Le podcast : objet nouveau ou continuité et réinvention de la radio ?

Le podcast est un nouveau média apparu dans les années 2000, et qui a enregistré la plus forte croissance parmi les formats audio – musique et radio – ces dernières années. En 2024, selon Médiamétrie, plus d’un Française sur trois (38 %) déclarent écouter des podcasts radio au moins une fois dans le mois et 21 % des podcasts natifs¹. Les plus jeunes auditeurs (15-24 ans) sont 43 % à écouter des podcasts radio et 44 % des podcasts natifs. Ce déplacement de l’écoute audio vient contrebalancer une baisse tendancielle de l’écoute de la radio de flux. En l’espace de vingt ans, porté par l’essor d’Internet grand public, qui a permis l’expansion de l’univers audio, l’apparition de nouvelles technologies, la démocratisation des outils de production et l’émergence de formats inédits (Deleu, 2012), le podcast s’est progressivement affirmé comme un objet culturel à part entière (Waldmann, 2025), intégré désormais au vaste champ des biens culturels aux côtés de la musique, des séries télévisées et du cinéma. Surtout, il prend place dans l’environnement médiatique aux côtés de la radio (Brachet, 2009), en prolongement ou en alternative quand il est dit natif. Le podcast semble innover par sa disponibilité et son individualisation. Par rapport à la radio, le podcast est venu, en France, s’inscrire comme nouveauté (le dit podcast natif) et comme prolongement de la radio (le podcast de rediffusion). Aux États-Unis, le podcast est présenté comme l’innovation ayant sauvé la radio, décrite comme en retrait (Biewen et Dilworth, 2017), et il est devenu un objet de recherche à part entière (Berry, Llinares et Fox, 2018 ; Verma, 2024).

Ce colloque propose d’aborder les rapports entre ce nouveau média et la radio, ses émissions et sa pratique.

Axe 1 – Histoire et évolution du podcast

Les communications sur les origines et l’histoire du podcast seront les bienvenues. Si l’utilisation de la dénomination « podcast » peut être datée de manière assez précise (la paternité est souvent attribuée au journaliste du Guardian Ben Hammersley, et remonterait à 2004 (Berry, 2006 ; 2015 ; Volcler, 2018), il semble plus complexe de retracer toutes les étapes qui ont permis son éclosion. Il était déjà possible de télécharger des sons avant l’apparition du terme. Dans le sillage des recherches de Volcler (2018), il pourra être intéressant de revenir sur des expériences pionnières (la saga MP3, par exemple), à savoir l’identification des productions de podcast antérieures à 2004, l’étude des dénominations retenues, ainsi que celles des structures qui les ont conçues (et pour quels publics), et de faire une place à l’histoire des

nouvelles technologiques (développement de l’internet grand public, démocratisation des outils de production des contenus sonores, appropriation des outils par les publics), dans une perspective internationale (Crook, 1999). Il sera aussi pertinent de retracer l’histoire du podcast depuis le début des années 2000. Est-il déjà possible de repérer des étapes dans la jeune histoire du podcast, afin d’expliquer son évolution, et de mieux percevoir les spécificités de son développement ?

Ces communications pourront prendre pour objet des podcasts de toute nature (natif ou de rediffusion), de type contenu médiatique, universitaires, institutionnel ou de marque…, et réinterroger la définition elle-même, puisque la notion de podcast est même utilisée aujourd’hui pour décrire des productions comportant des images.

Une place sera aussi accordée aux enjeux d’archivage du podcast, puisque que l’une des questions est de savoir ce qui a pu être produit depuis l’apparition du podcast, et comment les podcasts sont aujourd’hui archivés (ou pas) (Morris, Hoyt, 2021).

Axe 2 – Spécificités du podcast : accessibilité, format, narration, sérialité et intimité

Le podcast a la particularité d’être à la fois un nouveau média, et d’avoir de nombreux points communs avec la radio, dont il partage la dimension sonore. Les communications pourront s’ancrer dans une perspective comparative, et mieux faire apparaître comment le podcast se distingue de la radio (et d’autres modes de diffusion de contenu sonore), et (ou) comment il redéfinit certaines des spécificités de la radio. S’il était déjà possible d’écouter la radio de manière non linéaire, grâce à la bande magnétique (K7) et aux appareils d’enregistrement, les podcasts sont beaucoup plus facilement accessibles grâce aux nouveaux supports (ordinateurs, téléphones, montres…). De la même façon, l’on attribue souvent des caractéristiques au podcast qu’on associait déjà à la radio (intimité, sérialité…) (Deleu, 2006 ; Beccarelli, 2021). Cela relève sans doute d’une volonté de visibiliser des contenus, de se différencier de la radio, et de mieux marquer sa légitimité en tant que nouveau média. Pour autant, le podcast (ré)invente aussi une dimension sérielle, et la notion d’intimité, notamment dans ses modes d’adresse à l’auditoire. Le podcast propose aussi de nouvelles narrations (notamment dans le champ du journalisme et de la fiction), et de nouveaux modes d’investigation (Berry et Llinares, 2018). De la même façon, on perçoit bien que le podcast participe de l’élargissement de l’espace public comme la radio l’a fait avant lui (avec l’apparition des radios pirates des années 1970 (Lefebvre et Poulain, 2016)), en privilégiant certains contenus absents ou moins présents à la radio, mais les outils de diffusion qu’ils mobilisent permettent une diffusion beaucoup plus large que la radio, et ces contenus échappent en partie aux instances de régulation. C’est donc davantage le besoin de faire connaître les contenus que la lutte pour pouvoir les rendre publics qui est aujourd’hui l’enjeu majeur. Ces contenus sont aussi influencés par les modes de réception qui ont évolué, et les réseaux sociaux qui font aussi partie du processus de production.

