Biennale du Transmédia 2023 : Transmédialité et politique

Expected response for the 10/09/2023

Response type Résumé

Event type colloque

Coordinators

  • Bruno Cailler
  • Laurent Collet
  • Anne Gagnebien
  • Alessandro Leiduan
  • Ugo Roux
Event dates
  • From at

Event place Biennale du Transmédia 2023 : Transmédialité et politique, Université de Toulon, 70 avenue Roger Devoucoux , Toulon 83000, France

Ce colloque s’inscrit dans les activités de recherche de l’Observatoire des mondes imaginaires, réseau de recherche interdisciplinaire, appuyé et relayé par IMSIC UTLN-AMU et Babel de l’Université de Toulon, dont les activités ont été inaugurées par l’organisation, en avril 2021, du colloque « Mondes imaginaires et univers transmédiatiques » (Roux 2022). L’enjeu du réseau est de développer un vaste champ de réflexion interdisciplinaire autour de la notion de transmédialité dans ses plus diverses manifestations sémiotiques et médiatiques à la lumière des implications culturelles, sociologiques, politiques et philosophiques que revêt son emprise croissante sur l’imaginaire social contemporain. Les travaux de l’Observatoire se poursuivront au rythme d’un colloque tous les deux ans (la « biennale du transmédia » de Toulon) et donneront lieu à la publication des actes de toutes les manifestations scientifiques organisées (colloques, séminaires).

Présentation

Dans le prolongement des notions de « transtextualité » (Genette 1982) et de « trans-fictionnalité » (Saint-Gelais 2011), la notion de transmédialité fait état de la mobilité des contenus d’une œuvre imaginaire, qui ne s’incarnent plus dans un seul et unique support (un livre, un film, une série) mais se répandent dans la société à travers une multitude de plateformes médiatiques. Si les notions de transtextualité et de trans-fictionnalité sont, d’un point de vue politique, tout à fait « neutres », la notion de transmédialité revêt, elle, d’évidentes significations politiques. L’analyse des différentes formes de transmédialité s’est en effet souvent accompagnée chez les chercheurs d’une prise de position politique à l’égard des phénomènes étudiés. Les travaux universitaires consacrés à la transmédialité sont ainsi devenus le support d’une attitude intellectuelle militante (celle des aca-fans), qui rompt avec la « neutralité axiologique » (Wertfreiheit) dont se réclamait, il n’y a pas encore si longtemps, la communauté universitaire.

Cette interprétation politique de la transmédialité prend le plus souvent appui sur l’observation du rôle fondamental que jouent les fans dans le processus de production et de réception des fictions transmédiatiques. Du côté de la production, certes, ce sont d’abord les industries du divertissement qui élaborent le noyau imaginaire d’un univers transmédiatique, mais ce sont ensuite les fans qui s’approprient le contenu de ce noyau d’origine en le réécrivant à nouveaux frais (les « user generated contents ») avant de le redéployer sur de nouvelles plateformes médiatiques (via les sites de fanfiction, par exemple). Du côté de la réception, les fans ne se limitent pas à interpréter le contenu d’une fiction, ils le réinvestissent dans la réalité en transférant, parfois, dans l’arène politique réelle les batailles que leurs personnages préférés mènent dans l’arène politique imaginaire où se déploie leur existence fictive. Le masque du Joker est ainsi devenu, partout dans le monde, le symbole de la lutte pour la liberté d’expression, le costume des Servantes écarlates a été utilisé par des mouvements féministes états-uniens pour protester contre la restriction du droit d’avortement, les braqueurs de la Casa de papel ont été adoptés par les nouvelles générations comme symboles d’insoumission à un monde gouverné par l’argent et les banques…

Le nouveau rôle joué par les fans aussi bien dans la production que dans la réception des fictions transmédiatiques (un rôle moins herméneutique et plus engagé) a été interprété comme le corrélat symbolique d’une révolution fondamentale du rapport entre les citoyens et le pouvoir politique. Les fans qui se réapproprient, par les nouvelles technologies numériques, le droit à la création poétique, symbolisent l’éveil du peuple, se réappropriant les droits politiques qui lui avaient été confisqués par les élites technocratiques, dans le cadre d’une démocratie en pleine crise d’identité. Cette interprétation est notamment attestée dans les travaux du sociologue des médias Pierre Lévy (1994), mais elle irrigue la réflexion de beaucoup de spécialistes de la transmédialité (Jenkins 2013, Besson 2021, Bourdaa 2021, etc.).

