Interfaces numériques

Les impasses de la communication face au risque des technologies numériques

Médiations médiatiques, scientifiques, didactiques

Mis en ligne le

Réponse attendue pour le 31/08/2023

Type de réponse Résumé

Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Interfaces numériques

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La revue Interfaces numériques lance un appel à contributions pour un dossier intitulé « Les impasses de la communication face au risque des technologies numériques – Médiations médiatiques, scientifiques, didactiques » sous la direction d’Eleni Mitropoulou.

Présentation

Cet appel à communication pour Interfaces Numériques invite à réfléchir à la non opérationnalité des messages d’information et leur médiatisation face aux risques, tels que ces derniers sont identifiés par les pouvoirs publics et pris en compte par les médias.

Il s’agit plus particulièrement de risques liés aux modes contemporains de consommation, tels ceux de la technologie numérique et des énergies actuelles. Parmi les nombreux risques identifiés, nous interpellons tout particulièrement ceux pointés par le sixième rapport du Giec (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat des Nations unies), diffusé en mars 2023 par le Ministère de la transition énergétique. Il consiste en un état des lieux scientifique sur les connaissances concernant l’évolution du climat, ses causes et ses impacts.

Des émissions de gaz à effet de serre à l’aggravation des risques climatiques ou non, le rapport confirme leur lien avec nos comportements, entre autres, l’usage de la voiture, de l’avion, la gestion des déchets, de l’eau … et leur impact sur la température globale, le déplacement/l’extinction d’espèces, les allergies, … proposant des solutions et attirant l’attention sur les menaces pour le bien-être humain et la santé de la planète.

Si nous savons qu’en termes de pollution numérique, les risques sont éventuellement moins importants lors des usages que lors de leur production, il est toutefois utile d’interroger nos pratiques puisque celles-ci engagent les enjeux de la production lorsque, par exemple, on change régulièrement voire souvent de téléphone portable, lorsqu’on envoie ou stocke des centaines de sms, e-mails, photos ou/et vidéoslorsqu’on active le gps en permanence, lorsqu’on met en fonctionnement les applications …. Les risques liés à ces usages et leurs enjeux environnementaux, sociaux, médicaux, font l’objet de messages médiatiques croissants dans les différentes sphères et différents niveaux de la communication, institutionnelle, journalistique, publicitaire, préventive, communautaire, organisationnelle. Peut être cité en exemple le très récent Journal télévisé Météo Climat de France 2, censé traiter d’un point de vue informationnel de l’urgence climatique. Des campagnes de prévention aux publicités en passant par les reportages (autant de genres médiatiques aux objectifs communicationnels différents), on s’empare des risques, des comportements à risque, du savoir préalable (ECO, 1972) et des encyclopédies (ECO, 1984) d’une culture sensible, dorénavant, au risque.

Les messages d’information sur le risque, caractérisés par toute une série d’intentions, politiques, médiatiques, commerciales ou autres circulent dans les médias et puisent leur légitimité dans un fait attesté ; la planète qui va mal. Ce mal étant désormais clairement attribué au faire de l’anthropocène d’où résulte une techno-planète tissée de techniques et d’artefacts (Pignier, 2017) dont les risques, pourtant, demeurent à l’état d’identification. Car, selon notre hypothèse, ces messages ne parviennent pas à modifier nos manières de faire (De Certeau, 2008). S’ils parviennent à ériger un système de valeurs propre au risque, désormais perçu et qui doit être énoncé, ils n’ont pas d’effet sur les pratiques à risque. Il en va de même pour les médias sociaux-numériques qui peuvent être les vecteurs de pratiques environnementales risquées. Les « shorts » de YouTube, les « réels » d’Instagram ou encore les « TikTok », favorisent la viralité sur la fast fashion par exemple (une autre pratique avérée risquée mais galopante) ; or, viralité rime avec surconsommation médiatique. Aussi, le sixième rapport du Giec pointe non seulement la non diminution de gaz à effet de serre mais son augmentation mondiale régulière depuis 1960.

