Tracés. Revue de sciences humaines

Les trajectoires de la preuve

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Réponse attendue pour le 01/11/2023

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Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Tracés. Revue de sciences humaines

Coordinateurs

  • Mathieu Aguilera
  • Cécile Boëx
  • Milena Jakšić
  • Stefan Le Courant

Dans la nuit du 24 février 2022, une première salve de bombardements s’abat sur l’Ukraine. Dans le même temps, les blindés de l’armée russe entament leur avancée vers Kyïv. Dès les premières heures de l’invasion, des Ukrainien-ne-s recueillent des témoignages, filment et photographient les exactions commises par l’armée russe. Des organisations de la société civile ukrainienne et internationale – groupes de journalistes, d’enquêteurs-trices indépendant-e-s, ONG – se saisissent immédiatement de ces ressources partagées notamment sur des réseaux sociaux pour documenter et établir les responsabilités des ravages de l’opération militaire en cours (Poupin, 2022). Le travail de collecte et d’analyse des indices des crimes avait donc déjà commencé quand, le 2 mars, moins d’une semaine après le déclenchement de l’offensive russe, la Cour pénale internationale (CPI) annonce l’ouverture d’une enquête sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre perpétrés sur le territoire ukrainien depuis 2013. « Terrain d’opération connecté », les données qui y sont produites en temps réel sont également utilisées par le camp russe dans une optique de renseignement ou de « réinformation », afin de donner une autre interprétation aux faits (Limonier et Bertran, 2022).

L’invasion de l’Ukraine n’est pas le premier terrain de déploiement de tels dispositifs de collecte et d’enquête, alors que les affrontements font toujours rage. En Syrie, dès le début du soulèvement en 2011 puis du conflit qui a suivi, les opposant-e-s ont massivement collecté les traces et les témoignages permettant d’établir les crimes du régime de Bachar al-Assad (Al Ghazzi 2014 ; Boëx 2021). Les révoltes et les conflits armés ne sont pas les seuls contextes où les citoyen-ne-s ordinaires se trouvant en première ligne, le plus souvent muni-e-s de leurs téléphones portables, côtoient des professionnel-le-s qui enquêtent sur les atrocités commises (Hamilton, 2018). Les violences policières, les attaques terroristes, les accidents industriels ou les projets d’aménagements à forts impacts sociaux et environnementaux font régulièrement l’objet du même type de documentation, de collecte, d’archivage en vue de révéler – avant peut-être de réparer – ce qui apparaît à ces acteurs sociaux comme une injustice. Dans le cas des crimes de guerre évoqués, ces éléments collectés au moment même ou bien après les faits, deviendront un jour peut-être, des preuves devant des tribunaux – locaux ou internationaux – chargés de juger les crimes. D’autres acteurs, plus éloignés des événements, compilent et réexaminent des données – statistiques, rapports, archives, etc. – en les mobilisant parfois à rebours de leurs finalités initiales (Bruno et. al., 2014). Au-delà des seuls espaces judiciaires, ces traces et ces documents peuvent aussi connaître des destinées diverses : réutilisés dans des médias, des musées, mobilisés dans des controverses, des récits alternatifs ou des contre-enquêtes, ou bien encore dans les carnets de chercheurs en sciences sociales (Backouche et Naepels, 2009).