L’enjeu du colloque est d’explorer, problématiser, questionner la dimension « politique » de l’imaginaire transmédiatique. Que penser des implications politiques rattachées à l’idée de transmédialité ? Que penser de l’utopie (ou de la mythologie) politique dont elle est le support et des pratiques faniques (créatrices ou militantes) qui la véhiculent ? Que penser de cette nouvelle forme de militantisme politique qui rallie, sous une même bannière, universitaires et passionnés de fiction ?

Les propositions s’inscriront de préférence dans l’un des axes de réflexion du colloque et prendront appui sur un corpus qui pourra faire état soit de la nature d’un univers transmédiatique, soit des modes d’appropriation faniques de son contenu, mais toujours en rapport avec la dimension politique de la transmédialité.

Axes thématiques et pistes de problématisation

1. Créativité collaborative : réalité ou mythe ?

Peut-on vraiment reconnaître dans les formes d’interaction entre les instances de production et de réception des univers transmédiatiques actuels l’expression d’une véritable créativité collaborative ? N’a-t-on pas affaire plutôt à deux formes de poiesis incomparables, dont la phénoménologie mériterait d’être classée dans deux rubriques différentes : la création (des industries) et la créativité (des fans). Faire l’amalgame entre ces deux formes de poiesis ne revient-il pas à méconnaître les modalités foncièrement inégalitaires à travers lesquelles les industries de l’imaginaire et les fans participent au cycle de production d’un univers transmédiatique ? Parler de « convergence », d’« auctorat collaboratif », ne revient-il pas alors à sous-estimer (ou à dissimuler) l’emprise hégémonique croissante de « l’industrie culturelle » sur l’imaginaire social ?

2.  Le fan-activisme : un militantisme autonome ou hétéro-dirigé ?

De quoi le militantisme fanique est-il l’expression ? Faut-il y voir une forme de « subculture politique », émanant sponte sua d’en bas, des catégories sociales mal intégrées dans la collectivité et revendiquant une identité culturelle spécifique ? Ou bien, faut-il y voir l’effet collatéral d’un endoctrinement, d’une influence émanant d’en-haut, des lobbies économiques et éditoriales (par exemple, Netflix) qui contrôlent de plus en plus en profondeur l’imaginaire social ? Et si l’activisme fanique n’était qu’une forme d’acculturation verticale des pulsions politiques des nouvelles générations ? Une variante insoupçonnée de l’high culture, abusivement vendue à la société comme une forme de subculture ?

3. Politique sérieuse ou ludique ?

Quel est le degré de maturité politique des communautés de fans qui érigent leurs personnages de fiction préférés en paladins des droits sociaux ? Wonder Woman, nouvelle égérie féministe, Superman, porte-drapeau des droits des immigrés… L’entrée de ces héros fictionnels (et de leurs fans) dans l’arène politique marque-t-elle un progrès ou une involution de la vie politique ? Est-ce le signe que la représentativité fictionnelle a définitivement éclipsé la représentativité parlementaire ? Ou s’agit-il, plus prosaïquement, de l’étape finale du processus de décomposition de nos démocraties tardives, condamnant les citoyens à compenser leur impuissance politique par le mirage d’un militantisme spectaculaire et défaitiste ?

