XXVème Colloque Franco-Roumain en Sciences de l’Information et de la Communication

Mondialisation de la communication : la diversité des cultures en questions

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Event place Laşi , Roumanie

Dans leurs formes les plus apparentes, les processus de globalisation restent confus. D’un côté, ils suscitent une dynamique sans précédents dont les résultats dépassent nos espérances les plus audacieuses ; de l’autre, au regard du temps long de l’humanité, ils masquent des processus plus inquiétants. Se dirige-t-on vers une mondialisation de la culture imposée par l’essor des moyens de communication et les pays les plus riches, principalement les Etats-Unis et l’Europe ? Notre époque hypermoderne est-elle plutôt caractérisée par l’atomisation, la fragmentation des grands ensembles culturels ? Faut-il conclure à l’épuisement de la multiplicité des identités locales issues de millénaires de grandes difficultés de communication et d’échange entre les sociétés, ou va-t-on, au contraire, vers une diversification des cultures et des formes d’expression, soutenue par un processus fertile de métissage et des formes de ressaisissement des identités, voire des réactions communautaristes ? Vaste débat que celui de la reconfiguration des cultures, prises dans le jeu de la globalisation et de l’universalisation des technologies de la communication.

Penser les mutations culturelles

On comprend que, confrontés à la montée des intégrismes archaïques, inquisitoires et sanglants, la plupart des anthropologues se soient fait les chantres du respect de la différence, de la tolérance (Leclerc, 2000) voire du métissage (Jucquois, 2003). La globalisation a contribué à un changement quantitatif et qualitatif dans les croisements culturels (Smiers, 2003). Comme l’expliquent Mattelart, à propos de Hall (1997) et d’Appadurai (1996), ou Morris et Schlesinger, au sujet des travaux de Garcia Canclini, de nombreux chercheurs tendent à voir dans la globalisation des hybridations fertiles faites de délocalisations et de relocalisations, d’indigénisation, de créolisation, susceptibles de produire de nouvelles formes d’expression culturelle intégrant les apports extérieurs, de susciter de nouvelles identités délocalisées, éventuellement relocalisées ailleurs en fonction des migrations, avec comme résultat un monde toujours plus hétérogène. D’autres auteurs expliquent inlassablement que les cultures ont toujours été en mouvement (Cuche, 1998) et les civilisations ouvertes aux influences de l’altérité, mais qu’elles disposent de ressources insoupçonnées pour se recomposer, se recycler, se réapproprier les apports venus de l’extérieur : « On constate que chaque culture, chaque groupe conserve son quant à soi et défend son identité en recontextualisant les biens importés » (Warnier, 1999, 106-108). Et le chœur de reprendre que, malgré les évidences, nous sommes bien loin d’une uniformisation culturelle du monde, que toutes les inquiétudes nourries à cet égard sont réactionnaires1. Mathews (2000) note que, au sein d’un « supermarché culturel », les choix que chacun de fait par rapport à son identité culturelle sont réalisés en négociation avec les autres. D’autres voix, moins nombreuses sans doute, dénoncent cette « idéologie moderniste qui nous abreuve d’ouverture, de nomadisme, de cosmopolitisme, de métissage, mais qui, au mieux refuse de voir le problème, au pis le disqualifie en parlant de comportement conservateur » (Wolton, 2004, 50).