À l’heure de la « post-vérité » ce qui fait preuve semble vaciller mais ne cesse pour autant d’être invoqué, revendiqué, réaménagé. Les preuves demeurent des outils d’authentification dont ne saurait se passer tout énoncé aspirant à atteindre un régime de véracité. Dans le sillage de la philosophie et de la sociologie pragmatique qui ont thématisé la question de l’enquête (Dewey, 1967, Boltanski, 2012, Karsenti & Quéré, 2004) et de la preuve (Chateauraynaud, 1991, Dulong, 1999), ce sont les trajectoires de ce qui pourrait faire preuve que ce numéro de Tracés propose d’explorer. Quelles sont les conditions, les gestes et les pratiques du devenir preuve ? Qui en sont les acteurs et actrices et quels usages en font-ils ? Il s’agira de s’intéresser à tout ce qui précède ou déborde l’arène du procès judiciaire afin de saisir le travail des acteurs de la preuve et de s’interroger sur l’incertitude qui entoure les étapes de qualification, de vérification, de mise en débat et en récit qui transforment, ou pas, une trace en preuve. L’objectif de ce numéro est de proposer une approche processuelle de la preuve pour saisir l’épaisseur des processus sociaux qui participent à la transformation de traces et d’artefacts en « outils du surgissement de la vérité » (Roumier, 2019) et de suivre les acteurs mobilisés dans ces processus de certification. Cette approche renvoie à l’étymologie du mot « preuve » qui dérive du verbe latin probare signifiant essayer, examiner, vérifier, terme lui-même dérivé de probus, ce qui est honorable et digne de foi. Ce numéro se propose d’explorer cette double dimension de la preuve comme action de prouver et qualité attribuée à la preuve (être probe, crédible, digne de foi). Car il n’y a pas que ce qui pourrait faire preuve – une image, un document, un témoignage, une série de mesures, un corps meurtri, des ossements, des ruines etc. – qui subit l’examen et le doute. La personne qui la produit ou la porte est elle-même soumise à un régime probatoire, sommée de faire elle aussi ses preuves.

Les contributions, issues de l’ensemble des sciences humaines et sociales, du droit comme des études littéraires et artistiques, s’attacheront à analyser les jeux d’acteurs qui interviennent dans la fabrique et l’administration des preuves (I), à questionner les matérialités des preuves tout comme les temporalités de celles-ci (II), ainsi qu’à examiner les pratiques et les méthodes de l’émergence des preuves produites au sein d’enquêtes profanes et de contre-enquêtes (III).

Axe 1 – Les acteurs et actrices de la preuve

En envisageant la preuve comme un travail et une activité pratique qui engage une multitude d’acteurs (Chappe et al., 2022), nous invitons les contributeurs et contributrices à étudier, en premier lieu, les intermédiaires de la preuve impliqués, à des degrés variés et pour des motifs parfois divergents, à la collecte et à l’élaboration des preuves. Sans se limiter au travail des seuls professionnels de la preuve (enquêteurs policiers et judiciaires, experts médico-légaux, journalistes), mais en élargissant aux intermédiaires, on se demandera ce que le processus de certification des preuves doit aux conditions de leur collecte et à la nature des médiations mobilisées. Les historien-n-es du fait colonial ont par exemple montré comment la parole des sujets colonisés a tantôt été décrédibilisée, rejetée comme indigne de foi dans la « hiérarchie des crédibilités » (Stoler, 1992), ou mobilisée dans la production des savoirs sur les terrains coloniaux (Raj, 2001). Le récent ouvrage de Zrinka Stahuljak (2020) consacré à la figure du « fixeur » dans le contexte médiéval offre ici des pistes intéressantes pour étudier les intermédiaires de la preuve. Définissant le fixeur comme un « dispositif » utilisé dans des situations d’intermédiation où se jouent « la vie et la mort », le terme désigne, depuis la guerre du Vietnam, toute personne engagée comme interprète, chauffeur ou facilitateur entre intervenants étrangers et population locale. Est « fixeur » celui qui met sur la « bonne piste », journalistes, enquêteurs ou travailleurs humanitaires à la recherche de l’information ou donnée susceptible de « faire preuve ». Mais le fixeur ne saurait se réduire à un « moyen pur, sans volonté propre, se faisant l’intermédiaire invisible » (Ibid, p. 18). Il est au contraire pris dans un rapport de force déséquilibré avec les professionnels de l’enquête. Les chercheur-e-s en sciences sociales engagé-e-s dans la forme-enquête ne sont pas totalement étrangers à cette situation. Ils et elles n’ont jamais un accès direct au terrain. Celui-ci se négocie en permanence. « Face à un ethnographe, observe Michel Naepels, il y a toujours de bonnes raisons de se taire » (Naepels, 2006, p.108). Le travail de la preuve doit en ce sens être défini comme le résultat d’une relation de dépendance, instable et déséquilibrée, entre intermédiaires et enquêteurs, ou dans le cas des preuves scientifiques ou épidémiologiques, entre les “petites mains” de la collecte empirique et les sphères académiques en charge de la modélisation et l’interprétation des données (Schaffer, 2014 ; Downs, 2022 ; Waquet, 2022).