Les contributions pourront revenir sur ces caractéristiques, afin de mieux mettre en lumière tous les apports du podcast.

Axe 3 – L’écosystème du podcast, ses rapports aux radios

Les cartographies qui existent des acteurs du podcast sont avant tout descriptives (Hurard et Phoyu-Yedid, 2020, CosaVostra, 2024). Les rapports professionnels et sociaux entre les auteurs, les studios et les producteurs média, d’une part, et les hébergeurs, régies et plateformes

d’écoute, d’autre part, commencent à être décrits (Thuillas et Wiart, 2023 ; Wiart, 2023). Plusieurs acteurs professionnels et universitaires contribuent à ce travail d’exploration, en proposant des recensements et des cartographies, mais ce mouvement est loin d’être achevé (pour en avoir un aperçu, lire Lesaunier (2023), Mercier, Di Sciullo et Lesaunier (2022) via l’Obcast (Observatoire du podcast), et dans le champ professionnel, voir Podcast Magazine et La lettre pro de la radio et du podcast). En parallèle, l’Arcom et le ministère de la culture ont créé l’Observatoire des podcasts en 2022 qui œuvre à décrire l’écosystème et les acteurs de ce secteur (Cartographie de l’écosystème des podcasts et de ses acteurs, Arcom, 2024, Volume et caractéristiques de l’offre de podcasts francophones, Arcom, 2025).

Nous pouvons considérer qu’il y a quatre grands acteurs de la production de podcasts en France : les radios (auxquelles peut être associé Arte Radio), les gros indépendants (Binge, Nouvelles Écoutes, Slate, Louie Media …), la presse écrite (Les Echos, Le Monde,…) (Deleu, 2025), les pigistes et petits indépendants (Julien Cernobori, Samia Basille, par exemple), les plus nombreux. Le service public Radio France occupe en France une place centrale par son investissement dans ce support et média. Nous encourageons les communications qui examinent les relations entre ces acteurs. Comment est structuré ce nouvel écosystème des podcasts, quel est son degré d’intégration ou de fragmentation, ses liens de dépendance ou d’indépendance aux médias radio ?

Axe 4 – Podcastrices et podcasteurs : origine, parcours, intentions, conditions de travail et rapport à la radio

Le monde de la production de podcasts se présente au premier abord comme non délimitable sur le plan strictement professionnel eu égard à la profusion d’auteurs à la fois non professionnelles et non déclarées d’une façon ou d’une autre via un statut juridique commun ou un diffuseur commun. La plupart des podcasteurs sont des amateurs ou amatrices non rémunérées, ils ont une seconde activité (chargée de production ou de projet, journaliste, ingénieure du son, assistante sociale, professeure, coach, comédienne, conseillère, professions du paramédical…). Très peu sont financées par des entreprises ou des institutions. Selon qu’ils travaillent pour un studio privé indépendant (Binge, Nouvelle Écoutes..), pour Arte Radio ou pour un studio intégré à une radio (Europe 1, ICI/France Bleue) (Schmitt et al., 2025), leur lien à la radio varie. La situation est évidemment spécifique à Radio France puisque les auteurs de podcast sont en premier lieu auteurs d’émissions de radio ; ils et elles occupent les fonctions de producteurs, journalistes ou encore réalisateurs.

La formation en journalisme et l’activité régulière pour un média structure l’identité professionnelle autour de la figure du journaliste. À l’inverse, l’éloignement des institutions médiatiques favorise l’identité subjective de podcasteur ou podcastrice indépendante dans une proximité qui emprunte sans doute davantage à celle de « créateur » qu’à celle « d’intellectuel » (Glevarec, 2001 ; Schmitt et al., 2025). L’absence de cadre légal à cette profession (Smati et Ricaud, 2017) contribue à la labilité des identifications. Métier solitaire avec une faible objectivation du succès et de la valeur, que ne supplée pas les interactions d’un univers professionnel de travail, l’activité de podcastrice indépendante reste à examiner. Qu’en est-il de l’investissement du podcast natif selon le genre ? Se manifeste-t-il par une modification du déséquilibre radiophonique des sexes (Larochelle, 2025 ; Bazin et Lezer, 2024).