Une décennie plus tard les observateurs se sont faits plus circonspects. « À l’âge hypermoderne, les peuples s’attachent d’autant plus à exalter leur singularité et à réhabiliter leurs racines qu’ils sont emportés dans une même dynamique de modernisation laquelle, n’en déplaise aux esprits politiquement corrects, signifie d’une manière ou d’une autre occidentalisation du monde » rappelle Lipovetsky. Dans un même ouvrage, Juvin porte un jugement encore plus radical. Nul ne peut regretter que les cultures se parlent, se mêlent, échangent, dit-il, mais d’ajouter : « Le terme d’écologie humaine est banni ; il faudra bien un jour s’interroger y pour savoir si le premier crime du développement n’est pas la formidable destruction du patrimoine de l’humanité, qu’il réalise, au mépris le plus manifeste du droit des hommes à leur culture, à leurs mœurs, à leur fierté » (Lipovetsky, Juvin, 2010, 301-302). Un sujet sur lequel revient Wolton, à propos de ce qu’il appelle la « troisième mondialisation », caractérisée par le surgissement de la problématique des identités culturelles : « Pourquoi respecter, enfin, la diversité de la nature au travers de l’écologie, et demeurer si indifférent à la diversité culturelle des hommes et des sociétés» (Wolton, 2012, 21). Kymlicka (2007), qui a étudié la diffusion du multiculturalisme comme norme internationale, souligne que les concepts de la diversité et du multiculturalisme sont liés à des contradictions juridiques et des manipulations politiques qui rendent l’internationalisation du multiculturalisme précaire et instable.

Une problématique à renouveler

Aujourd’hui le sujet de la diversité des cultures dans le jeu de la mondialisation ne semble plus vraiment d’actualité. Comme si l’Humanité s’était résolue à en accepter la disparition et l’avait déjà oubliée, effacée de sa mémoire collective, considérant que c’est une fausse question, aussi inadéquate que celle de regretter le passé. Les chercheurs en prennent acte ; ils se focalisent désormais sur les métissages culturels, les pratiques hybrides, la gentrification des centres-villes et des territoires, l’émergence d’hyper-lieux idylliques ou inversement sur la banalisation des bidonvilles et des camps d’enfermement des laissés-pour-compte de la mondialisation (Agier 2014 ; Guidikova 2014 ; Lussault 2017 ; Boltanski et Esquerre, 2017). D’autres auteurs évoquent même la mort du multiculturalisme (Lentin et Titley 2011 ; Joppke 2017).

Pendant deux siècles, la modernité s’est forcée de faire émerger l’individu, de l’extraire de la gangue des cultures locales dans laquelle il était enfermé. Avec les technologies de communication digitales, le rapport de forces entre le global et le local s’est inversé. Le global domine partout. Les productions des industries culturelles distribuées à échelle planétaire par les médias de masse et l’Internet véhiculent et universalisent de nouveaux modèles, jusqu’à en imprégner l’univers des sociétés les plus reculées ; ils conduisent inéluctablement à l’effacement des alternatives. La connectique, en individualisant les flux de distribution, y ajoute une dimension supplémentaire : l’explosion de la diversité en parcelles de différences qui se combinent entre elles dans un cosmopolitisme généralisé, sans cesse en recomposition, créatif, fertile mais superficiel et épuisant.

Et chacun de multiplier et de réinventer les formes d’appartenance à des communautés sporadiques, éphémères, délocalisées, virtuelles, cultivant ici et là des identités métissées passagères, fluctuantes, labiles, liquides. Le sujet lui-même explose et tend à n’être plus que parcelles de désir, que les experts en marketing s’efforcent de manipuler, s’agglutinant à d’autres en fonction d’affinités électives, pour des motifs de plus en plus irrationnels et compulsifs, avant de se défaire pour se reformer ailleurs. Dans le champ professionnel, il dispose de moyens d’action comme jamais auparavant. Cependant, il tend à n’être plus qu’un atome, un temps de travail dispersé en multiples projets, soumis au diktat de l’esprit du capitalisme, balayé par les vents du marché et de l’emploi (Lerderlin 2020). Cela est particulièrement fascinant, dynamique et enrichissant pour ceux qui en sont, et tant qu’ils en sont…