Les contributeurs et contributrices à ce numéro sont invité-e-s à éclairer les motivations, les attentes et les régimes de justifications (Boltanski et Thévenot, 1991) de ces intermédiaires qui peuvent toujours choisir de se taire. Sont-ils motivés par une quête de vérité ? Un désir de justice, de vengeance ? Une motivation pécuniaire ? Un mélange de toutes ces raisons ? Nous sollicitons des articles qui analysent les actions de ces intermédiaires à partir d’une diversité de situations. Qu’en est-il par exemple des intermédiaires intervenant dans des enquêtes pour trafics d’œuvres d’art, des scandales médicaux ou politico-financiers ? Par ailleurs, comment les intermédiaires de la preuve apprennent-ils à produire la « bonne » preuve, celle qui emportera l’adhésion des professionnels de la preuve ? Qui en définit les méthodes et en quoi consistent-elles ? À l’image des conseils distillés dans les guides d’enquête de terrain à l’usage des étudiant-e-s en sciences sociales, il s’agira de s’interroger sur ce qui fait un-e « bon-ne » intermédiaire ou un-e « bon-ne » enquêteurs-trice et les modalités de construction de collectifs d’enquête. L’un des axes de la réflexion consisterait à explorer plus avant les conceptions divergentes d’authenticité et de vérité (Ginzburg, 1980) qui émanent de ces relations entre professionnel-le-s de la preuve et intermédiaires. Il ne s’agit pas ici d’établir une dichotomie entre expert-e-s et profanes de l’enquête mais d’interroger comment les ressources, les savoirs, les visées mais aussi les rapports de proximité ou d’extériorité à un terrain ou à une cause façonnent les relations parfois asymétriques qu’entretiennent les acteurs impliqués dans le travail de la preuve.

Aux côtés des intermédiaires de la preuve, nous nous intéresserons aux acteurs réclamant les preuves à des fins de surveillance, de contrôle ou de production de données sur les personnes. Ce numéro de Tracés entend néanmoins opérer une série de déplacements par rapport à une littérature existante sur l’identification à distance des individus (Caplan et Torpey, 2001 ; Noiriel, 2001) et qui a connu un renouvellement important grâce aux travaux consacrés à la « biométrisation des identités » (Awenengo Dalberto et al., 2018). Ces derniers ont pointé « l’immense enjeu économique et un business très lucratif pour les firmes multinationales » capables d’enregistrer des milliards d’individus (Ibid., p. 152), et d’utiliser ces données corporelles pour l’enregistrement des naissances, le recensement électoral ou les certifications bancaires. Au-delà des enjeux de contrôle et de surveillance que posent ces nouvelles économies digitales, ce dossier de Tracés souhaite solliciter des contributions attentives aux dispositifs de stockage et de traitement des données sollicitées par des institutions dans des domaines aussi variés que le travail, le sport, la finance, la médecine, l’éducation, le maintien de l’ordre. Deux pistes peuvent notamment faire l’objet d’exploration. La première concerne les trajectoires institutionnelles de ces données qui loin d’être neutres sont au contraire susceptibles de devenir des preuves dans le cas des litiges ou des disputes. La deuxième piste concerne la multitude d’espaces d’hybridation mais aussi de confrontation entre acteurs privés et publics dans le traitement de ces données. Quel rapport entretiennent-ils à ces données et dans quelles situations critiques celles-ci sont-elles susceptibles de devenir des preuves ?

