Les enjeux de l'information et de la communication

Les reconfigurations de l’information télévisée

Réponse attendue pour le 02/10/2023

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Nom de la publication Les enjeux de l'information et de la communication

Coordinateurs

La revue Les enjeux de l’information et de la communication lance un appel à contribution pour un dossier thématique intitulé « Les reconfigurations de l’information télévisée » sous la direction de Céline Ségur (CREM, Université de Lorraine).

Présentation

Le dossier propose de s’interroger sur l’évolution de la production et de la réception de l’information télévisée, à l’heure d’une évolution des formats médiatiques et numériques. Il aborde également les enjeux actuels des pratiques professionnelles et de celles des publics. Il se situe dans le prolongement des travaux qui se sont tenus lors du colloque « Télévision, information et numérique. Pratiques et publics » organisé par le Crem les 29 et 30 septembre 2022 à l’université de Lorraine.

La polarisation entre une télévision traditionnelle, considérée en fin de vie, et le numérique n’a plus sa place. La télévision doit désormais être envisagée dans une perspective complexe, tant au niveau de la production que de celui de la réception (Chambat-Houillon, Barthes, 2019 ; Châteauvert, Delavaud, 2016). Les contenus télévisuels sont conçus pour être visionnés, en contexte domestique mais pas seulement, sur un écran de télévision traditionnel mais aussi en mobilité, dans d’autres temporalités, sur des supports de taille plus réduite (smartphone, tablette, ordinateur) et dans des conditions de réception diversifiées (plateformes audiovisuelles notamment). Alors que l’on parle de « médias sociaux » pour qualifier l’essor non seulement des pratiques de blogging mais surtout celui des réseaux socio-numériques depuis le milieu des années 2000 (Coutant, Stenger, 2012), les mutations de la télévision en lien avec le numérique peuvent être datées de la fin des années 2000. En France, les premiers services de télévision de « rattrapage » sont apparus en 2008 ; à partir de 2011, la commercialisation des « télévisions connectées », ainsi que la démocratisation des smartphones et des tablettes ont étendu les conditions d’écoute des contenus télévisuels. Le média a dû évoluer, de manière à rester concurrentiel face à l’internet et afin de ne pas disparaitre : les diffuseurs ont saisi les opportunités numériques pour proposer aux publics d’enrichir leurs expériences transmédiatiques (Ségur, 2015), en déployant leurs activités sur les réseaux socio-numériques (Spies, 2014 ; Kredens, Rio, 2015). Ils ont développé des dispositifs, dits d’interactivité, qui leur donnent la possibilitéd’accroître leur audience sociale, c’est-à-dire le volume des échanges sur les réseaux socio- numériques liés à une émission de télévision.