À l’opposé de cette circulation permanente des catégories sociales liées à l’individualisme connecté (Flichy, 2004), s’accumulent les populations « immobiles », ruinées, déplacées, contraintes à l’émigration, abandonnées à leur sort dans les banlieues en déshérence, reléguées dans les squats, les bidonvilles, les camps de réfugiés. Elles s’organisent en ghettos, parfois en communautés ethniques, en groupes sociaux plus denses et solidaires. Et si elles maintiennent et réactualisent leur cultured’origine, elles sont aussi le substrat du communautarisme et du développement de mouvements religieux, eux aussi planétaires, qui conduisent à un nivellement de la diversité…tandis que les leaders populistes et les milices opposent les communautés entre elles, en exacerbant les haines, en surfant sur l’incompréhension, les difficultés à vivre ensemble qu’engendrent l’anomie et la perte de repère dans un monde globalisé. Dans un espace public fragmenté, polarisé, à l’heure du populisme comme style de communication (Moffit, 2016), quelles reconfigurations des discours publics concernant la diversité ? De quelle manière cette catégorie est-elle revalorisée dans les débats publics et discours organisationnels ?

Du bilatéral au multilatéral : les enjeux de la francophonie

Ce colloque anniversaire, qui célèbrera 25 ans d’échanges scientifiques franco-roumains en sciences de l’information et de la communication, sera l’occasion de faire le point, à la fois sur les travaux menés depuis ces dernières années, sur les perspectives pour conserver ici et là des bribes de culture anciennes, mais aussi sur l’émergence de nouvelles formes de diversité. Il se tiendra dans la ville de Iasi, dans la région roumaine de Moldavie, non loin des richesses culturelles exceptionnelles classées au Patrimoine Mondial de l’UNESCO : les monastères peints de Bucovine. Car au-delà des échanges bilatéraux franco-roumains en SIC, qui ont engendré par le passé de nombreux programmes pédagogiques fertiles et tant de publications remarquées, les organisateurs soulignent la dimension universelle de la problématique soulevée, ainsi que le rôle spécifique de l’espace culturel francophone dans l’esquisse d’une « Autre Mondialisation ».

Axes retenus et responsables de leur animation

1) Le concept de diversité culturelle : genèse, actualité et usages académiques

Responsables : Gheorghe-Ilie Fârte, Paul Rasse, Florin Turcanu

Les progrès technologiques, leur application à l’industrie et leur essor dans le cadre de la globalisation conduisent à une multiplication de biens disponibles, mais aussi à des possibilités d’informations, d’éducation et de loisirs auxquels accèdent des fractions croissantes de population. Même si elle ne se fait pas à égalité, la rencontre planétaire des civilisations a toujours été bénéfique, dynamisant les sociétés qui en avaient l’initiative, et la période actuelle lui doit sa magnificence, son exubérance, sa vitesse de transformation, pour le meilleur et pour le pire. Mais ce mouvement bute maintenant désormais sur les frontières planétaires, sans doute pour longtemps encore, car le monde actuel est fermé et passablement abîmé, alors qu’il paraissait encore tellement ouvert il y a de cela à peine quelques décennies. Les cultures, dans leur diversité, ne peuvent être seulement affaire d’individus, si géniaux et créatifs soient-ils ; elles sont d’abord le résultat d’un travail collectif des sociétés sur elles- mêmes pour se structurer, inventer des façons de vivre ensemble, de se projeter et de donner du sens à leur existence. Qu’adviendra-t-il si la globalisation conduit à l’émergence d’une seule culture planétaire, même si elle croise plus de monde, d’idées, d’histoire et dispose de plus moyens d’expression qu’aucune autre auparavant ?

