Intelligibilité du numérique

Modèles : du monde réel au monde numérique

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Réponse attendue pour le 07/11/2021

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Nom de la publication Intelligibilité du numérique

Coordinateurs

  • Bruno BACHIMONT, Université de Technologie de Compiègne COSTECH, EA 2223
  • Marcello VITALI-ROSATI , Université du Québec à Montréal (UQÀM) Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques
  • Pierre GANÇARSKI, Université de Strasbourg ICube, UMR 7357

Le concept de modèle semble être fondamental pour comprendre les environnements numériques. Cependant cette notion peut être comprise de plusieurs manières et est par ailleurs interprétée différemment selon les disciplines, les approches et aussi les métiers.

La notion de modèle a été intensivement mobilisée dans les sciences de l’ingénieur : un modèle est alors la représentation d’un système permettant de le simuler ; au lieu d’expérimenter le système dans son fonctionnement empirique effectif, on expérimente via le modèle et ses simulations. Le modèle peut s’appuyer sur une théorie de la réalité décrite (souvent une théorie physique) et proposer des simplifications et adaptations ; il est ensuite calibré sur un domaine de validité (les situations concrètes où on peut l’utiliser), et exploité pour étudier le comportement du système dans ce domaine. Mais la notion de modèle est également utile dans de nombreux autres domaines : par exemple les modèles « utilisateur » en ergonomie ou en informatique, les modèles de « visite » en muséologie, ou encore les modèles du consommateur en marketing ou en économie, etc. Un modèle peut servir à analyser, comprendre, explorer, simuler le réel.

Si bien que ce que l’on appelle modèle peut être très varié. En pratique, il semble que toute représentation, formelle ou non, mathématique, computationnelle, graphique, langagière, peut, d’une manière ou d’une autre, être qualifiée de modèle si elle permet de viser une réalité et d’en cerner son évolution : un modèle utilisateur peut ainsi être une description en langue naturelle indiquant le type de comportement qu’on s’attend à constater.

Un modèle est donc essentiellement une médiation et de ce fait possède une double nature : ce qu’il est ou fait, et ce à quoi il renvoie. En effet, un modèle est un modèle de quelque chose, souvent une situation, un système, un objet. En outre, il est un objet possédant ses propres caractéristiques, manifestant des propriétés spécifiques et un comportement singulier. Un modèle mobilise alors nécessairement une double compétence, celle de ce qu’il vise, et celle de qui le constitue. Or, la plupart du temps, ces compétences ressortissent de domaines distincts, aux traditions intellectuelles, méthodologiques et pratiques différentes. Cela implique des tensions, négociées en termes d’interdisciplinarité, de traduction ou de projection d’un domaine à l’autre.

Cette caractérisation de la notion de modèle ne lui est cependant pas spécifique : on pourrait en dire autant de toute entité permettant de représenter ou viser une réalité. Aussi peut-on poser différentes questions pour caractériser ce qu’il convient d’appeler « modèle ». Ces questions peuvent se formuler de la manière suivante :

  • Des questions épistémologiques :
    • À partir de quand une représentation devient-elle un modèle ?
    • Quelle différence établir entre une théorie et un modèle ? une vision du monde et un modèle ?
    • Peut-on se passer de la notion de modèle ? toute discipline mobilise-t-elle des modèles ?
  • Des questions méthodologiques :
    • Quel est le bon usage d’un modèle ? Que peut-on lui faire dire ou lui faire faire ?
    • Comment constituer un modèle ? Comment le valider (calibrage par exemple) ? Comment le faire fonctionner : collecte des données, production des résultats, interprétation de ces derniers ?
  • Des questions pratiques :
    • Quelles compétences spécifiques faut-il posséder pour concevoir et utiliser des modèles ? Sont-elles homogènes à la réalité visée ? Comment gérer l’interdisciplinarité qui en découle si ce n’est pas le cas ?
    • Y-a-t-il des outils génériques pour concevoir des modèles, indépendamment des réalités visées ?

Une manière d’introduire le numérique dans ces débats serait de constater que les outils numériques deviennent transversaux et utilisés dans tous les domaines. Si dans un premier temps, cela peut se justifier par le fait que le numérique permet de codifier tout système de représentation en tant qu’il est symbolique, quelles conséquences cela entraîne-t-il sur la considération des modèles qui sont élaborés dans ces systèmes de représentation numérique et des entités que ces systèmes représentent ?

Autrement dit, la question qui nous intéresse ici et de déterminer si le numérique comme outil, paradigme, concepts, vient modifier, renforcer ou reconfigurer les acceptions que l’on peut donner de cette notion de modèle. Mais comme la question du numérique est désormais transversale à tous les domaines, elle est d’emblée intriquée à ce que chacun de ses domaines formule quant à la nature des modèles qu’il élabore. La modélisation par le numérique remplacerait-elle les différentes modélisations de chaque domaine ? Sont-elles reconfigurées ? Sont-elles simplement enrichies de nouveaux outils ?

De multiples questions émergent donc. Notamment :

  • Quel est le rôle du calcul et de la donnée dans le fonctionnement des modèles ? A-t-on affaire à des modèles permettant de mettre en œuvre une représentation théorique d’une situation ou système comme dans les sciences de l’ingénieur (un code permettant par exemple de simuler le fonctionnement d’une turbine) ? Ou des données codifiant une situation ou une réalité que des algorithmes analyseront sans prétendre porter une conception particulière du domaine envisagé ?
  • Si un modèle numérique comprend des données qu’on rassemble et un code qu’on mobilise, quelles modélisations (au sens de rapport à un modélisé) sous-tendent la traduction en données du réel envisagé, l’utilisation de tel ou tel algorithme ? Quelles hypothèses, implicites ou explicites, sont faites sur ce que dit, prétend dire ou peut dire le modèle ?

Pour terminer la boucle réflexive ouverte par la question du modèle, l’étude numérique des données est parfois présentée comme un quatrième paradigme faisant l’économie de théories a priori, mais permettant de construire à partir de l’analyse des données la théorie expliquant ces dernières. Mais est-ce toujours la même notion de théorie ? Faut-il comprendre que le modèle numérique remplacerait la théorie ?

Cet appel à contribution est donc ouvert à toute proposition interrogeant la notion de modèle dans le contexte des utilisations du numérique. Elles peuvent revêtir plusieurs aspects :

  • Épistémologie des modèles, en général ou propre à une discipline ou pratique particulières ;
  • Analyse de plateforme, algorithmes ou code, expérimentation ou étude permettant d’observer, illustrer, comprendre la notion de modèle ;
  • Épistémologie sur des projets particuliers (dans un projet de recherche, comment le modèle est intervenu, pourquoi a-t-on utilisé la notion de modèle, où est-elle intervenue etc.)

Calendrier de publication

  • Août 2021 – lancement de l’appel
  • 7 novembre : dépôt des propositions d’article complet
  • 5 décembre : retour d’évaluation des articles
  • 5 janvier : dépôt des articles révisés
  • 24 janvier : avis de publication
  • Fin janvier : parution du numéro

Pour répondre à cet appel, merci de vous référer aux normes et procédures de soumission de la revue. Pour toutes informations complémentaires, veuillez utiliser le formulaire de contact de la revue.

Coordinateurs

  • Bruno BACHIMONT – Université de Technologie de Compiègne COSTECH, EA 2223
  • Marcello VITALI-ROSATI – Université du Québec à Montréal (UQÀM), Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques
  • Pierre GANÇARSKI Université de Strasbourg ICube, UMR 7357

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