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Event place Université Bordeaux-Montaigne, Maison de la Recherche, salle des thèses, 19 esplanade des Antilles , Pessac 33000, France
Argumentaire
Souvent utilisées dans l’analyse des œuvres d’art, objet d’expositions (Inspirantes inspiratrices au musée Bonnard en 2018) ou encore d’ouvrages (Muses, elles ont conquis les cœurs de Farid Abedlouahab en 2011), les notions de muses, d’égéries et de pygmalions n’ont pourtant pas fait l’objet d’un travail de définition clair, aussi bien en histoire de l’art que dans les arts du spectacle. Elles sont pourtant fédératrices et leur étude permet d’unir les travaux des chercheuses et chercheurs issu·es d’un vaste éventail de disciplines. Ainsi, les muses et les égéries restent des notions difficiles à circonscrire et à qualifier, les termes étant tantôt péjoratifs, tantôt mélioratifs. Des représentations mythiques des Muses, de la nymphe Égérie ou encore de Pygmalion et Galatée, les rapports entre l’artiste et son modèle ont fait l’objet de nombreuses réinterprétations qui pourtant demeurent peu conceptualisées. Leur analyse relève souvent de la contemplation plus que du commentaire raisonné. Ces notions de muses et d’égéries documentent à la fois le contexte de production de l’œuvre d’art en train de se faire (la muse et l’égérie comme source d’inspiration du créateur ou, plus rarement, de la créatrice) mais aussi la représentation de la muse au sein même de l’œuvre d’art (peinture, film, théâtre…). Les relations entre la muse et l’artiste, ou l’égérie et son pygmalion apparaissent comme centrales, puisqu’elles conditionnent des rapports de genre bien souvent déséquilibrés au sein d’un dispositif de collaboration composé d’un homme en action qui crée et d’une femme support (parfois célèbre et souvent anonyme).
Or, ces relations entre l’artiste et « son » modèle, entre le réalisateur et « son » actrice, prennent des formes différentes d’un art à un autre, c’est pourquoi nous privilégions une approche décloisonnée entre la littérature, les arts visuels et les arts du spectacle. Sans délimitation temporelle ni géographique, les propositions pourront appréhender les résonnances entre ces notions au travers des pratiques artistiques, et comment celles-ci évoluent.
À travers ce colloque, il s’agira aussi d’amorcer un travail historiographique autour des quatre axes suivants et à travers les formes d’art et de littérature les plus diverses, sans que ceux-ci ne soient limitatifs concernant les propositions de communications qui pourront être retenues :
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Du mythe à l’antonomase
Issue de la mythologie gréco-romaine, la nymphe Égérie comme les déesses Muses sont devenues des tropes puis des topoï aux contours mouvants et peu préhensibles entre les périodes médiévale et contemporaine. Nous nous intéresserons notamment aux évolutions de ces concepts qui depuis l’Antiquité ont connu différentes significations, de la Muse (inspiratrice des arts libéraux) à l’Égérie (conseillère politique et culturelle). En convoquant la littérature, la philosophie et l’histoire des arts, les communications pourront tenter d’historiciser les métamorphoses de ces figures de la Béatrice de Dante aux actrices égéries des marques de luxe.
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Questionner les rapports de force
Muses et égéries questionnent les rapports de forces qui existent en art : poser, jouer, se fait contre rétribution. Il s’agira donc d’analyser les liens hiérarchiques et économiques qui pouvaient exister entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création. Des stratégies de soumission à la sentimentalisation, nous étudierons les constructions de stéréotypes genrés qui entretiennent et discutent des liens entre muses/égéries et créateurs. Une partie de la critique et de la réception a ainsi participé à érotiser et sentimentaliser les rapports entre plusieurs artistes et leurs muses, comme Picasso et ses modèles ou Jean-Luc Godard et ses actrices. D’autres auteurs et d’autres autrices ont mis au jour les rapports d’inégalité qui se jouent entre la création et la représentation, notamment avec la notion d’alter ego développée par Geneviève Sellier au sujet des rapports entre les cinéastes de la Nouvelle Vague et leurs alter ego à l’écran (François Truffaut et Jean-Pierre Léaud).