La dernière piste explorée par cet axe concerne les acteurs qui doivent apporter la preuve, et les ressources qu’ils doivent mobiliser. Démontrer sa propriété ou son identité sont des démarches extrêmement fréquentes dans la dynamique judiciaire du contentieux des sociétés d’Ancien Régime (Dubouloz et Ingold, 2012 ; Argouse, 2017 ; Buono, 2020). Les sociétés esclavagistes et coloniales, et plus largement les sociétés impériales à statuts hétérogènes s’avèrent de ce point de vue des terrains d’enquête particulièrement féconds pour interroger les techniques probatoires de l’identité et de la race (Schaub et Sebastiani, 2021), des titres de propriété et des ayants-droits. Une diversité de situations est susceptible de faire l’objet d’investigation : des preuves d’avoir des droits sur une propriété, un héritage, la garde d’un enfant, un logement, ou plus largement une reconnaissance sociale. Par-delà les contextes étudiés, nous suggérons de privilégier des situations dans lesquelles la preuve est déclarée manquante, effacée, détruite, abîmée ou confisquée. On pense par exemple à l’entrée des troupes françaises sur le sol algérien en 1830 qui s’est accompagnée d’une vaste entreprise de vérification des titres de propriétés par les conquérants (Grangaud, 2009). Comment dans ces configurations caractérisées par l’absence de preuve (ou la non-recevabilité des anciens titres), les individus parviennent-ils, malgré tout, à convaincre les institutions de leur bon droit, de la véracité de leur histoire ou de leur identité ? Quelles pratiques documentaires et savoir-faire de collecte, compilation et archivage sont mis en œuvre par ces acteurs sommés de faire valoir leurs droits, ou de conserver des traces d’une expérience ? Si le travail documentaire participe du contrôle des individus, une autre facette de l’exercice du pouvoir consiste à laisser une partie de la population sans papier et sans preuve (Hull, 2012, p. 248). Ainsi, sont particulièrement bienvenues les contributions explorant les tactiques de contournement des contraintes institutionnelles sous différentes formes : contestation, production de faux, mises en récit de soi mensongers, tactiques de dissimulation et leurs justifications.

Axe 2 – Les matérialités et les temporalités de la preuve

À l’instar des travaux de Renaud Dulong sur les différents « procédés de factualisation » du réel, nous chercherons à saisir les opérations par lesquelles une trace, un vestige, un témoignage ou une image sont susceptibles de devenir des preuves. Renaud Dulong a montré qu’un témoignage, pour être admis en preuve, doit être soutenu par une série d’éléments, souvent matériels, qui rendent « tangible la certification du réel » (Dulong, 1997). Il a également insisté sur les « liens pragmatiques », c’est-à-dire sur les usages concrets des preuves et les dissonances susceptibles d’émerger de leur confrontation : une image filmée peut être contestée par un témoignage oculaire, et inversement. C’est en scrutant la matérialité des preuves, dans leur diversité, que les contributions de ce deuxième axe pourraient avancer des pistes de réflexion. La première vise à saisir les concurrences et les confrontations des preuves entre elles. Une mise en concurrence qui s’inscrit de longue date dans un réaménagement successif des régimes probatoires, dans les arènes judiciaire et savante (Chandler et al., 1994 ; Lemesle, 2003). Michel Foucault avait déjà proposé, à la suite de Marcel Detienne, d’historiciser les procédures d’établissement de la vérité en montrant comment, dans la Grèce ancienne, nous étions passés d’un régime de l’épreuve (l’ordalie) à un régime de la preuve (Foucault, 1971). Les contributions pourront ainsi questionner la manière dont ces réaménagements mettent en tension des conceptions non univoques de l’objectivité, des procédures impersonnelles ou de l’interconnaissance dans les processus de certification (Porter, 1995 ; Daston et Galison, 2012 ; Cerutti, 2021). Nous assistons, depuis quelques décennies, à une transformation profonde du travail probatoire face au développement de nouvelles technologies : enquêtes Open source (Deneuville et al., 2022), imageries, ou encore recours à l’ADN (Rabeharisoa, Paterson, 2022 ; Lynch, Michael et al. 2010). Comment ces nouvelles techniques et matériaux de l’enquête façonnent-ils les formes argumentatives et esthétiques de la preuve ? À quels savoirs, logiques démonstratives et interprétations contradictoires donnent-ils lieu ? Constituent-ils un rempart efficace contre les régimes de négation ou contribuent-ils au contraire à en renouveler les formes d’expression ? Les contributions sont invitées à examiner la confrontation de ces nouvelles preuves scientifiques ou obtenues par des moyens scientifiques, avec les preuves testimoniales et documentaires, et à interroger leur degré de performativité.