Les sociétés euro-atlantiques sont confrontées à des défis difficiles : une révolution technologique radicale et accélérée, un changement endogène des structures économiques, des vagues successives d’immigrants, une confiance décroissante dans les institutions traditionnelles et l’absence devenue criante d’une vision culturelle du monde susceptible d’incorporer les cultures particulières « sous- inclusives ». Quand la diversité des nouveaux éléments s’ajoute aux précédents, sans que les plus anciens n’aient suffisamment été assimilés, elle devient « super diversité » et se révèle beaucoup plus difficile à gérer. Comme les États et les organisations internationales ne peuvent plus imposer l’assimilation et l’homogénéisation culturelles dans un espace donné, les politiques hésitent entre un durcissement des oppositions communautaires et une approche raisonnable et tolérante de la diversité. A cette fin, il sera utile de retravailler les définitions objectives du concept de diversité culturelle, de reconnaître les diverses hypostases du pluralisme culturel et d’identifier les passerelles entre ces cultures particulières.

Cet axe privilégiera les approches macrosociales, notamment en forme d’essai (scientifique, historique, anthropologique, psychosociologique…) et de mise en perspectives des concepts qui travaillent le champ de la diversité culturelle : mondialisation, localisation, globalisation, glocalisation, métissage, diversité, hybridité, identité, altérité, résistance, atomisation, pillage, homogénéisation, sanctuarisation des cultures, et d’autres encore sans doute.

2) La protection du patrimoine culturel matériel et immatériel

Responsables : Linda Idjeraoui-Ravez, Vincent Lambert, Lăcrămioara Stratulat

La notion de patrimoine interroge la mondialisation, non seulement par l’importance qu’elle a prise au sein d’institution politiques ou internationales, mais aussi par ce qu’elle implique dans la communication entre cultures : rencontres, économies, tourismes, récits… La transmission et la création culturelle s’articulent au creux des patrimoines matériels et immatériels, remettant en question les manières de faire vivre ces patrimoines, au service de l’espace public.

La patrimonialisation, la sauvegarde, la conservation et la restauration du patrimoine constituent la mission traditionnelle des institutions culturelles. Si la matérialité est l’un des traits spécifiques majeurs quand on pense aux collections des musées, aux bâtiments et monuments historiques, le domaine de l’immatériel intéresse de plus en plus les chercheurs, les professionnels et les publics. Les technologies facilitent la présentation en contexte muséal non seulement d’objets de patrimoine mais aussi de traditions, de rites et rituels, de pratiques culturelles, d’histoires orales, d’événements festifs. Depuis plusieurs décennies, le parcours muséal propose un dialogue interculturel qui est chargé d’un rôle civique. Ainsi, dans le processus de patrimonialisation, les musées, les monuments, les objets et l’immatériel, deviennent des dispositifs de médiation de l’interculturalité. La communication de la culture se profile donc comme outil pour un développement durable qui valorise tous les membres de la communauté, par la communication des savoir-faire et la transmission mutuelle des valeurs héritées. Les dynamiques entre les créations d’identités complexes, l’écriture de l’histoire et les positions critiques et alternatives constituent des ferments pour repenser la patrimonialisation dans notre monde hypermoderne : comment vivre avec nos patrimoines, et comment ces patrimoines nous donnent à communiquer ? Avec les nouveaux outils numériques: qu’implique le fait de se mettre en scène dans un environnement patrimonial, d’y jouer ou d’y télétravailler, pour ensuite partager ses activités et son image avec une communauté virtuelle mondialisée ? Comment les publics participent-ils à la circulation des patrimoines ?

Cet axe s’intéressera aux propositions ayant trait aux problématiques de mondialisation liées aux patrimoines matériels et immatériels, à la patrimonialisation, aux musées, monuments, historiaux, parcs et sites ainsi qu’aux questions pratiques et éthiques liées à la diversité des cultures et au vivre ensemble : mobilité et circulation des populations, des patrimoines et des connaissances ; patrimoine et diplomatie, Europe, Méditerranée, mouvements de population, mouvements sociaux ; décolonisation et critique des hégémonies; inclusivité, écocitoyenneté, multilinguisme; rôles interculturels et communicationnels des musées et institutions patrimoniales ; récupérations idéologiques, médiatiques ou politiques du patrimoine ; numérique et nouveaux usages mondialisés des musées.

