Revue Études Digitales - n°12

La surveillance comme performance d’écran

Mis en ligne le

Type de publication Numéro de revue

Nom de la publication Revue Études Digitales

Édition Classiques Garnier

Coordinateur(s) / Auteur(s)

  • Olivier Aïm, Celsa
Après la société de surveillance de Michel Foucault, les sociétés de contrôle, inaugurées par le célèbre texte de Gilles Deleuze, sont devenues le tropisme principal pour analyser les modes d’agir contemporains. Le contrôle inscrit de nouveaux types de pouvoir issus de la cybernétique de Norbert Wiener, même si Deleuze dit avoir repris la formule au romancier américain William S. Burroughs. À la fin de l’époque de la société disciplinaire industrielle, cette évolution terminologique et conceptuelle forme une réponse à l’informatisation de la société, telle que cette dernière fut par exemple posée en 1978 dans le rapport Nora-Minc. Ainsi, en 1987, Deleuze déclare que « l’information c’est la société de contrôle », lors d’une conférence à la Fémis.
Si le concept de contrôle a connu une évolution depuis ces débuts, nous avons voulu trouver une approche qui ne serait pas historique, mais plutôt thématique : il s’est agi de réfléchir aux questions du quadrillage des comportements et de mise au travail, par les dispositifs numériques spécifiques, propices à la maîtrise des individus constitués en « corps ».
Ainsi, nous avons sollicité Olivier Aïm pour diriger ce dossier d’Études Digitales, dont l’intitulé « La surveillance comme performance d’écran » correspond bien à une volonté d’aborder le contrôle comme une transformation comportementale qui nous paraît en relation avec ce que nous appelons le « geste digital ». L’écran comme surface du sensible se voit donc réinterrogé après l’écran-cinéma et les écrits d’écran. Cette approche ouvre d’ailleurs à une observation critique originale des injonctions contemporaines à la performativité, comme si le relâchement des disciplines corporelles s’accompagnait de nouvelles formes de « travail » dont la matière première serait l’expression de soi. Voilà une manière d’envisager la reconfiguration du geste et de la parole, en apportant des éclairages nouveaux au thème fondateur d’André Leroi-Gourhan.
En écho avec la thématique du dossier les Varia présentent deux aspects qui sont proches de la capture des gestes et du rôle majeur des interfaces aujourd’hui. Le premier texte, de Fabien Lebrun, présente l’extractivisme comme un passage d’une exploitation des terres rares dans les pays pauvres à l’exploitation du terreau cognitif, base d’une prétendue « société de la connaissance » dans les pays riches. Le second texte, de Michaël Crevoisier, revient sur un entretien qu’il a mené avec Bernard Stiegler et publié après la disparition de ce dernier. Tel un post-scriptum, il aborde l’épreuve de la technique dans sa dimension tragique, dimension qui s’inscrit dans la philosophie singulière de Stiegler dont les travaux sont fondateurs pour notre revue.

Mots-clés