Une deuxième piste de réflexion pourrait porter sur la fabrique de la contrefaçon et du doute, qui n’est pas totalement étrangère au développement de ces mêmes technologies. Les contributions pourront explorer une diversité d’affaires impliquant les fausses monnaies, les faux papiers, les faux tableaux, les fausses signatures ou tout autre item susceptible de faire l’objet de falsifications. On pense ici à la distribution croissante de la possibilité de capter des images qui s’accompagne d’une suspicion grandissante sur leur authenticité. Les images peuvent être retouchées, modifiées ou entièrement produites hors du contexte qu’elles sont censées représenter. Dans un récent article visant à « déplier l’économie de la contrefaçon », Christian Bessy et Cynthia Colemellere (2022) décrivent ainsi comment cette explosion du « faux » a donné lieu au développement d’un véritable « marché d’authentification devenu international ». L’expertise et les jugements d’authenticité qui émergent, en situation  (Bessy et Chateauraynaud, 1995), d’une activité sensorielle impliquant des corps, des objets, des moyens techniques – le toucher de la surface d’un tableau, l’odeur d’un matériaux, le détail d’un arrière plan sur une vidéo etc. – pourront être étudiés. Comme facette indissociable de l’authentique, des propositions pourraient, en miroir, analyser les techniques par lesquelles les faussaires parviennent à « déstabiliser le jugement des experts », à jouer avec la « frontière entre l’authentique et le falsifié » et à produire, in fine, des objets qui résistent au soupçon de fraude (Beek et al., 2019).

Une troisième piste de réflexion portera sur la preuve à l’épreuve du temps. Nous pensons, en premier lieu, à ce que le temps et son passage font aux processus d’authentification des éléments susceptibles de devenir des preuves. Cette question a été abondamment étudiée par les travaux consacrés aux témoignages judiciaires des victimes de génocides et de violences de guerre, en pointant la difficulté pour le témoignage à devenir preuve (Jakšić et Ragaru, 2019), non seulement en raison des tactiques de déstabilisation des témoins dans les procès (Claverie, 2009), mais aussi du fait des errements et des hésitations de la mémoire des événements violents (Pollak, 1993). Or la justice impose aux témoins « une constance, une obligation de se répéter » (Lefranc, 2019) de procès en procès, fragilisant encore davantage la traduction du témoignage en preuve. Faut-il en déduire pour autant que le temps est toujours un ennemi de la preuve ? Des traces qui s’estompent, un document qui se dégrade, un prélèvement médico-légal contaminé sont-ils voués à sortir définitivement de la fonction d’attestation ? Si le temps semble jouer contre la preuve dans les procès, qu’en est-il d’autres espaces sociaux ? Il s’agira également de s’interroger sur l’espace de la preuve dans des contextes et des espaces où les traces ont été volontairement détruites ou, tout simplement, non conservées : comment faire du manque de preuves un objet d’enquête et documenter ces processus d’effacement ? Comment le temps différé de la preuve transforme sa matérialité, son statut et engendre de nouveaux espaces de préservation et d’exposition ? Ce numéro appelle aussi des propositions issues des champs de l’art et de la littérature à étudier comment des témoignages ou documents rejetés comme inauthentiques, incomplets, invérifiables ou non-admis au titre de prescription, sont exhumés, reconfigurés et réactualisés dans l’écriture documentaire ou fictionnelle (Samoyault, 2012). Le cinéma offre à cet égard un terrain de réflexion particulièrement fécond, autant du point de vue de la mise en récit de la parole de témoins et de l’écriture de la mémoire (Shoah, Lanzmann 1985 ; S 21 La machine de mort Khmère rouge, Pahn 2003, L’image manquante 2013 ; Les âmes mortes, Bing 2018), que du côté des cinéastes qui ont mis l’enquête au cœur de leur travail pour sonder les traces de la violence à partir d’indices infimes pour recomposer des fragments de vécus comme Patricio Guzmàn (Le bouton de nacre, 2015), William Karel (La diaspora des cendres, 2021) ou Christophe Cognet (À pas aveugles, 2021). Enfin, à l’instar de Harun Farocki (Images du monde et inscription dans la guerre, 1988) ou de Marcej Drygas (Hear my cry, 1991), l’art permet aussi de relire des archives officielles à rebours pour en faire des preuves et des récits de ce que celles-ci étaient censées dissimuler ou ignorer. Il s’agira ici d’interroger le sensible et l’imagination dans l’apparition, l’épaississement ou le retournement des traces, de l’enquête et de la preuve.