3) Enjeux communicationnels liés à la diversité dans les organisations et territoires

Responsables : Claudine Batazzi, Camelia Cusnir, Daniela Frumusani

La diversité culturelle apparaît désormais comme une question majeure pour les organisations contemporaines. De plus en plus, ces organisations ont à faire avec des équipes multiculturelles qui demandent une collaboration étroite entre des individus aux croyances, valeurs et comportements parfois très différents, voire antagoniques. La diversité culturelle est une représentation, dans un système social, d’individus issus de cultures, de pays et de groupes linguistiques multiples. Avec le concept de diversité culturelle, on prend en compte des dimensions ethnoculturelles, mais également de genre, âge, handicap, orientation sexuelle, diversité ethnique. Même dans les rapports annuels des grands groupes internationaux, l’accent est mis désormais sur le respect des spécificités nationales et, souvent, la diversité des clients des grands groupes appelle à une diversité culturelle de leurs propres salariés et le management interculturel se centre sur l’identification des manières de faire légitimes pour tous. Les organisations rencontrent des difficultés dans la gestion de la diversité culturelle, mais on constate également des bénéfices de la diversité au sein d’une organisation, au niveau des mécanismes de décision, de la gestion des ressources humaines ou au niveau organisationnel.

Contre la tendance à l’uniformisation des paysages, des lieux urbains, des modes de vie, des façons d’être et de faire, l’appel à l’identité, que sous-tend le développement local, est un ressaisissement de la collectivité, menacée de se dissoudre dans une sous culture « mass médiatique », non pas pour refuser la mondialisation, mais pour y participer comme acteur s’efforçant de sauvegarder son intégrité et de maîtriser sa destinée. Par contre, l’intensification des mobilités a crée un paysage des personnes qui contribuent à un changement des valeurs, d’idées et d’attitudes. La migration- forcée ou souhaitée- résulte en un mélange de cultures qui coéxistent sur le même territoire. Le « là-bas » et le « eux » deviennent « ici » et presque « nous». La cohésion sociale, le développement économique et urbain, l’attractivité touristique d’un lieu sont des enjeux territoriaux pour lesquels la diversité culturelle devient un levier. Comment est-ce que les villes et les territoires- urbains et ruraux- gèrent la diversité ? Comment ils en font une ressource commune du groupe, une force de cohésion, un ensemble de repères pour orienter l’action et développer des processus d’adaptation au changement ? Comment s ‘intégre la diversité culturelle dans les interventions publiques structurant les territoires ? Quel est le rôle des quartiers créatifs et des tiers-lieux culturels en la dynamisation des territoires à travers la diversité culturelle ? Comment les nouvelles technologies sont employées pour faciliter ce processus ? Quelles sont les manières de conserver et de défendre les cultures régionales dans leur diversité.

4) Nouvelles expressions de la diversité et du métissage dans les arts et la création

Responsables : Laura Ghinea, Emilie Pamart, Franck Renucci

La mondialisation artistique n’est pas un phénomène nouveau mais un processus continu qui s’est accéléré en faveur de la création, de la production mais surtout de la circulation des œuvres, des artistes et des intermédiaires culturels à l’échelle européenne et internationale. L’objectif de cet axe est de comprendre comment les circulations et le jeu d’échelles (locale, nationale, internationale) à l’œuvre conduisent à appréhender les productions artistiques comme des « objets entremêlés », « métissés » malgré l’apparente uniformisation des modèles culturels. Cette mondialisation du travail artistique conduit à interroger, selon une perspective communicationnelle, le rôle joué par les « lieux de l’art » (institutions culturelles, universités, résidences médias, etc.) et les réseaux– traditionnels et numériques – dans ces circulations ou transferts artistiques et culturels.

