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Event place Université Grenoble Alpes, Grenoble 38
En décembre 2021, une résolution de l’assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a proclamé 2022 « Année internationale du développement durable des montagnes ». Adoptée au consensus, cette résolution invite les États membres, les organisations internationales et régionales et les parties prenantes, y compris la société civile, le secteur privé et le monde universitaire à agir pour sensibiliser à l’importance de la durabilité de la montagne et de ses socio- écosystèmes face aux changements climatiques.
Dans ce contexte, le Groupe de recherche sur les enjeux de la communication (GRESEC) et le Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA) organisent, avec la MSH-Alpes et le Labex Innovations et transitions territoriales en montagne (ITTEM), un colloque international dont l’ambition est de proposer une réflexion critique sur ces injonctions aux changements socio-environnementaux au sein des territoires de montagne et sur la transition comme catégorie d’analyse de ces changements.
Cette notion de transition s’inscrit en effet dans le sillage de celle de développement durable qu’elle tend désormais à supplanter (Oudot et de l’Estoile, 2020) et que l’on retrouve dans les discours politiques, médiatiques et scientifiques relatifs à la montagnéité (Chambru et Claeys, 2022). Pourtant, son usage reste problématique pour les chercheurs en sciences humaines et sociales au motif que cette notion participe à construire un récit qui « projette un passé qui n’existe pas sur un futur qui reste fantomatique » (Fressoz, 2021).
Les territoires de montagne sont ici saisis dans la totalité de leur organisation spatiale, à savoir des fonds de vallées aux espaces d’altitudes, des métropoles urbaines aux territoires ruraux, avec une attention particulière aux multiples relations entre le « haut » et le « bas » et à leurs mutations sur le temps long. D’ordre spatiales mais aussi politiques, ces mutations révèlent une recomposition des relations territoriales au sein des espaces montagnards tout en participant à construire de nouvelles territorialités, dont la forme la plus récente est la « métropole montagne » (Fourny, 2018). Articulés à des dynamiques spatiales et aux enjeux de communication qu’elles sous entendent, ces territorialités montagnardes sont plurielles dans leurs manifestations et leurs évolutions dans le temps long.
Aujourd’hui, les territoires de montagne font face à une double injonction : d’une part, une injonction à la transition et d’autre part, une injonction au consensus. Autrement dit, la transition serait inévitable et elle se devrait de mettre tout le monde d’accord sur la manière dont elle devrait être effectuée, alors même qu’elle est portée simultanément par des logiques institutionnelles et citoyennes en tension. Or ces formes d’injonction au changement et au consensus, se déployant sur le temps long (Hagimont, 2022) et dans un espace public plus que jamais sous l’emprise de la communication (Pailliart, 1995), tendent à invisibiliser les conflictualités sociales contemporaines posées par les transitions en montagne et les enjeux publics associés. Ces conflictualités ne sont pourtant pas nouvelles et constituent depuis plusieurs siècles des facteurs d’adaptation et d’innovation territoriales : le conflit est un révélateur qui génère du territoire autant que le territoire produit lui-même du conflit (Gal, 2016). Les territorialités montagnardes mobilisent des institutions, des politiques publiques et des acteurs ; des discours, des représentations et des imaginaires ; des identités, des résistances et des savoirs, etc. Les territoires sont également, et de longue date, une affaire de communication : celle-ci, en tant que phénomène social, assure un rôle de matrice territoriale (Raoul, 2020).
En ce sens, la transition interroge la construction sociale et institutionnelle des territoires de montagne autour d’enjeux économiques, sociaux, culturels, politiques, environnementaux en cours de reformulation. Elles renvoient à des enjeux, des dynamiques et des pratiques participatives plurielles. Ce « participatif » se matérialise simultanément à travers des formes organisationnelles, des processus institutionnels, des expérimentations démocratiques, des innovations sociales, des productions des savoirs, etc. Il est avant tout le produit d’interactions sociales se déployant dans des espaces configurés par des agencements d’éléments tels que des discours, des procédures ou des équipements techniques (Roginsky et al., 2021). Ces formes de participation montagnarde aux transitions désignent donc des situations différentes : elles s’appuient sur des régimes d’actions distincts, participent à des stratégies d’acteurs antagonistes et s’inscrivent dans des temporalités tantôt diachroniques tantôt synchroniques, tout en se déployant au sein de dispositifs et d’organisations.