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« Ni muses ni soumises »
Expositions, podcasts, littérature, ont associé un caractère péjoratif aux notions de Muse et d’Égérie les confrontant aux peintresses, actrices, réalisatrices ayant réussi par et pour elles-mêmes. Toutefois, des figures telles que Camille Claudel, Marie Laurencin, Françoise Gillot ou Alice Liddell démontrent qu’être muse n’est pas un carcan, car elles étaient à la fois muses et créatrices. De plus, modèles, actrices, maîtresses ou encore épouses, elles accompagnent les réflexions créatrices et y participent ce qui constitue souvent un travail invisible. Les communications pourront donc questionner les connotations péjoratives associées à ces notions de muses et d’égéries ainsi que les rôles réels, présumés, effacés de celles-ci dans la création.
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Remise en cause des représentations traditionnelles
Des œuvres et des rapports entre créateur·ices et inspirateur·ices sortent des cadres hégémoniques de l’hétéropatriarcat. La féminisation des métiers artistiques, tout comme les luttes LGBTQIA+, ont permis une visibilisation de nouveaux rapports de genre dans la création. Nous envisagerons notamment d’étudier des figures émergentes ou oubliées en littérature, en cinéma et dans les autres arts, qui déconstruisent le regard masculin (male gaze), le détournent ou s’en emparent. Dans une autre mesure, l’inversion des rapports de genre a des effets concrets sur l’ensemble de la création filmique et artistique (à la fois en termes de production, de représentations, et de réception) et donne lieu à des nouveaux concepts comme celui de male muse qui décrit, par exemple, le lien entre Basil Hallward et Dorian Gray.
Modalités de soumission
En fonction des propositions retenues, nous envisagerons de structurer ce colloque d’une manière chronologique, où les notions de muses et d’égéries seront interrogées selon les différentes pratiques artistiques et littéraires apparues de l’Antiquité à nos jours, ou bien d’une manière thématique, qui mettrait en exergue des courants et des tendances dans les représentations des modèles. Les propositions de communication (environ 250 mots) en français ou en anglais et d’une durée de 25 minutes devront être envoyées, accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique aux adresses suivantes :
- guillaume.jaehnert@u-bordeaux-montaigne.fr
- sarah.crepieuxduytsche@gmail.com
- marc.gauchee@wanadoo.fr pour le 15 décembre 2022.
La clôture du colloque sera accompagnée d’un dîner suivi d’un ciné-débat autour du film Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma au cinéma L’Utopia de Bordeaux.
Comité d’organisation
- Sarah Crépieux-Duytsche, Histoire de l’art moderne, CRHA, F.-G. Pariset (UR 538),Bordeaux Montaigne.
- Marc Gauchée, Cinéma, ARTES (UR 24141), Bordeaux Montaigne.
- Guillaume Jaehnert, Cinéma, ARTES (UR 24141), Bordeaux Montaigne.
Comité scientifique
- Viviane Albenga, Maîtresse de conférences, sociologue du genre, de l’intersectionnalité, des pratiques culturelles et de la réception, MICA (UR 4426),Bordeaux Montaigne.
- Pierre Katuszewski, Maître de conférences en études théâtrales, ARTES (UR 24141),Bordeaux Montaigne.
- Laurence Mullaly, Professeure des universités Cultures, cinémas et littératureshispanoaméricaines, Etudes féministes, et de genre, études culturelles, ICD (EA 6297),CEIIBA (EA 7412), Université de Tours.
- Armel Nayt, Maîtresse de conférences, Histoire culturelle et du genre, spécialiste decivilisation Britannique et enseignante de langue anglaise, IECI et DYPAC, UVSQ,Université Paris-Saclay.
- Pierre Sauvanet Professeur des universités, esthétique et philosophie de l’art, ARTES(UR 24141), Bordeaux Montaigne.
- Geneviève Sellier, Professeure émérite des universités, historienne du cinéma, Institut Universitaire de France, Bordeaux Montaigne.