Quels sont les « lieux de l’art » qui encouragent la circulation du travail artistique et les discours produits en faveur de l’internationalisation artistique internationale ? Dans quelle mesure l’inscription dans les réseaux professionnels, institutionnels et numériques, est un moyen de valorisation des productions culturelles et des carrières artistiques ? Comment s’organisent ces circulations, du point de vue de la création, production et diffusion ? Dans quelle mesure ces transferts artistiques et culturels font bouger les frontières génériques de ces mondes ? Un studio de création peut-il être considéré comme un lieu plus statique et enfermé sur lui-même qu’une résidence pour les artistes ? Quel est le rôle et la place des réseaux des résidences ? Quelle est l’identité de l’artiste versus sa création ? Comment les artistes sont-ils défendus (ou non) par la législation qui garantit le droit d’auteur ?

En juin 1999, la déclaration de Bologne engageait un processus d’harmonisation de l’enseignement supérieur dans l’Union européenne. Après avoir impacté le monde universitaire, cette normalisation à grande échelle s’est appliquée aux formations supérieures du domaine de la création et des activités artistiques. Quels sont les effets de ce processus à travers la question centrale que pose une définition « académique » de la recherche, presque inconnue jusqu’alors dans certains domaines des formations artistiques ? Des nouveaux « lieux de l’art », des friches aux lieux institutionnalisés, tiers dans un rapport aux écoles d’art et aux universités, qui accueillent recherche et création artistique, ne permettent-ils pas de saisir les enjeux de ce processus ? Est-il influencé par d’autres continents et cultures ? Fait-il émerger dans ces lieux de l’art des dispositifs de recherche inédits qui affirment leurs différences ? Quelles sont les réflexions qui surgissent alors des éléments critiques d’une résistance active au sein de ces lieux tiers à un impératif d’uniformisation considéré comme négatif pour l’identité même des lieux de transmission que son les écoles d’arts et les universités ?

5) Médias, diversité et nouvelles formes de journalisme

Responsables : Camelia Beciu, Mirela Lazar, Nicolas Pélissier

Les médias et le journalisme se trouvent au cœur des transformations structurelles issues de la globalisation et du tournant sociotechnique des années 1980, avec l’avènement des TIC et plus tard du numérique. « Nouvel environnement médiatique », « nouvelle écologie des médias », « culture médiatique participative », « journalisme hybride », « media diversity »,etc. Ces expressions révèlent la prolifération des concepts qui tentent d’expliquer et de labelliser les mutations du journalisme dans desrégimes de connectivité. On interrogera le rapport entre journalisme, technologie et diversification des logiques professionnelles sous de multiples angles : les organisations médiatiques, les contenus, les routines journalistiques et les nouvelles formes de journalisme (comme le journalisme computationnel), l’autorité et le rôle du journaliste, les nouveaux rôles attribués aux audiences et, non en dernier lieu, le statut de l’information, au regard de la multiplication des flux de données et des pratiques de l’instantanéité.

Tous ces aspects liés à l’espace médiatique numérique relèvent également de nouveaux enjeux concernant la production du champ journalistique et notamment le rapport devenu fluide entre le « centre » et les acteurs médiatiques de niche, les deux étant de plus en plus diversifiés. Comment appréhender ces « frontières-en-réseaux » ? C’est l’une des questions qui seront discutées dans le cadre de cet axe qui mettra en perspective de multiples postures épistémologiques et terrains de recherche.