Cet appel entend ainsi susciter des communications issues de différentes disciplines des sciences humaines et sociales : histoire, sciences de l’information et de la communication, sociologie, géographie, anthropologie, etc. Il a pour ambition de participer à décloisonner les savoirs en vue d’offrir de nouvelles possibilités de compréhension d’objets communs et de questionnements transversaux autour de la montagne (Attali et al., 2014). En ce sens, il s’agit de proposer une réflexion d’ensemble sur la montagne et les nouvelles manières de « faire connaissance » (Arpin et Sgard, 2021). Le contexte montagnard invite en effet à examiner plus précisément les réalités territoriales de la transition, leurs actualités et les défis qu’elles posent aux sociétés montagnardes : tourisme, énergie, mobilité, environnement, santé, alimentation, ressource en eau, aménagement du territoire, sciences, numérique, etc. Ces transitions sont-elles aussi inédites, linéaires et consensuelles qu’annoncées ? Quelles clés de lecture l’examen des processus de transition antérieurs peuvent-ils apporter sur l’invention actuelle des territoires ? En quoi le renouvellement discursif et communicationnel participe-t-il de ces dynamiques socio-politiques ? En quoi les territorialités montagnardes se singularisent et se distinguent-t-elle d’autres territoires s’affichant eux-aussi en « transition » ?
Les communications attendues peuvent s’inscrire dans l’un des trois axes suivants, à noter que ces derniers ne restituent pas de manière exhaustive les questionnements suscités par ces thématiques.
1) Recherche scientifique en montagne : territorialisations, représentations, engagements
Ce premier axe a pour objectif d’analyser la recherche scientifique se déployant au sein des territoires de montagne au sujet des transitions. Existe-il ou a-t-il existé des manières spécifiques de « faire connaissance » en montagne ? Quelles sont les spécificités des injonctions au changement du XXIe siècle par rapport à celles des siècles précédents ? Comment s’y déploient et est mobilisée la participation dans la production des savoirs autour des transitions ? Quelles places occupent les sociétés montagnardes dans ces dynamiques et quelles relations tissent-elles avec la recherche scientifique ? Qui sont les experts et quels savoirs produisent t’ils en et sur les montagnes ? Autour de quels enjeux et à partir de quels paradigmes de communication les sciences sont mises en publics en montagne ?
2) Organisations des territoires de montagne: échelles, gouvernances, dynamiques participatives
Ce deuxième axe a pour objectif d’analyser les organisations des territoires de montagne autour des transitions. Quelles en sont les formes, les temporalités et les fonctionnements ? Les organisations (État, collectivités territoriales, associations, entreprises, etc) visent-elles à soutenir, imposer ou empêcher les changements socio-environnementaux ? Autour de quelles stratégies, de quelles échelles et de quels processus communicationnels ? Observe-t-on une reconfiguration des pratiques au niveau local spécifique aux territoires de montagne? Quelles dynamiques participatives sont mobilisées, par quels acteurs et à travers quels dispositifs ? Comment ont évolué ces dynamiques depuis le XIXe siècle ? Qu’est ce que ces évolutions disent du processus de (re)négociation dans les prises de décision publique mettant en œuvre des transitions ?
3) Conflits territoriaux en montagne : controverses, mobilisations, médiatisations
Ce troisième axe a pour objectif d’analyser les conflits se déployant au sein des territoires de montagne autour des transitions. Quelles en sont les formes, les temporalités et les médiatisations ? Ces conflits ont-ils un ancrage territorial particulier ou une territorialité singulière ? En quoi et comment participent-ils à structurer et déstructurer les territoires ? Quels problèmes publics ces conflictualités sociales participent-elles à constituer ? Quel « travail territorial » est effectué par les acteurs sociaux (journalistes, élus politiques, mouvements sociaux, etc.) dans ces dynamiques conflictuelles ? Existe-t-il des mobilisations collectives montagnardes spécifiques et quelles formes de participations expérimentent-elles ? Quels enjeux ces conflits territoriaux soulèvent-ils et quelles nouveautés donnent-il ou non à voir ?