Axe 3 – Preuve contre preuve

Ce troisième axe propose d’examiner plus précisément les pratiques et les méthodes de contre-enquêtes qui se saisissent de problèmes, de faits ou de phénomènes qui font l’objet de discours d’autorité ou qui sont enfouis, dissimulés et minimisés. Il s’agira de comprendre comment ces contre-enquêtes permettent de soutenir des discours différents, voire opposés, à ceux déjà existants ou de faire émerger des problèmes qui ne sont pas encore constitués comme tels. On pense, par exemple, aux enquêtes ouvrières documentant les conséquences des méfaits de l’industrialisation sur les corps (Cavazzini, 2013 ; Geerkens et al., 2019), au développement de la contre-enquête statistique au XIXe siècle (Labbé, 2019) ou encore au travail minutieux sur les preuves visant, comme dans l’affaire Dreyfus, à renverser la raison d’État en mettant au jour la falsification (Jaurès, 1898). Dans une période plus récente, qu’il s’agisse de collectifs de riverains d’un site contaminé (Akrich et al., 2010), de journalistes engagés dans le fact checking (Graves, 2017 ; Roumanos et Le Deuff, 2021), la collecte, le traitement et la diffusion des éléments de l’enquête se situent souvent à la marge des espaces et des procédures de validation de la preuve.

Nous souhaitons, en premier lieu, étudier les techniques, les instruments et les sources de la contre-enquête. Comment sont collectées concrètement les preuves par des acteurs non-autorisés à participer aux enquêtes officielles, voire qui contestent la valeur probante des éléments déjà recueillis ? Quelles sont les stratégies narratives de persuasion déployées pour accéder à ces éléments de preuve ? On pense d’emblée à l’agence Forensic Architecture fondée en 2011 par Eyal Weizman dans le but non seulement de contester la supposée neutralité de la criminalistique positiviste héritée d’Alphonse Bertillon, mais aussi de dénoncer les stratégies d’effacement des crimes perpétrés par des États (Keenan, 2014). Au croisement de la théorie et de l’activisme, Forensic Architecture multiplie les modes d’investigation : vidéos, témoignages, vues aériennes, balistique, modélisation 3D et revendique des « procédures de vérification ouverte » qui mobilisent une multitude de sources et d’acteurs (Weizman, 2021). L’extension et la délocalisation du domaine de l’enquête supposent également de nouvelles formes de coopération entre une multitude d’acteurs-trices de la preuve. Dans le contexte des révoltes dans le monde arabe, l’organisation internationale Witness qui depuis 1998, place la vidéo au cœur de dispositifs de défense de droits humains, a lancé de nouvelles applications pour smartphone comme SecureSmartCam permettant de crypter l’archivage et de flouter les visages. Des tutoriels et des guides de formation très détaillés ont également été mis en ligne à l’adresse des preneurs d’images amateurs, imposant un format et un style précis. En quoi ces « bonnes pratiques » peuvent-elles être en décalage avec les réalités et les vécus sur le terrain ? Dans quelle mesure peuvent-elles aussi contribuer à façonner une hiérarchie dans la mise en visibilité des faits et des causes (Ristovska, 2016) ? La réflexion pourrait porter ici sur les nouvelles épistémologies de la preuve au regard des formes (sociales, géographiques et technologiques) hybrides de la contre-enquête. Il s’agirait également d’interroger les formats dans les relations complexes qu’ils entretiennent aux enquêtes officielles, entre mimétisme et désir de distinction.