Une autre question majeure est celle de la représentation de la diversité culturelle, et notamment des minorités linguistiques, ethniques, religieuses…, dans les médias traditionnels et numériques. En ce qui concerne les médias mainstream, seront abordés les contenus des formations professionnelles des journalistes, les stratégies de recrutement des organisations, leurs politiques éditoriales et de programmation, leurs relations aux publics mais aussi le rôle des instances de régulation (telles que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel en France), qui visent à instaurer une représentation plus équitable et consensuelle de ces cultures minoritaires dans ces médias. Par ailleurs, la place spécifique des services publics sera interrogée, ainsi que celle, toujours plus prégnante, des médias dits «indépendants», «alternatifs», «communautaires» … ou plus simplement «libres». Ces derniers déploient des efforts souvent considérables en vue de cette meilleure représentation médiatique de la diversité culturelle: mais ne contribuent-ils pas aussi au renforcement d’un communautarisme susceptible d’altérer la cohésion sociale ? L’importance grandissante des études culturelles, de genre et post-coloniales dans les recherches sur cette question sensible méritera d’être repensée à nouveaux frais.

6) Enjeux politiques et géopolitiques de la diversité et place de la francophonie

Responsables : Françoise Albertini, Simona Modreanu, Eric Triquet

À en croire les experts, le bien-être serait dans la plupart des pays indexé sur le produit intérieur brut et la globalisation aurait fait du monde un village. Certes, la variation d’échelle conduit partout les gens à la comparaison. On ne compare plus son mode ou son train de vie à celui de son proche voisin mais à celui des habitants des pays les plus prospères de la planète. Dans cet espace-monde qui s’affiche toujours plus connecté, du coup on regarde ce qu’est la vie quotidienne hors les murs de chez soi en direction, non pas des oubliés, mais des nantis.

La démocratie que l’on dit partout malade, en crise, en perte de vitesse face à la montée des populismes et des idéologies réactionnaires, a besoin de se réinventer quand les gouvernements tentent de remettre en selle leur capacité à régner, parfois aux dépens des libertés individuelles. Entre démocratie fatiguée et régression des droits de l’Homme, l’indigence et la précarité sont de mise.

Pourtant, depuis la nuit des temps, au bout de longs processus, les cultures ne s’annulent pas, elles s’ajoutent et créent toujours plus d’identité(s). Il importe donc de ne pas céder aux sirènes défaitistes qui martèlent en permanence que l’humanité est au bord du désastre. Il est urgent de ré-enchanter le monde à partir de la culture, vue comme une ressource exceptionnelle à enclencher pour inverser la tendance.

Comme condition et produit de la culture, les langages se pluralisent en fonction des individus, des contextes sociaux, économiques, régionaux, mais aussi en fonction des rapports de pouvoir et des enjeux qui traversent la société. Dans une perspective communicationnelle, l’individu n’est pas une monade, mais un être communiquant, dépendant donc moins de ses origines que de ses choix de vie, de ses relations, de son milieu. Ainsi, l’identité n’est plus conçue comme un état, un vase clos, mais comme un processus évolutif, qui n’additionne pas des fragments successifs, isolés ; c’est une activité sans répit, souventsurprenante.

Comment la francophonie peut utiliser la diversité culturelle comme un levier pour les valeurs et le message qu’elle souhaite offrir au monde et d’incarner un contre-modèle à l’hyper-culture globalisante ? Aussi, à une époque qui cherche désespérément ses repères et rêve d’unité retrouvée, la francophonie, en tant qu’espace de la diversité partagée, peut-elle représenter un paradigme parlant de l’imaginaire de toutes les cultures, un espace où il devient vital d’inter-dire ? A l’heure où se multiplient les stratégies de soft power déployées par des Etats marqués par un nationalisme autoritaire (Chine, Russie, Turquie, …) quelle place pour la communication d’influence de cet espace francophone mû par un idéal universalisant de plus en plus battu en brèche…mais aussi confronté à un manque de moyens de plus en plus flagrant ?

Format des propositions

D’un format d’environ 6000 signes (deux à trois pages), les propositions de communication (privilégier Word, Rtf ou PDF) devront être adressées par mail à cbfr25@creamed.fr. Ces propositions préciseront clairement l`’intérêt et l’originalité du sujet traité, les questions soulevées par la problématique, le protocole méthodologique employé, ainsi qu’une brève synthèse de l’état des travaux académiques sur ce sujet (avec courte bibliographie).

