Revue Française des Sciences de l’Information et de la Communication

Les publics des musées et institutions culturelles à l’ère du numérique

Réponse attendue pour le 30/06/2022

Type de réponse Résumé

Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Revue Française des Sciences de l’Information et de la Communication

Coordinateurs

Argumentaire

L’étude des publics de la culture, terme protéiforme traduisant la pluralité des phénomènes étudiés ainsi que la diversité des méthodologies mobilisées, regroupent l’ensemble des travaux portant sur la réception des expériences culturelles.
À cet égard, les réflexions développées par Frédéric Gimello-Mesplomb (2015) placent les études de publics à la croisée des SHS et proposent différentes approches : l’études des collectifs d’individus ou de communautés et leur mode d’engagement dans les actions (la sociologie des publics), la définition des publics et de leurs pratiques à travers les caractéristiques des objets pour lesquels ils ont prouvé un attachement (les SIC), ou encore l’analyse des affects et des phénomènes de perception (la psychologie sociale). Or, le déploiement des technologies de l’information et de la communication dans le champ de la culture vient brouiller ces frontières poreuses entre les disciplines et permet ainsi de faire dialoguer des concepts tels que les publics en ligne, les communautés, les audiences ou les usagers.
En se concentrant plus spécifiquement sur les publics des musées et établissements patrimoniaux, l’objet de cet appel à communication est de mettre en exergue la richesse des travaux en SIC qui s’intéressent à ces questions ainsi que la pluralité des méthodes d’analyse (qualitatives ou quantitatives) portant sur les publics de ces organisations culturelles à l’ère du numérique.
Ce dossier s’inscrit ainsi dans la continuité du n° 16 de la revue de la SFSIC publié en 2019 et dont la thématique portait sur le renouvellement des formes de médiation muséale permis par les technologies et supports numériques. En passant des outils et récits proposés par ces institutions à leur réception par les publics, il s’agit ainsi de se saisir de l’ensemble des modifications induites par l’expansion des pratiques numériques au sein de l’environnement de travail des professionnels de la culture (Tardy et Renaud, 2015 et 2016 ; Andreacola, 2020).

En ce qui concerne plus précisément l’étude des publics, la tradition de la recherche épistémique a tout d’abord été marquée par les travaux séminaux de Pierre Bourdieu (1969) qui s’est employé à démontrer l’inégalité de l’accès à la culture pour situer la pratique culturelle dans une perspective de la domination. Par la suite, le mouvement des cultural studies a marqué un tournant dans l’analyse des publics de la culture et en particulier les recherches de Michel de Certeau qui s’est attaché à considérer la réception comme un moment clé de la production de contenu culturel ou informationnel pour placer le récepteur comme un acteur actant du processus de co-construction de sens.
Ces travaux constituent encore aujourd’hui des piliers épistémiques solides pour l’étude des pratiques culturelles médiées par le numérique. La récente étude publiée en juillet 2020 par le Ministère de la culture, « Cinquante ans de pratiques culturelles en France », révèle de fait un essor considérable des pratiques numériques ces dix dernières années. Cette étude note par exemple que pour les jeunes générations, les pratiques numériques sont devenues majoritaires, au détriment des médias historiques, tandis que les baby-boomers conservent un engagement fort dans les activités culturelles en matière de lecture ou de fréquentation de lieux muséaux… De même, si les jeunes continuent à sortir et à fréquenter des lieux culturels, il n’en demeure pas moins que les activités culturelles médiées par le numérique sont des pratiques culturelles majoritairement observées chez les jeunes.
Au- delà de cette étude, les travaux sur les pratiques culturelles reposant sur l’usage d’outils et de dispositif numériques, pointent les hybridations observables entre les univers culturels et les identités des publics, leurs rapports diversifiés à la culture, aux objets numériques comme aux contenus culturels créatifs (Culture et Recherche, n° 134, hiver 2016-2017). Ces mutations profondes ont fait émerger une pluralité d’approches méthodologiques et ont démontré l’intérêt de prendre en compte la notion de « contexte de réseaux de sociabilité » (Thévenin 2015).

Du côté des institutions culturelles, les travaux pionniers de Joëlle le Marec (2007) ont montré que les visiteurs (des musées, des bibliothèques) sont des publics experts dont parfois, les acteurs de terrain sous-estiment la sensibilité à la dimension politique et institutionnelle. La chercheuse considère ainsi les pratiques culturelles comme des activités socialement situées et propose d’étudier ces sociabilités à partir de la notion de composite définie comme un processus dynamique qui situe l’étude des publics dans une approche plurielle allant de la sémiotique, aux études de réception ou encore la sociologie des publics.
Cette notion de sociabilité gagnerait par ailleurs à être confrontée au concept de formes de vie (Fontanille, 2015) en ce sens que les pratiques culturelles individuelles ou collectives reposent sur l’appropriation de représentations construites dans le continuum de notre vie et relèvent de plusieurs types de sociabilités : une sociabilité primaire (l’héritage familial) ainsi que des sociabilités secondaires (la capacité à investir des pratiques à partir des expériences de vie ou des prédispositions construites dans l’environnement relationnel). La mise au point de Jacqueline Eidelman, Hana Gottesdiener et Joëlle Le Marec sur la construction des carrières et identités des visiteurs est également mobilisable pour mieux saisir l’appropriation par ces derniers des propositions numériques faites, en leur nom, par les organisations culturelles (2013).