Si la mise à disposition des contenus télévisuels à la carte, sur un autre écran que celui du poste, a marqué le début d’une désaffection de la télévision au profit de l’internet, les scores d’audience de la télévision multi-écran se maintiennent à des niveaux importants (l’institut Médiamétrie a enregistré une durée d’écoute individuelle moyenne de 3h47 chez les individus âgés de 15 ans et + en 2022, source : Médiamat annuel1). La télévision, dans son acception désormais hybride, occupe toujours une place, qu’elle soit centrale ou périphérique, dans la vie quotidienne d’une majorité d’individus, en particulier comme source d’information. Ces vingt dernières années, les discours funèbres au sujet du média (Missika, 2006), conjugués avec la crise de confiance envers l’information médiatique, ont pu laisser penser que les relations entre les journalistes de télévision et leurs publics s’appauvrissaient. Il n’en est rien, selon les études menées tant dans le champ académique (Dejean, Lumeau, et al., 2021) – qui révèlent que la télévision demeure le média dominant pour s’informer en France, sauf pour les grands consommateurs de réseaux socio- numériques – que dans celui de l’industrie médiatique (Laure Osmanian Molinero, « Télévision, internet et réseaux sociaux, radio : les Français mordus d’actualité », Audience le Mag, 20 avril 2002, Médiamétrie, https://www.mediametrie.fr/fr/television-internet-et- reseaux-sociaux-radio-les-francais-mordus-dactualite (consulté le 6 octobre 2022). En particulier, le rôle social du rendez-vous informationnel du journal télévisé du soir est toujours d’actualité mais il évolue. L’édition la plus récente de l’enquête sur les pratiquesculturelles des Français a révélé la permanence d’une appétence pour la consommation de l’information qui touche tous les âges (Lombardo, Wolff, 2020). Le baromètre Kantar-La Croix sur la confiance des Français dans les médias le confirme : alors qu’au début de l’année 2023 « plus de trois-quarts des Français déclarent suivre avec attention l’actualité » avec une place centrale accordée à la télévision pour cela, « 35 % de l’ensemble du panel interrogé, quel que soit l’âge, a affirmé regarder le JT au quotidien pour s’informer » ; des chiffres en hausse par rapport aux années précédentes (Scherer, 2023). Le poids de l’héritage familial en matière de pratiques médiatiques, a fortiori de visionnage du journal télévisé, contribue à maintenir la consommation de l’information à la télévision à un certain niveau quel que soit l’âge. Néanmoins, de nouveaux phénomènes émergent, parmi lesquels la multiplication des moyens d’information (Boyadjian, 2020) et la consommation, quotidienne pour certains, d’informations par les vidéos en ligne (Lombardo, Wolff, 2020). En particulier chez les 15-34 ans mais pas seulement, les réseaux socio-numériques constituent en effet une porte d’entrée vers l’actualité (Corroy, 2023), à travers des contenus d’informations aux origines floues pour une majorité d’usagers, mais provenant bien de plusieurs médias, dont la télévision.

Cet appel à articles a vocation à réunir deux types questionnements : l’un porte sur un éclatement des formats et des usages des informations dans le cadre de l’audiovisuel numérique ; l’autre est centré les mutations des formats et des pratiques d’information médiatique. Alors que les transformations des médias d’informations en ligne et du journalisme mobile ont été documentées (Lyubareva, Marty, 2022 ; Pignard-Cheynel, van Dievoet, 2019), les reconfigurations spécifiques de l’information télévisée ont encore été peu interrogées dans le champ académique.

L’analyse des reconfigurations de l’information télévisée peut être aussi une opportunité pour réinterroger les missions (de service public, d’information citoyenne, d’éducation à l’information) que se donnent les professionnels, ainsi que leurs représentations du public.

Les propositions d’article pourront concerner un ou plusieurs des quatre axes suivants. L’analyse de situations dans des pays autres que la France est bienvenue.

Axe 1. Tradition et innovation dans les formats et contenus de l’information télévisée

Le déploiement des contenus télévisés sur les espaces numériques bouleverse le journalisme de télévision autant que notre consommation d’informations télévisées. Face à un phénomène de fragmentation des publics, comment évoluent les stratégies éditoriales ? À quel renouvellement des mises en scène de l’information télévisée assiste-t-on ? Jusqu’où se déplacent les frontières traditionnellement établies entre information et spectacle dans les journaux télévisés (Jost, Spies, 2014) ? Quelle place occupe aujourd’hui les principes algorithmiques dans les choix éditoriaux ? Les contributions pourront contribuer à l’analyse des reconfigurations de l’information télévisée, à partir des grammaires et formats nouvellement adoptés ou à partir de l’hybridité des dispositifs observés, etc. Elles pourront également porter sur la place des formats traditionnels de l’information télévisée et la manière dont ceux-ci inspirent de nouveaux espaces numériques de diffusion de l’information.