Calendrier prévisionnel et publications

30 janvier 2022 : date limite d’envoi des propositions aux coordinateurs d’axes
20 février 2022 : résultats des évaluations du comité scientifique
26-28 mai 2022 : présentation orale des communications
15 septembre 2022 : date limite d’envoi du texte intégral des propositions
15 nov  embre 2022 : retours du comité scientifique sur les textes des propositions
Printemps 2023 : publication des ouvrages issus du colloque.
Les textes issus de ce colloque-anniversaire, d’un format de 30 000 signes maximum, seront publiés en France (L’Harmattan, Paris) et en Roumanie (Polirom, Editions de l’Institut Européen, Iasi), suite à une expertise en double aveugle par le comité scientifique du colloque.

Conception scientifique et direction du programme

Paul Rasse, Nicolas Pélissier, Franck Renucci, Gheorghe-Ilie Fârte, Stefanie Bejan, Camelia Beciu, Camelia Cusnir.

Comité scientifique

Alexandra Bârdan (Université de Bucarest), Mohamed Bendahan (Université de Rabat), Christine Bernier (Université du Québec à Montréal), Cristina Bogdan (Université de Bucarest), Malina Ciocea (SNSPA, Bucarest), Gheorghe Clitan (Université de l’Ouest, Timisoara), Mihai Coman (Université de Bucarest), Denise Da Costa (Université d’Etat Rio de Janeiro), Jean-Chrétien Ekambo (IFASIC, Kinshasa), Pamela Flores Prieto (Université de Bogota), Olivier Galibert (Université de Bourgogne Franche Comté), Frédéric Gimello-Mesplomb (Avignon Université) , Ioan-Alexandru Gradinaru (Université de Iasi), Peter Gross (University of Tennessee), Ioan Hosu (Université Babes-Bolyai, Cluj), Bernard Idelson (Université de la Réunion), Ivan Ivanov (Université d’Ottawa), Patrice de La Broise (Université de Lille), Patrizia Laudati (Université Côte d‘Azur), Diana Madroane (Université de l’Ouest, Timisoara), Tristan Mattelart (Université Paris II Panthéon Assas), Arnaud Mercier (Université Paris II Panthéon Assas), Pierre Morelli (Université de Lorraine), Joe Moukarzel (Université Antonine, Beyrouth), Joanna Nowicki (Université de Cergy Pontoise), Denisa Oprea (SNSPA, Bucarest), Michael Oustinoff (Université Côte d‘Azur), Dana Popescu-Jourdy (Université Lyon 2 Louis Lumière), Luciana Radut-Gaghi (Université de Cergy Pontoise), Gilles Rouet (Université Paris Saclay), Ioan Roxin (Université de Bourgogne Franche Comté), Anca Velicu (Institut de Sociologie de l’Académie Roumaine).

Présidents d’honneur : Ioan Dragan (Université de Bucarest) et Jacques Walter (Université de Lorraine).

Références

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Comité d’organisation

Stefanie Bejan et Vincent Lambert

avec la participation de

Camelia Cusnir, Matina Magkou, David Galli, Horea Badau, Alexandra Babii.

Membres organisateurs et partenaires du colloque

Ce colloque anniversaire est le fruit inédit d’un partenariat entre la Faculté de Philosophie et Sciences Sociales et Politiques de l’Université Alexandru Ioan Cuza de Iasi (Roumanie) et le Réseau CREAMED, qui regroupe des chercheurs en sciences humaines et sociales travaillant sur les questions de création et de médiation de la culture. Ce réseau régional est porté par les laboratoires SIC.Lab Méditerranée (Université Côte d’Azur), IMSIC (Université de Toulon et Aix Marseille Université), LCC et Centre Norbert Elias (Avignon Université) et l’UMR LISA (Université de Corse Pasquale Paoli).

 

Illustration Colloque Franco Roumain 2021