De même, l’approche du design des expériences de vie, au sens de (Leleu-Merviel, Schmitt, Useille, 2018), souligne la nécessité d’intégrer les pratiques des individus dans la conception d’expériences impliquant des dispositifs numériques ou non. L’expérience de l’individu est alors considérée au-delà des seuls usages pour anticiper la complexité des pratiques des publics à partir, le plus souvent, d’une démarche de recherche-action. Ainsi, les pratiques culturelles médiées par le numérique peuvent être appréhendées comme une expérience conjointe spectateur / utilisateur avec l’œuvre, avec les personnes qui participent à sa réception et s’analysent en prenant en compte les multiples interactions comme les représentations situées socialement qui interviennent aussi bien avant, pendant et après une visite de musée ou une venue au spectacle.

À la croisée de ces cadres épistémiques, cet appel à communication vous permet de proposer des études empiriques ou heuristiques pour questionner les pratiques des publics (audiences, publics amateurs, professionnels de la culture, en ligne ou in situ, etc.) sous différents angles :

  • Interroger les pratiques numériques des publics de la culture en termes d’accès, de partage, d’enrichissement des œuvres comme des contenus culturels numériques et décrypter les rôles assignés aux publics – critiques, experts, influenceurs, communautés de fans, co-créateurs, etc. – dans la promotion et la diffusion de contenus culturels.

  • Observer les pratiques différenciées ou conjointes sous l’angle générationnel (jeunes publics, séniors) et questionner la segmentation des publics pratiquée par les managers d’institutions ou de services culturels afin d’orienter la conception de dispositifs culturels numériques.

  • Étudier la dimension transformative des médiations opérées par les objets culturels numériques sur l’expérience et le comportement de consommation culturelle en interrogeant, par exemple, les nouvelles formes de sociabilités composites impulsées par ces dispositifs ou en analysant la place faite aux expériences sensibles en contexte immersif.

  • Analyser l’apport des dispositifs numériques pour l’accès à la culture des publics empêchés ou éloignés et proposer plus largement un retour critique sur les politiques publiques, qui font la part belle aux appels à projets, accompagnant la transformation numérique des activités culturelles.

  • Interroger l’imaginaire numérique des professionnels de la culture (professionnels des institutions culturelles ou encore concepteurs de contenus culturels créatifs) et étudier l’intégration, au sein d’établissements patrimoniaux, de ces nouveaux modèles d’affaires issus des industries culturelles et marqués par leur vulnérabilité face à des technologies et des pratiques en constante évolution.

  • Analyser comment la situation sanitaire que nous vivons a conduit les institutions culturelles à repenser à de nouvelles propositions éditoriales qui hybrident médiations en ligne et situées et qui vont peut-être donner lieu à des actions plus ou moins pérennes.

Calendrier

  • 30 juin : envoi des résumés
  • 30 juin – 30 août : réponse aux auteurs
  • 30 août – 30 novembre : envoi du texte complet
  • 30 novembre – 30 décembre : expertise des articles
  • 30 décembre – 15 janvier : finalisation des articles
  • 1er mars 2023 : dépôt du dossier auprès de la revue

Modalités de soumission

Les résumés (env. 5000 signes, espaces compris et hors bibliographie), en français ou en anglais, seront adressés à

avant le 30 juin 2022, pour évaluation en double aveugle par le comité scientifique de la revue (http://rfsic.revues.org/206).

Pourront être proposés aussi bien des articles à visée épistémologique et théorique que des propositions étayées par des recherches empiriques. Seront privilégiés la clarté et la précision du propos.

Pour les normes, se référer à celles de la revue : https://rfsic.revues.org/401.

Comité scientifique

  • Cristina BADULESCU, Université de Poitiers
  • Jessica DE BIDERAN, Université de Bordeaux Montaigne
  • Valérie-Inès DE LA VILLE, Université de Poitiers
  • Mirela LAZAR, Université de Bucarest
  • Camille JUTANT, Université de Lyon 2 Lumières
  • Julie PASQUER-JEANNE, UCO Bretagne Sud
  • Marta BONI, Université de Montréal

Bibliographie

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