Soumission des propositions

Les propositions devront :

  • Proposer un résumé de 1 000 signes (espaces comprises), en français.
  • Compter trois (3) à six (6) mots-clés, en français
  • Proposer un texte principal d’une longueur comprise entre 10 000 et 15 000 signes (espaces comprises), en français.
  • Compter cinq (5) à dix (10) références bibliographiques (normes APA).
  • Se présenter sous un format *.docx.
  • Être anonymisées ;
  • Être déposées sur le site SciencesCONF dédié.

Calendrier

1er juin 2023 : Diffusion de l’appel à communication et ouverture de la plateforme SciencesCONF dédiée au dépôt des propositions.

10 septembre 2023 : Date limite de dépôt des propositions de communication sur la plateforme SciencesCONF.

10 octobre 2023 : Envoi, aux auteurs, des notifications d’acceptation ou de refus des propositions de communication. Les expertises et révisions se feront en double aveugle par un comité scientifique international.

14-15 décembre 2023 : Tenue du colloque.

15 janvier 2024 : Date limite de dépôt des articles complets (d’une longueur maximale de 40 000 signes, espaces comprises) sur la plateforme SciencesCONF dédiée.

Bibliographie

Baroni, R. (2017). Pour une narratologie transmédiale. Poétique, (182), 155–175.

Besson, A. (2021). Les Pouvoirs de l’enchantement. Vendémiaire.

Boccia Artieri, G. (2012). Stati di connessione. Franco Angeli.

Boni, Marta (2011). Romanzo Criminale : la série dans un récit transmédial. Mise au point, (3). https://doi.org/10.4000/map.957

Bourdaa, M. (2013). Le transmédia storytelling. Terminal, (112), 7–10. https://doi.org/10.4000/terminal.447

Cailler, B. (Dir.). (2007). Le parcours multimédia. L’Harmattan.

Cayatte, R., & Goudmand, A. (Dir.). (2020). Approches transmédiales du récit dans les fictions médiatiques [numéro thématique]. Cahiers de narratologie, (37). https://doi.org/10.4000/narratologie.10386

Di Filippo, L., & Landais, É. (Dir.). (2017). Penser les relations entre médias. Dispositifs transmédiatiques, convergences et constructions des publics. Néothèque Éditions.

Duncombe, S. (2007). Dream: Re-imagining Progressive Politics in an Age of Fantasy. The New Press.

Hassler-Forest, D. (2016). Science Fiction, Fantasy and Politics: Transmedia World-Building Beyond Capitalism. Rowman & Littlefields.

Jenkins, H. (2013). La Culture de la convergence. Des médias au transmédia. Armand Colin.

Lavocat, F. (2016). Fait et fiction. Seuil.

Leiduan, A. (2021). Critique de la raison narrative. Le récit dans l’ère digitale. Ovadia.

Lévy, P. (1994). L’Intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberspace. La Découverte.

Lévy, P. (1997). Cyberculture. Odile Jacob.

Masoni Lacroix, C., & Cailler, B. (2015). Fans versus universitaires, l’hypothèse dialogique de la transmédialité au sein d’un dispositif socio-narratif. Revue française des sciences de l’information et de la communication, (7). https://doi.org/10.4000/rfsic.1662

Negroponte, N. (1995). L’homme numérique. Laffont.

Peyron, D. (2013). Culture Geek. FYP éditions.

Roux, U. (2022). L’Observatoire des Mondes Imaginaires : une association pour valoriser les sciences du jeu. Communication & Organisation, (61), 177–184. https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.11290

Ryan, M.-L. (2017). Le transmedia storytelling comme pratique narrative. Revue française des sciences de l’information et de la communication, (10). https://doi.org/10.4000/rfsic.2548

Saint-Gelais, R. (2011). Fictions transfuges. La transfictionnalité et ses enjeux. Seuil.

Trippi, J. (2004). The Revolution Will Not Be Televised: Democracy, the Internet, and the Overthrow of Everything. Harper Collins.

Wenger, É. (2006). Communities of Practice. A Brief Introduction. https://scholarsbank.uoregon.edu/xmlui/bitstream/handle/1794/11736/A%20brief%20introduction%20to%20CoP.pdf