels sont les partis pris économiques, voire politiques (Boukacem-Zeghmouri, Paquienséguy, 2021), de ces évolutions et comment impactent-ils les métiers et les sous-champs journalistiques (Marchetti, 2002) ?

Les propositions attendues pour ce colloque s’inscriront dans l’une des quatre thématiques précitées. Elles donneront lieu à plusieurs ateliers de travail menés en parallèle. Les communications se feront de préférence en langue française. Les collègues qui le souhaitent pourront également s’exprimer en langue anglaise ou roumaine.

Colloque organisé par :

  • L’Université Vasile Alecsandri de Bacău, Faculté des Lettres
  • L’Université de Lorraine, Centre de recherche sur les médiations (Crem)

En partenariat et avec le soutien de :

  • La Mairie de Bacău
  • La Société française pour les sciences de l’information et de la communication
  • L’Agence universitaire de la francophonie
  • L’Institut français
  • L’Université Côte d’Azur (Laboratoire SIC.Lab Méditerranée)
  • L’Université de Bucarest (Faculté de journalisme et de sciences de la communication et École doctorale en SIC)
  • Le Centre d’études francophones de l’Université de Bucarest (CEREFREA) Procédure de soumission

Procédure de soumission

Les propositions de communication seront rédigées en français ou en anglais, sous la forme d’un résumé d’environ 5000 signes (espaces compris), avec bibliographie et comportant 5 mots- clés. Elles préciseront clairement l’intérêt scientifique et la problématique centrale de la recherche, ses principaux appuis théoriques et l’approche méthodologique envisagée. Elles seront accompagnées des noms, affiliations et adresses e-mail de tous les auteur·ices, puis envoyées aux adresses suivantes :

audrey.alves@univ-lorraine.fr ; brandusa_amalancei@yahoo.com ; audrey.knauf@univ- lorraine.fr

Ces propositions feront l’objet d’une sélection en double aveugle par le comité scientifique du colloque.

Calendrier prévisionnel

  • 16 juin 2023 : date limite d’envoi des propositions aux organisateur·ices
  • 30 juin 2023 : réponses du comité scientifique et signification des acceptations

Publication

Une publication collective et sélective est prévue à l’issue du colloque en France et en Roumanie. Les textes en version longue seront également expertisés.

Modalités d’inscription

Le colloque franco-roumain en SIC est traditionnellement gratuit et sans frais d’inscription. Chaque participant·e finance seulement son déplacement et son hébergement. Une partie des frais de restauration est prise en charge par les organisateur·ices.

Comité scientifique

  • Brînduşa-Mariana Amălăncei, Université Vasile Alecsandri de Bacău
  • Audrey Alvès, Université de Lorraine (Crem)
  • Aurélie Aubert, Université Paris 8 (Cémti)
  • Horea Bădău, Universités de Lorraine (Crem) et de Bucarest (FJSC)
  • Delia Cristina Balaban, Université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca
  • Loïc Ballarini, Université Rennes 1 (Arènes)
  • Alexandra Bardan, Université de Bucarest
  • Malina Ciocea, SNSPA, Bucarest
  • Antonin Descampe, Université Catholique de Louvain (ORM)
  • Tourya Gaaybess, Université de Lorraine (Crem)
  • Valérie Jeanne-Perrier, Université Paris-Sorbonne (Gripic)
  • Alexandre Joux, Aix-Marseille Université (Imsic)
  • Audrey Knauf, Université de Lorraine (Crem)
  • Olivier Koch, Université Côte d’Azur (SIC.Lab Méditerranée)
  • Mirela Lazăr, Université de Bucarest (FJSC)
  • Diana Madroane, Université de l’Ouest, Timisoara
  • Monica Mitarcă, Institut de Sociologie (Académie Roumaine)
  • Angeliki Monnier, Université de Lorraine (Crem)
  • Bogdan Oprea, Université de Bucarest (FJSC)
  • Nicolas Pélissier Université Côte d’Azur (SIC.Lab Méditerranée)
  • Nathalie Pignard-Cheynel, Université de Neuchâtel
  • Raluca Radu, Université de Bucarest (FJSC)
  • Constantin Salavastru, Université Alexandru Ioan Cuza de Iasi
  • Céline Ségur, Université de Lorraine (Crem)
  • Natalia Vasilendiuc, Université de Bucarest (FJSC)
  • Anca Velicu, Académie Roumaine (Institut de sociologie)
  • Jacques Walter, Université de Lorraine (Crem)

Comité d’organisation

  • Brînduşa-Mariana Amălăncei, Université Vasile Alecsandri de Bacău
  • Camelia Beciu, Université de Bucarest (FJSC et Académie Roumaine)
  • Ștefania Bejan, Université Alexandru Ioan Cuza de Iași
  • Cristina Cîrtiță-Buzoianu, Université Vasile Alecsandri de Bacău
  • Camelia Cusnir, Université de Bucarest (FJSC)
  • Elena Nechita, Université Vasile Alecsandri de Bacău
  • Nicolas Pélissier, Université Côte d’Azur (SIC.Lab Méditerranée)
  • Sylvie Pierre, Université de Lorraine (Crem)
  • Alina-Elena Romascu, Université de Corse Pascal Paoli (Lisa)

 

 

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