Les propositions anonymisées devront présenter leur objet d’étude, le cadre théorique, la problématique, les éléments empiriques et la bibliographie (4000 signes). Les propositions dépassant le cadre alpin sont les bienvenues. Elles sont à soumettre en français ou en anglais sur http://transalpes.sciencesconf.org, avant le 1er juillet 2022.
Les communications dureront 20 minutes suivies d’un temps d’échange.
Le colloque aura lieu les 1er et 2 décembre 2022 à la MSH-Alpes, située sur le Domaine Universitaire de Grenoble St-Martin d’Hères, au 1221 avenue centrale. Il sera également accessible en visioconférence et à suivre sur les réseaux sociaux.
Une publication scientifique est prévue suite au colloque.
Calendrier
- Remise des propositions (résumés) : 01 juillet 2022
- Réponse et sélection : 30 septembre 2022
- Colloque : 1er et 2 décembre 2022
Comité d’organisation
- Mikaël Chambru (GRESEC, UGA)
- Emma-Sophie Mouret (LARHRA, UGA)
- Marie Cambone (GRESEC, UGA)
- Raphaël Lachello (LARHRA, UGA)
Contact : transalpes@sciencesconf.org
Comité scientifique
- Karine Basset (LARHRA, UGA),
- Riccardo Beltramo (DMSM, Université de Turin),
- Julia Bonaccorsi (ELICO, Université Lyon 2),
- Bernat Claramunt (NEMOR, Université autonome RA, UGA),
- Jean-Philippe De Oliveira (GRESEC, UGA),
- Anne-Marie Granet-Abisset (LARHRA, UGA),
- Lise Jacquez (COMSOC, Université Clermont Auvergne),
- Steve Hagimont (FRAMESPA, Université de Versailles-Saint- Quentin),
- Emilie Kohlmann (GRESEC, UGA),
- Luigi Lorenzetti (LABISALP, Université de Lugano),
- Tamara Mitrofanenk (FIS, Université de Vienne),
- Isabelle Pailliart (GRESEC, UGA),
- Annemarie Polderman (IGF, Université de Vienne),
- Bruno Raoul (GERIICO, Université de Lille),
- Stefano Sala (UNIMONT, Université de Milan),
- Stefan Schneiderbauer (IEHS, Université des Nations Unies),
- Nelly ValSanGiacomo (DHCENTER, Université de Lausanne)
Bibliographie
- Attali Michaël, Dalmasso Anne, Granet-Abisset Anne-Marie (dir.), Innovation en territoire de montagne : Le défi de l’approche interdisciplinaire, Presses Universitaires de Grenoble, 2014. Arpin Isabelle et Sgard Annec (dir.), «La montagne et les nouvelles manières de faire connaissance », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 109-2, 2021.
- Chambru Mikaël et Claeys Cécilia, « Le tourisme scientifique dans les aires protégées multi- labellisées : transition écologique et controverse en montagne », Réserves de biosphère et objectifs du développement durable. Enjeux, articulations et tensions en Méditerranée (dir. Angela Barthes et al.), ISTE Editions.
- Fourny Marie-Christine (dir.), « Métropoles alpines. Vers une nouvelle alliance entre villes et montagnes ? », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 106-2, 2018
- Fressoz Jean-Baptiste, « Pour une histoire des symbioses énergétiques et matérielles », Annales des Mines – Responsabilité et environnement, 101, 2021, p. 7-11
- Gal Stéphane (dir.), « Montagnes et conflictualité : le conflit, facteur d’adaptations et d’innovations territoriales », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 104-1, 2016.
- Hagimont Steve, Pyrénées. Une histoire environnementale du tourisme (France-Espagne, XVIIIe- XXIe siècle), Champ Vallon, Ceyzérieu, 2022.
- Oudot Julie et de l’Estoile Étienne, « La transition écologique, de Rob Hopkins au ministère », Regards croisés sur l’économie, 26, 2020, p. 14-19.
- Pailliart Isabelle (dir.), L’espace public et l’emprise de la communication, Ellug, Grenoble, 1995. Raoul Bruno, Le Territoire à l’épreuve de la communication. Mutations, imaginaires, discours, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d’Ascq, 2020.
- Roginsky Sandrine, Renard Damien et Dufrasne Marie (dir.), « La participation dans un monde de communication », Recherches en communication, 52, 2021.