Axe 2. Confrontation des anciens et des nouveaux acteurs

L’arrivée de la TNT et le développement de l’internet ont favorisé la multiplication et la diversification des sources et des formats d’information audiovisuelle : les chaînes d’information en continu, les infomédiaires, les pure players, les vidéos courtes d’information, les live interactifs, etc. Face à une situation aigue de concurrence liée à l’arrivée de nouveaux acteurs, les rédactions de télévision doivent relever au moins deux défis : d’une part, déployer leur offre sur les espaces socio-numériques , d’autre part, ré- affirmer leur spécificité et leur originalité en tant que producteurs et diffuseursd’information. Les services d’information à la télévision innovent en déplaçant leurs savoir- faire traditionnels (reportages, interviews, etc.) vers des espaces socio-numériques qui exigent des adaptations particulières. Quelles sont les stratégies mises en œuvre ? Quelles alliances se nouent entre les grands groupes ? Quels développements socio-économiques ? Quelles modalités de captation des marchés publicitaires ? Quels enjeux revêt dorénavant la mesure de l’audience sociale ? Comment les métriques se conjuguent-ils à la mesure traditionnelle de l’audience pour influencer la production de l’information ?

Axe 3. Diversification des publics et évolutions des pratiques

La multiplication des supports de diffusion a entrainé une évolution des imaginaires de la relation entre la télévision et ses publics. D’une part, l’autonomisation et l’émancipation des publics sont célébrées. D’autre part, la menace d’un rétrécissement de la pluralité des points de vue auxquels un individu est confronté, limitant ainsi son esprit critique, est mise en avant. Or, le déploiement des contenus d’information télévisée vers les plateformes (YouTube, Twitch, TikTok…) et vers d’autres espaces numériques (e.g. l’application « le JT personnalisé » de TF1) fait évoluer l’offre d’informations vers une personnalisation : des contenus d’information à la carte sont proposés aux publics, les relations entre l’information télévisée et ses publics se renouvellent autour d’un « tournant participatif » (Ségur, 2021).

L’idéal de communication est aujourd’hui étroitement associé à un imaginaire de la participation comme moyen du vivre-ensemble (Millerand, Proulx, Rueff, 2010), incarné à la télévision par la reconfiguration en ligne d’une télévision de rendez-vous (Rebillard, Noûs, 2021). Non seulement la télévision et ses déclinaisons numériques sont un domaine propiceà l’expression et à la consultation des publics, mais les téléspectateurs sont mis à contribution pour participer à la co-construction des programmes d’information, par exemple en posant des questions et en réagissant par l’envoi de sms ou de tweets (cf. les dispositifs #Le20Hvousrépond et #Onvousrépond dans les journaux télévisés de TF1 et France 2). Cette situation est particulièrement observée dans le renouvellement des mises en scène du politique, où la participation des téléspectateurs fait office de consultation des citoyens (Leroux, Riutort, 2013). Les déclinaisons numériques des médias d’information télévisés proposent des espaces collaboratifs de discussions qui contribuent à nourrir l’idéal d’une production collaborative de l’information. De quelles manières la personnalisation, l’identification et la participation des publics sont-elles devenues des priorités pour les producteurs d’information ? Comment se conjuguent les attentes des téléspectateurs en faveur d’une proximité des informations et le dépassement de celles-ci ?

Axe 4. Mutations des professions de l’information et organisation des services

Les mutations caractéristiques du domaine de l’audiovisuel numérique questionnent aussi les pratiques et les identités professionnelles de ceux qui font l’information. Quel ethos se manifeste au sein des rédactions des chaînes d’information en continu, des journaux télévisés et des magazines d’information ? Comment, par exemple, évoluent les caractéristiques professionnelles revendiquées par les JRI, qui ne semblent plus avoir l’exclusivité du format vidéo d’information ? Quelle réorganisation observe-t-on au sein des services de l’information au sein des télévisions ? Comment se négocient les codes conventionnels du journalisme de télévision ?

Modalités de soumission

Les articles de 24 000 à 35 000 signes environ (espaces compris) sont à adresser à la coordinatrice du dossier, pour le 02 octobre 2023 à l’adresse suivante : celine.segur@univ-lorraine.fr

Les normes à respecter pour la rédaction des articles sont précisées au sein de la rubrique « soumettre » de la revue.

Les propositions seront soumises à des évaluateurs.trices selon le principe du « double aveugle ».

