Les récits médiatiques en régime de « post-vérité »

27ème colloque franco-roumain en sciences de l'information et de la communication

Mis en ligne le

Type d’événement Colloque

Événement labellisé SFSIC

Dates de l’événement
  • Du au

Lieu de l’événement Université Stefan cel Mare, Faculté des Lettres et Sciences de la Communication, Suceava , Roumanie

Le 27ème colloque franco-roumain en SIC se tiendra à l’Université Stefan cel Mare de Suceava  (Roumanie) du 22 au 23 mai 2025. Il sera consacré aux récits médiatiques en régime de « post-vérité ». L’événement est labellisé par la SFSIC et le programme est disponible au téléchargement.

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Présentation

Persuader ou convaincre ? Un défi démocratique

En prenant le contrepied des discours qui décrivent la démocratie comme le régime où les conflits d’opinion sont institutionnalisés, Philippe Breton proposait de définir l’ordre démocratique comme un « régime du convaincre », c’est-à-dire comme un régime où, malgré les divergences d’opinions qu’elle accueille en son sein, la société cherche à trouver une entente, à se rassembler autour d’un ensemble de vérités partagées. Les démocraties occidentales actuelles s’accommodent-elles d’un régime de communication de ce type ? Rien n’est moins sûr. Le débat public y est devenu conflictuel, âpre, violent, la communication se morcelle en une multitude d’opinions divergentes, tranchantes et radicales, qui tentent de légitimer une cause au détriment d’une autre sans jamais envisager la possibilité d’une entente.

La rupture avec le paradigme consensuel et rassembleur du « convaincre » est à la mesure de l’indifférence grandissante que notre société démocratique manifeste à l’égard de la vérité. Le régime de communication dans les démocraties libérales (ou se revendiquant comme telles) pourrait désormais être celui de la « post-vérité », les « vérités de fait » ne doivent plus informer les discours, le principe classique de l’adaequatio rei et intellectus est devenu caduc et inopérant. La manipulation gagne ainsi du terrain, le processus d’argumentation est remplacé par la persuasion à grand renfort de pathos et d’émotions. Par conséquent, la méfiance devient le mot d’ordre. Dans un autre registre, la question de la place des réseaux et des plateformes numériques se pose. Ces derniers peuvent orienter via leurs algorithmes les choix des citoyens en les enfermant dans des bulles d’information, ce que la psychologie sociale et les neurosciences confirment à travers les biais cognitifs.

Dans ce contexte, il n’est plus nécessaire que le contenu d’un énoncé corresponde à ce qu’il représente, l’important c’est qu’il soit conforme à ce que l’énonciateur croit être la vérité. Comme le disait déjà Francis Bacon, « plus l’homme souhaite qu’une opinion soit vraie, plus il la croit aisément » (Novum Organum, XLIX, 1620). Remise en cause du caractère essentiel de la vérité, abolition de sa valeur normative, brouillage de la frontière entre vrai et faux, entre vrai et vraisemblable, entre fait et fiction, les récits médiatiques en régime de « post-vérité » paraissent s’émanciper de la réalité pour verser cavalièrement dans le mensonge, la manipulation, le complotisme, la fictionnalisation du réel. Ce glissement est-il irréversible ou existe-t-il encore des garde-fous ?

Quels outils intellectuels et médiatiques peuvent être mobilisés contre la désinformation ? Comment le fact-checking et les outils de vérification de l’information peuvent-ils encore jouer un rôle face à la montée des théories du complot, du storytelling politique et des récits de propagande ? Peut-on encore opposer journalisme et désinformation, ou les dynamiques de la post-vérité ont-elles brouillé cette distinction ? Quels sont les effets du régime de post-vérité sur la légitimité du débat public et sur la confiance envers les institutions démocratiques ? Sur quelles bases pourrait-on, malgré tout, reconstruire un espace public fondé sur la discussion rationnelle ? Comment les enseignants-chercheurs, les journalistes et les responsables politiques pourraient-ils contribuer à cette reconstruction ?

Cette 27ème édition du colloque franco-roumain en sciences de l’information et de la communication est accueillie par l’Université Stefan cel Mare de Suceava, située dans la région de Bucovine, non loin de la frontière avec l’Ukraine, où la guerre de l’information fait rage. Avec 11 facultés et plus de 11 000 étudiants, cette université a initié de nombreux projets transfrontaliers, en lien étroit avec la vie de la communauté et de la région. La thématique du colloque, liée à la mission du journaliste dans sa quête de vérité et sa lutte contre la désinformation, constitue un axe prioritaire des recherches entreprises par la Faculté des Lettres et Sciences de la Communication. Cette préoccupation se retrouve tout particulièrement dans le programme développé par le Centre de Recherche en Analyse de Discours (CADISS) et soutenu par l’Agence Universitaire de la Francophonie : « Discours en situation de crise et de conflit dans l’Europe d’aujourd’hui », qui fera l’objet d’un panel le deuxième jour du colloque et mettra en valeur une fructueuse coopération entre chercheurs roumains, français, moldaves et ukrainiens dans le champ des sciences de l’information et de la communication.