Revue Cahiers d’histoire culturelle

Traduire : enjeux identitaires et altérité à l’épreuve de la mondialisation

Réponse attendue pour le 15/10/2021

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Argumentaire

Si traduire implique indubitablement le passage d’un texte écrit de la langue source à la langue cible, la traduction ne peut se réduire à une opération purement linguistique : une différence foncière entre Dolmetschung (traduction mécanique) et Übersetzung (traduction qui repose sur la compréhension du sens et du sentiment de l’autre et, de ce fait, fait office de médiation) est le pilier Des différentes manières du traduire de Schleiermacher, un des textes fondateurs de la traductologie contemporaine[1]. Or, aujourd’hui ce paradigme de traduction issu directement de la tradition humaniste est confronté à des transformations sociétales majeures.

Au premier regard, la traduction semble n’avoir jamais été aussi mise à l’honneur que  dans notre monde globalisé où les interactions économiques et culturelles n’ont de cesse d’augmenter et où la survie d’une langue et d’une culture semblent reposer sur sa capacité à traduire et donc à prendre part à l’échange mondial[2]. Les déclarations des grands chefs d’État ne sont-elles pas traduites et diffusées par les médias du monde entier quelques instants après qu’elles ont été prononcées ? Le succès de bien des œuvres littéraires ne se mesure-t-il pas aussi bien au nombre des ventes que de traductions dans différentes langues ?

Cependant, un regard plus attentif décélérera sans difficulté plusieurs lignes de tension qui seront les axes de réflexion principaux de cet ouvrage collectif :

La traduction et l’économie de la traduction

Il est inutile de rappeler que la traduction a un coût, qui désavantage les petits pays et économies en voie de développement. Comment peuvent-ils rester concurrentiels sur le marché mondial de la traduction et résister à la conjoncture qui les relègue au rang des langues « rares » et des cultures « mineures » ? Le monde de demain appartiendra-t-il aux langues d’importance mondiale ou du moins régionale ? La traduction, qui accorde sa place à la diversité des cultures et des formes d’expression, dépendrait-elle forcément d’un système des subventions et partant de l’existence d’un État fort ? Qui pourrait porter le poids économique des activités de traduction dans le monde globalisé où la modèle de l’État-providence semble devenir de plus en plus anachronique ? Comment les universités, où les cursus d’italien, allemand ou bien hébreu disparaissent progressivement et ceux du norvégien ou slovène n’ont aucune chance d’être ouverts un jour, concourent-elles à cette tendance de l’homogénéisation de l’offre culturelle ?

L’individualisation des usages de la langue et la traduction

Si pour Saussure la parole est toujours personnelle mais la langue, comme ensemble des faits de langage, est « le produit que l’individu enregistre passivement »[3], force est de constater que la légitimation des variantes nationales d’une langue, aussi bien que la généralisation de l’écriture oralisée qui  légitime non seulement les parlers locaux ou les sociolectes de groupes sociaux mais souvent également les emplois individuels de la langue, permettent de parler de l’effritement de la norme linguistique. À titre d’exemple, pensons à certains écrivains mexicains transfrontaliers qui entremêlent dans leur écriture aussi bien l’espagnol que l’anglais[4] ou à la littérature antillaise où la langue française est « traversée » par le créole. Les tendances linguistiques du monde de plus en plus individualiste de nos sociétés post-industrielles sont-elles infailliblement centrifuges ? Si tel est le cas, comment la traduction peut-elle conserver ces différences d’usage, de plus en plus grandes, tout en assurant sa fonction traditionnelle de faciliter la communication ? Une part du Même, une certaine dose de mêmeté[5], est-elle indispensable pour pouvoir entendre l’Autre ? Peut-on rapprocher les cultures en accentuant les écarts et les différences ?

La traduction et le numérique

Les outils de traduction automatique ou semi-automatique deviennent de plus en plus fins et, dans certains secteurs[6], commencent déjà à remplacer les traducteurs humains. Peut-on conjuguer l’écoute herméneutique de l’autre et l’usage des logiciels standardisés ? Dans les sociétés robotisées, la traduction en quelque sorte post-humaniste laissera-t-elle une place à la subjectivité et donc à l’altérité ?

La traduction et le temps de traduction

Posant l’impératif de performance et d’innovation constante, la mondialisation contribue à une survalorisation du neuf, de l’actuel et de l’instantané[7] qui fait de l’histoire, sinon un fardeau, du moins un accessoire. Comment défendre, dans ce cas, la nécessité de traduire des auteurs plus anciens, qui ne sont plus « d’actualité » ? D’autre part, puisque l’information (les actualités, les discours politiques, les films, les romans) vieillit de plus en plus vite, comment réconcilier l’impératif de qualité de traduction et la course contre le temps où la traduction doit être faite dans les délais de plus en plus brefs ?

L’objectif de ce numéro thématique de la revue Cahiers d’histoire culturelle consistera donc à s’interroger sur la pratique de la traduction comme appropriation et transmission de la culture de l’Autre face aux défis de la mondialisation. Pour ce faire, les contributions relevant des champs disciplinaires les plus divers – linguistique, littérature, didactique des langues, histoire, économie – seront les bienvenues.

Modalités de contribution

  • Remise des propositions de contribution jusqu’au 15 octobre 2021
  • Résumé de 500 mots maximum comprenant le titre de l’article accompagné d’une brève notice biographique et une bibliographie.
  • Toutes les propositions de communication devront être envoyées aux adresses suivantes : sarah.porcheron@univ-tours.fr ; anna.krykun@univ-tours.fr .
  • Remise des textes : 15 janvier 2022
  • Les articles soumis feront l’objet d’une relecture anonyme par les membres du comité scientifique.

Équipe de la revue

Revue fondée par Jean-Marie Goulemot, Didier Masseau et Jean-Jacques Tatin-Gourier

Direction actuelle : Christine de Gemeaux et Élisabeth Gavoille

Comité scientifique

  • Daniel Baric,
  • Uwe Puschner,
  • Jean-Jacques Tatin-Gourier,
  • Mónica Zapata

Comité de rédaction

  • Christine de Gemeaux,
  • Élisabeth Gavoille

Notes

[1] SCHLEIERMACHER Friedrich, Des différentes méthodes du traduire, Paris, Seuil, 1999 [1813].

[2] DE LAUNAY Marc, Qu’est-ce que traduire ?, Paris, J. Vrin, 2006, p.25.

[3] SAUSSURE Ferdinand de, Cours de linguistique générale,(1906-1911), Payot, 1969, p.30.

[4] CASTILLO-BERCHENKO Adriana, « L’écriture bilingue dans la littérature hispano-américaine contemporaine : le cas des auteurs frontaliers », Cahiers d’études romanes, 7 |2002, p.63.

[5] Ricœur Paul, Soi-même comme un autre, Seuil, Paris, 1990, page 168.

[6] PERALDI Sandrine, « De la traduction automatique brute à la post-édition professionnelle évoluée : le cas de la traduction financière » dans Revue française de linguistique appliquée, 2016, n°1 (vol. XXI), p. 67-90.

[7] PADOA-SCHIOPPA Tomaso, ROMANO Beda, Contre la courte vue. Entretiens sur le grand krach, Paris, Odile Jacob, 2009.