Si à l’évidence, les raisons et les enjeux de la situation énergétique, de la consommation contemporaine des technologies et de l’état des risques sont socialement complexes et politiquement opaques, nous souhaitons focaliser sur le rôle des médias de communication et de leurs messages face aux risques actuels. Quel acteur et quel actant constitue la communication médiatique pour nos pratiques face au risque ? Quel serait le rôle des médias impliqués dans la circulation des informations, sur nos modes de vie en écho avec le risque ? Dans l’exemple de « Météo Climat de France 2 » cité précédemment, on peut souligner qu’à la fin de l’émission on propose au téléspectateur de se rendre sur le site internet de France 2 pour avoir plus d’informations, de suivre le hashtag climat #OnVousRépond sur franceinfo.fr ou encore de scanner un QR code pour un échange questions/réponses. Par conséquent, la chaîne engage tout un processus de consommation médiatique que l’on dit, haut et fort, polluante, dans le cadre d’une émission télévisée créée pour … dénoncer la pollution. Puisque « le » risque est visible dans les médias et si plusieurs conditions sont nécessaires pour que ceux-ci jouent un rôle face au risque (Rouquette & Bihay, 2022), un cadrage communicationnel de la cohésion/cohérence (Maingueneau, 1996) face au risque semble échapper.

Cette situation serait-elle le fruit d’une forme d’a-communication (Wolton, 2019) ? Car ce questionnement peut se rapprocher de la rupture liée aux relations compliquées entre information, culture, communication et connaissance et plus globalement du principe que toute communication se nourrit d’incommunications (Franck Renucci, Thierry Paquot, 2019). S’agit-il peut-être du principe d’ambivalence (Ellul, 1988) appliqué à la communication : celle-ci, comme la technique, a des atouts en même temps que des failles. Ou alors, moins fataliste, consisterait-elle en une des inventions de la communication, tel que peut l’être le développement vert (Libaert, 2010) ?

On peut s’interroger sur l’existence d’espaces de négociation (et alors lesquels ?) entre risques et pratiques. Aussi, parmi les nombreuses dimensions sensibles que cette situation met en perspective, nous interrogeons celles qui relèveraient de la communication, celles qui seraient de son essor.

On peut se demander si, tout compte fait, nous ne retenons pas exclusivement dans nos pratiques que ce qu’il nous arrange : recycler les déchets mais voyager à l’autre bout du monde (sachant que c’est bien frustrant de ne pas pouvoir le faire puisque le monde est fait pour être découvert) ; consommer les fruits de la région, mais commander en ligne l’électroménager, à l’étranger ; se déplacer à vélo mais se faire livrer les courses ; recycler les vêtements ou utiliser une application de revente (Beyaert, 2021) et engager les transports qu’elle nécessite ; ne plus noter sur papier une adresse mais se faire envoyer l’information par sms ; prendre le train plutôt que la voiture (ou co-voiturer) mais cumuler les visio-conférences ; regarder et écouter films et musiques en streaming. Ce qui n’empêche pas d’être attentif à privilégier les dispositifs utilisant les fréquences de la téléphonie classique comme un court sms, moins polluants que ceux du réseau internet comme le e-mail. Mais s’agit-il pour autant des paramètres signifiants pour nos pratiques ou simplement des informations bonnes à savoir et qu’il faut d’ailleurs chercher par soi-même ? Cette sorte d’appropriation individualisée d’un greenwashing, serait-elle l’effet direct ou indirect d’une certaine défaillance de la communication au sujet du risque ?

En parallèle, ainsi que l’énonce le clip de la campagne actuelle sur nos écrans « Je baisse, j’éteins, je décale » dans le cadre du programme de sobriété énergétique, on serait un bon usager lorsqu’on réduit, coupe ou reporte la consommation électrique ou quand on privilégie l’achat d’un véhicule électrique qui met en perspective, pourtant, la production nucléaire.  Moins récent mais toujours diffusé, le message publicitaire de la fillette excédée par les usages de ses parents, valide la figure de l’enfant tout puissant et moralisateur (non sans écho avec la posture de dénonciation de Greta Thunberg), selon une communication fondée sur la sanction négative face au risque.