Nous proposons ensuite de réfléchir aux contre-enquêtes désignées comme complotistes ou conspirationnistes. L’une des questions à laquelle les contre-enquêtes sont souvent confrontées est celle de savoir jusqu’où mener les investigations ? La quête de causalités cachées peut devenir « paranoïaque » quand elle sature l’environnement ordinaire d’innombrables conspirations (Boltanski, 2012). Au lieu de les qualifier de « théories du complot » et de les disqualifier comme telles, nous invitons les contributeurs et contributrices à proposer des articles qui étudient de près le type de preuves mobilisées à l’appui de ces démonstrations. Il s’agira d’abord d’analyser les méthodes d’enquête qui portent les qualifications de « complot » ou de « fake news » pour ensuite questionner le type de réponses que produisent ces désignations : décrire les réactions des personnes exposées à ces accusations et le type de preuves qu’elles fournissent à l’appui de leur démonstration. Soutenir un déni – du réchauffement climatique, de l’utilité ou de la finalité d’une campagne vaccinale, etc. – ou chercher à faire émerger des interprétations alternatives d’événements – du 11 septembre 2001, de l’investiture de Donald Trump à la présidence états-unienne en 2017, etc. – passe par un retournement de la preuve : la réinterprétation de données, de documents, d’images disponibles (Ledoux, 2009 ; 2019) ou la production de nouvelles preuves. Ainsi, plutôt qu’une approche privilégiant les biais cognitifs et autres pathologies du raisonnement, nous invitons à étudier les conditions sociales d’émergence de ces théories, à suivre leurs modes de circulation, à analyser les types de réfutations auxquels elles sont confrontées et les reformulations qui en résultent.

Une dernière piste d’exploration vise les contre-enquêtes dirigées contre les sciences sociales.Un cas récent qui a suscité de nombreux débats concerne par exemple le travail d’Alice Goffman. Après une enquête ethnographique de six ans dans un quartier défavorisé de Philadelphie, Alice Goffman publie un ouvrage dans lequel elle relate la vie de jeunes hommes noirs pris dans les mailles du système judiciaire et pénal (Goffman, 2014). Elle y décrit des existences faites d’arrestations, de harcèlement policier et d’emprisonnement. Plus encore, elle fait le récit de la vigilance quotidienne de ces jeunes hommes visés pour la plupart par des mandats d’arrêt, les effets de cette « vie en fuite »  sur l’entourage immédiat. Le travail d’Alice Goffman reçoit d’abord les récompenses académiques avant de devenir un best seller des sciences sociales. En mai 2015, une recension anonyme extrêmement détaillée accuse Alice Goffman de malhonnêteté en relevant des incohérences et des contradictions dans le récit. En parallèle, elle se voit accusée de participer à produire une image exotisante et stéréotypée de ces quartiers et de s’être rendue complice, au cours de son enquête, d’actes pénalement condamnables. Mais ce qui se voit frontalement attaqué par les détracteurs est, avant tout, la capacité à faire preuve de la démarche ethnographique (Avanza, 2016 ; Portilla, 2016). Face à ces accusations, Alice Goffman ne peut fournir de preuves tangibles puisque, pour protéger ses interlocuteurs, elle a détruit toutes ses notes de terrain. Prolongeant les enjeux qui émergent de ces polémiques – déjà abordés par la revue dans le hors-série « Que faire des données de la recherche ? » (Galonnier et al., 2019) – , ce numéro de Tracés pourra accueillir des articles réfléchissant aux modalités de l’administration de la preuve en sciences humaines et sociales, mais également aux questions de transparence et de « reproductibilité » des enquêtes qualitatives. Dans cette ligne, seront bienvenues les contributions interrogeant les politiques scientifiques actuelles qui encouragent – voire imposent – de rendre disponibles les données des recherches afin non seulement de les rendre ré-exploitables mais d’offrir également les moyens d’une contre-enquête sur les résultats et les analyses produites.

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Modalités de soumission

L’appel à contribution a valeur de cadrage et permet la sélection des contributions en fonction de leur pertinence par rapport au thème et aux enjeux du numéro. Il a, en outre, vocation à suggérer aux rédacteurs potentiels quelques pistes générales de réflexion.

Articles

Les articles représentent des contributions originales à la recherche, qui suivent les normes habituelles de la production scientifique. Ils doivent tous se positionner par rapport à l’appel à contributions.

Différents types d’approches sont possibles, permettant de diversifier la manière d’aborder la thématique : nous accueillons tant des articles à vocation essentiellement théorique, que des contributions fondées sur des recherches empiriques, où les enjeux méthodologiques seront précisés et discutés.

Tracés étant une revue interdisciplinaire, les articles doivent pouvoir être compréhensibles et pertinents pour des lecteurs et des lectrices non spécialistes ; ils peuvent également faire appel à des méthodes et des références de plusieurs disciplines, ou interroger les présupposés ou les outils empiriques et théoriques d’une discipline à partir du point de vue d’une autre discipline.