Axe 5 – Réception du podcast et des formats radio et audio en général

Nous savons que la radio subit une baisse de son écoute depuis une vingtaine d’années à la faveur du déploiement d’internet et des contenus qu’il a générés : accès à la musique d’abord pirate puis dorénavant en streaming, accès à des vidéos en live et en replay sur les plateformes (YouTube, Twitch) ou les réseaux sociaux. L’audience juvénile est progressivement devenue moins captive du seul média radio comme pourvoyeur de musiques et d’émissions « concernantes », c’est-à-dire d’émissions qui lui parlent à l’instar des émissions de libres antennes (Glevarec, 2005). Si, du point de vue de la radio, cette baisse d’audience est vue comme une baisse de fréquentation, d’un point de vue sociologique, elle se comprend dans le cadre d’un changement d’écosystème qui a eu pour effet de disperser une audience et une attention autrefois captive et monopolisée par un média audio hégémonique (Glevarec et Pinet, 2009). Le podcast fait partie de ce nouvel environnement.

Comparé à la radio, l’écoute du podcast se distribue davantage sur les autres contextes d’écoute : transports en commun, déplacements et travail. Bref, le podcast s’articule aux moments (disponibles) de la vie quotidienne et s’oppose à la radio comme l’écoute opportuniste s’oppose à l’écoute programmée, d’où la priorité donnée aux formats courts d’écoute. Le podcast s’écoute seul, depuis un smartphone, au casque ou aux écouteurs ou sur haut-parleurs. La recommandation de proches est le premier vecteur de découvrabilité, ce qui tend à l’inscrire de nouveau dans ce champ de la particularisation². Nous pouvons faire une hypothèse de concernement pour le podcast et pour la radio, à savoir que les écoutes sont motivées par une forte singularisation socio-biographique (un « ce que je choisis d’écouter me parle, me concerne pour des raisons qui sont liés à mon histoire personnelle, etc. ») (Glevarec, 2021). Qu’en est-il de cette individualisation et fragmentation de l’audience ? Qui sont respectivement les auditrices et auditeurs de podcasts ? Qu’écoutent-ils ? Quelles sont les raisons de leurs écoutes privilégiées ? Font-ils une différence entre podcasts et émissions de radio ? Ce sont autant de questions à propos desquelles des propositions seront les bienvenues.

Modalités

Les propositions devront être soumises en français, en anglais ou en espagnol au plus tard le 19 décembre 2025. La proposition comportera : un titre (et sous-titre), un résumé, 5 à 7 mots clés et la mention de son inscription dans une ou plusieurs des thématiques de l’appel. Elle développera la problématique, les hypothèses et les indications bibliographiques en 5000 caractères au plus. Les informations personnelles (nom, prénom, institution de rattachement, statut, adresse postale et électronique, téléphone) doivent être rassemblées en ouverture de la première page. Les propositions de communication seront envoyées aux deux adresses électroniques suivantes :

• christophe.deleu@unistra.fr
• herve.glevarec@cnrs.fr
• secretariatgrer@gmail.com

Un accusé de réception sera adressé aux auteurs des propositions. Une évaluation des projets sera effectuée par les comités organisateur et scientifique du colloque.

Lors du colloque, les communications pourront être présentées en français, anglais ou espagnol. Si la communication est réalisée en anglais ou en espagnol, elle devra obligatoirement être accompagnée d’une présentation visuelle (type PowerPoint ou similaire) en français rapportant l’essentiel de son propos.

aveugle, sera alors effectuée par le comité de lecture de la revue, selon les règles communes aux revues scientifiques.

GRER : Page Facebook  : https://www.facebook.com/greradio

Carnet de Recherche RadioGraphy : http://radiography.hypotheses.org

Revue RadioMorphoses : http://www.radiomorphoses.fr

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Comité scientifique

• Lucie Alexis
• Frédéric Antoine
• Henri Assogba
• Marine Beccarelli
• Richard Berry
• Jean-Jacques Cheval
• Stacey Copeland
• Étienne Damome
• Séverine Equoy-Hutin
• Anne-Caroline
• Fiévet Pergia Gkouskou
• Isabelle Guglielmone
• Laurence Larochelle
• Marie-Eva Lesaunier
• Virginia Madsen
• Denis Maréchal
• Arnaud Mercier
• Jeremy Wade Morris
• Sébastien Mort
• Natalia Osorio
• Albino Pedroia
• Marta Perrotta
• Sébastien Poulain
• Thibaut de Saint-Maurice
• Olivier Thuillas
• Pascal Ricaud
• Chloé Salles
• Nohza Smati
• John Sullivan
• Ella Waldmann
• Louis Wiart

Comité d’organisation

Direction du colloque :

• Christophe Deleu, Université de Strasbourg (CUEJ/SAGE)
• Hervé Glevarec, Centre national de la recherche scientifique, CERLIS, Université Paris Cité.