Ces quelques faits caractéristiques de notre culture médiatique occidentale sont loin de couvrir le spectre des comportements face aux risques dont nous reconnaissons, pourtant, les enjeux. Aussi, il s’agit dans ce dossier d’interroger également les pratiques médiatiques qui font croire qu’elles œuvrent pour le bien-être de tel ou tel écosystème, en écho avec d’autres pratiques médiatiques qui prônent qu’une autre façon de communiquer, de manger, de travailler, de voyager, de se vêtir, de transmettre, …. une autre façon de penser et de rythmer sa vie par la consommation s’impose. Si cette consommation raisonnée est actée, si cette posture sociétale est désormais visible, omniprésente dans les discours sociaux notamment médiatiques qu’en est-il des risques quand, en parallèle, les publicités incitent de changer de téléphone portable à chaque nouveau modèle de technologie numérique ? Qu’en est-il des risques quand une émission télévisée alerte sur les risques du numérique mais est sponsorisée par une application de vente en ligne ?

Quelles seraient alors les carences médiatiques face au risque et quelles pourraient être les réponses cohérentes de la communication sur le risque ? Pourquoi la communication sur les risques n’opère pas sur les pratiques mais, ponctuellement, sur des usages ? S’agit-il, peut-être, d’un phénomène de sur-communication et de méta-communication sur le risque qui ferait que trop de communication nuit à la relation ? Ou serait-ce l’absence d’information (car nous connaissons déjà les risques) qui rend la communication médiatique inopérante ?

Si nous connaissons et nous reconnaissons le type de risque que nous prenons selon la composition de nos assiettes, selon la consommation de l’énergie en général et des technologies de la connexion (Dacheux, 2023) en particulier, nous ne semblons pas capables de changement significatif pour faire face au risque. Que ce soit inutile de changer, car trop tard selon certains ou pas nécessaire selon les climatosceptiques, le fait est là : modifier son comportement face au risque marque les messages informationnels mais modifier effectivement son comportement en réponse au risque n’est toujours pas d’actualité si on lit les résultats du rapport Giec de mars 2023.

Malgré une mobilisation générale de l’information et de la communication, malgré la pression des discours sociaux, les pratiques, elles, persistent : on prendrait de plus en plus l’avion, les croisières en paquebot ne désemplissent pas (pendant que le spot publicitaire actuel nous dit qu’on veille à réfléchir pour les rendre plus durables), on se nourrirait tellement mal que l’obésité gagne du terrain à grande vitesse et selon Insee en 2021, 77 % de la population âgée de 15 ans et plus possède un smartphone. Or, les aspects économiques de notre consommation ne jaillissent pas : il a toujours été polluant de voyager et plus coûteux de se procurer de produits de qualité ou à la mode.

Aussi, l’information et la communication médiatiques pour le moins piétinent sinon échouent. Pourquoi, le processus de communication ne parvient-il à modifier le système de valeurs en place (Mitropoulou, 2020) mais plutôt (au mieux) altérer une partie des valeurs du système ? La communication sur un sujet sensible oscillerait-elle entre deux faits : de visibilité sociale du risque et d’incohérence médiatique sur le risque ? Des institutions aux productions médiatiques variées, informent via plusieurs supports de façon irrationnelle : les municipalités par exemple, d’une part communiquent actuellement par voie d’affichage sur leurs économies en énergie (tels les abribus qui ne sont plus éclairés la nuit), d’autre part elles installent des panneaux numériques géants pour diffuser les informations municipales. Sans manquer de culpabiliser le public sur son propre effort en matière d’énergie, l’invitant à des échanges socio-numériques et aux conférences grand public dispensés par des scientifiques, en ligne.