Les articles soumis ne peuvent excéder 50 000 signes (espaces, notes, et bibliographie incluses).

Notes

Nous publions des notes critiques qui présentent un ensemble de travaux (éventuellement un ouvrage en particulier), une controverse scientifique, ou l’état d’une question actuelle. Elles doivent dans tous les cas se rattacher explicitement à la thématique du numéro et permettre d’éclairer des orientations de recherche ou des débats inhérents à cette dernière, notamment pour des lecteurs et des lectrices non spécialistes des disciplines concernées.

Les notes soumises ne peuvent excéder 30 000 signes (espaces, notes, et bibliographie incluses).

Entretiens

Des entretiens avec des chercheurs, chercheuses ou d’autres expert-e-s des questions étudiées sont également publiés dans chaque numéro. Les contributeurs et les contributrices qui souhaiteraient en réaliser sont invité-e-s à prendre contact directement avec le comité de rédaction (redactraces@groupes.renater.fr).

Traductions

Les traductions sont l’occasion de mettre à la disposition du public des textes peu ou pas connus en France et qui constituent un apport capital à la question traitée. Il doit s’agir d’une traduction originale. Le choix du texte devra se faire en accord avec le comité de rédaction et les questions de droits devront être réglées en amont de la publication.

Il est donc demandé aux contributeurs et aux contributrices de bien préciser pour quelle rubrique l’article est proposé. La soumission d’articles en anglais est également possible, mais si l’article venait à être retenu pour la publication, sa traduction nécessaire en français demeure à la charge de l’auteur ou de l’autrice.

Procédure

Les auteurs et autrices devront envoyer leur contribution (article complet) avant le 1er novembre  2023. Celle-ci sera envoyée à la rédaction de Tracés (redactraces@groupes.renater.fr) ainsi qu’aux responsables du numéro : mathieu.aguilera@sciencespo.fr ; milenajaksic@gmail.com ; cecile.boex@ehess.fr ; stefan.le-courant@ehess.fr ;

Nous invitons les autrices et auteurs à adresser dès qu’ils le souhaitent, un résumé (en indiquant le titre de leur contribution, la rubrique dans laquelle ils le proposent, ainsi qu’un bref résumé du propos) au comité de rédaction de Tracés (par courrier électronique à la même adresse) pour leur faire part de leur intention de soumettre un article.

Chaque article est lu est par un-e membre du comité de rédaction et par deux évaluateurs et évaluatrices extérieur-e-s. Nous maintenons l’anonymat des lecteurs et lectrices et des auteurs et autrices. À l’aide de ces rapports de lecture, le comité de rédaction de Tracés rend un avis sur la publication et décide des modifications à demander aux auteurs et autrices afin de pouvoir publier l’article.

Dans le cas de propositions trop éloignées de l’appel à contribution ou des exigences scientifiques de la revue, le comité de rédaction se réserve le droit de rendre un avis négatif sur la publication sans faire appel à une évaluation extérieure. Hormis ces exceptions, une réponse motivée et argumentée est transmise aux auteurs et autrices suite à la délibération du comité de lecture.

Nous demandons aux contributeurs et contributrices de tenir compte des recommandations en matière de présentation indiquées sur notre site : https://journals.openedition.org/traces/103

Les articles envoyés à la revue Tracés doivent être des articles originaux. L’auteur ou l’autrice s’engage à réserver l’exclusivité de sa proposition à Tracés jusqu’à ce que l’avis du comité de lecture soit rendu. Elle ou il s’engage également à ne pas retirer son article une fois que la publication a été acceptée et que l’article a été retravaillé en fonction des commentaires des lecteurs et lectrices.

NB : L’insertion d’images et de supports iconographiques en noir et blanc et en couleurs est possible en nombre limité (Précisez-le dans votre déclaration d’intention). Celles-ci doivent être livrées libres de droit (sauf exception, la revue ne prend pas en charge les droits de reproduction) ; elles limitent le nombre de signes à hauteur de 2500 signes par image pleine page, et de 1500 signes par image demi-format. Pour des projets spécifiques, il est possible de faire établir un devis pour un cahier hors-texte.

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