Calendrier

2 octobre : Réception des articles (version intégrale, V1)

15 janvier 2024 : Réponse aux auteurs.trices

4 mars 2024 : Réception de la version amendée (V2) des articles 30 mars : Processus de révision éditoriale

Septembre 2024 : Publication

Bibliographie

Beuscart, Jean-Samuel ; Beauvisage Thomas ; Maillard Sisley (2012), « La fin de la télévision. Recomposition et synchronisation des audiences de la télévision de rattrapage », Réseaux, n° 175, p. 43-82.

Boyadjian, Julien (2020), « Désinformation, non-information ou sur-information ? Les logiques d’exposition à l’actualité en milieux étudiants », Réseaux, n° 222, p. 21-52. Chambat-Houillon, Marie-France ; Barthes Séverine (dirs) (2019), « Mutations de la télévision », Télévision, n° 10.

Châteauvert Jean ; Delavaud, Gilles (dirs) (2016), D’un écran à l’autre, les mutations du spectateur, Paris : Éd. L’Harmattan.

Corroy, Laurence (2023), « Pour s’informer, les jeunes ont-ils délaissé les médias traditionnels ? », The Conversation France, 29 mars, [en ligne], consulté le 16 mai 2023.

Coutant, Alexandre ; Stenger, Thomas (2012), « Les médias sociaux, une histoire de participation », Le Temps des médias, n°18, p. 76-86.

Dejean, Sylvain ; Lumeau, Marianne ; Peltier, Stéphanie ; Peters, Lorreine (2021), « La consommation d’informations en France. Quelle place pour la télévision ? », Réseaux, n° 229, p. 43-74.

Jost, François ; Spies, Virginie (2014), « L’information à la télévision, un spectacle ? », Revue française des sciences de l’information et de la communication, n° 5, [en ligne], consulté le 16 mai 2023, https://doi.org/10.4000/rfsic.1123.

Jost, François (2019), « Extension du domaine télévisuel », Télévision, n° 10, p. 17-31. Kredens Elodie ; Rio Florence (dirs) (2015), « Pratiques télévisuelles à l’ère du numérique », Études de communication, n° 44.

Leroux, Pierre ; Riutort, Philippe (dirs) (2013), « Renouvellement des mises en scène télévisuelles de la politique », Questions de communication, n°24, [en ligne], consulté le 16 mai 2023.

Lombardo, Philippe ; Wolff, Loup (2020), « Cinquante ans de pratiques culturelles en France », Culture Études, n° 2, p. 1-92.

Lyubareva, Inna ; Marty, Emmanuel (dirs) (2022), « Vingt-cinq ans d’information en ligne : une exploration des transformations structurelles des médias », Les enjeux de l’information et de la communication, n° 23.

Millerand, Florence ; Proulx, Serge ; Rueff, Julien (dirs.) (2010), Web social. Mutation de la communication, Montréal : Presses de l’université du Québec.

Missika, Jean-Louis (2006), La Fin de la télévision, Paris : Éd du Seuil.

Pignard-Cheynel, Nathalie ; van Dievoet, Lara (dirs) (2019), Journalisme mobile. Usages informationnels, stratégies éditoriales et pratiques journalistiques, Bruxelles : De Boeck Supérieur.

Rebillard, Franck. ; Noûs Camille (dirs) (2021), « Télévision : industrie et programmes », Réseaux, n° 230.

Scherer, Eric (2023), « Baromètre Kantar-La Croix : la confiance des Français dans les médias remonte », [en ligne], consulté le 16 mai 2023.

Ségur, Céline (2015), « L’étude des publics de télévision en SIC. Quelle évolution conceptuelle ? », Revue française des sciences de l’information et de la communication, n° 7, [en ligne], consulté le 16 mai 2023, https://doi.org/10.4000/rfsic.1462.

Ségur, Céline (2021), « Le participatif à la télévision en France. L’expression ambivalente d’un projet démocratique », Recherches en communication, n°52, p. 9-31.

Spies, Virginie (dir.) (2014), « La télévision et après : vers le transmédia », Télévision, n° 5, p. 11-130.