En parallèle, au cœur de la problématique des pratiques risquées se trouvent également plusieurs projets scientifiques, pilotés notamment par les sciences de l’information et de la communication en communication sensible qui fait l’objet d’études croissantes (Libaert & Allard-Huver, 2014). Ces projets de recherche s’appliquent à circonscrire, à quantifier, à qualifier, à interpréter notre rapport aux écosystèmes, aux risques ainsi que nos attentes d’un monde à venir, plus sûr, responsable, durable, ou encore meilleur. Au vu de ces études, la modification opère-t-elle ? Le développement croissant et la persévérance dans le montage de tels projets régionaux, nationaux, internationaux, de petite ou de très grande envergure, autant par le nombre et le coût de financements que par les moyens humains mobilisés, seraient-ils les indices remarquables d’un échec de la communication (et de l’information) plutôt que d’une amélioration de la recherche en communication et en information qui, par extension, améliorerait l’efficacité des messages sur les risques de la consommation ?

Ces risques et leurs enjeux interpellent enfin les formations en communication, car dans cette problématique informationnelle et communicationnelle du risque se trouvent également impliqués les spécialistes en communication, formés au sein des SIC notamment (et qui sont en général des consommateurs avérés et avertis des technologies énergivores), censés assurer le relais informationnel et communicationnel. Le présent appel voudrait voir se développer cet aspect en insistant sur les réseaux qui permettent la circulation d’informations et dont les gestionnaires peuvent être considérés, ou pas, comme responsables de ce qui y transite (Regalbuto, 1996) et de comment il se pratique. Quel savoir-faire, disciplinaire, et quel savoir-être (Fortin, Leclerc & Parent, 2011) pour former en communication dans cette circulation ? Au vu des sondages en matière de professionnels de la communication (Catellani, Domenget & Le Moing, 2017), quelle crédibilité et quelle confiance peuvent être accordées aux messages de communication quand il s’agit des risques ?

Si nous émettons l’hypothèse que la communication ne fonctionne pas face au risque nous espérons toutefois recevoir des propositions qui prouveront le contraire. Les contributions peuvent être animées par les questionnements suivants :

  • Quels besoins, quelles stratégies pour informer et communiquer face au risque ?
  • Quelles solutions en matière d’information et de communication peuvent être considérées comme effectives et efficientes face aux risques ?
  • Comment les médias de communication positionnent-ils le public face au risque ?
  • Quels enjeux et quelles perspectives pour l’avenir des formations en communication, très centrées actuellement sur les technologies numériques, en écho avec les risques ?
  • Quid de l’éthos de la communication, censée sensibiliser au risque et proposer des solutions ?

Organisation scientifique

La réponse à cet appel se fait sous forme d’une proposition livrée en fichier attaché (nom du fichier du nom de l’auteur) aux formats rtf, docx ou odt. Elle se compose de deux parties :

  • Un résumé de la communication de 4 000 signes maximum, espaces non compris, comprenant : titre, sous-titre et mots-clés ; type de démarche de recherche mise en œuvre et cadre théorique ; problématisation développée ; annonce détaillée d’un plan prévisionnel d’ensemble ; principaux résultats à présenter et/ou conclusions majeures à proposer ; orientations bibliographiques principales.
  • Une courte biographie du (des) auteur(s), incluant titres scientifiques, le positionnement scientifique (la discipline dans laquelle le chercheur se situe), la section de rattachement.

Le fichier est à retourner, par courrier électronique, pour le 31 août 2023, à eleni.mitropoulou@uha.fr

Un accusé de réception par mail sera renvoyé.

Calendrier prévisionnel

  • 20 mai 2023 : lancement de l’appel à articles ;
  • 31 août 2023 : date limite de réception des propositions ;
  • À partir du 15 septembre 2023 : avis aux auteurs des propositions ;
  • 1er novembre 2023 : date limite de remise des articles ;
  • 1er novembre 2023 au 1er janvier 2024 : expertise en double aveugle, navette avec les auteurs ;
  • 15 février 2024 : remise des articles définitifs ;
  • Avril 2024 : sortie du numéro.

Modalités de sélection

Un premier comité de rédaction se réunira pour la sélection des résumés et donnera sa réponse en septembre 2023.

L’article complet devra être mis en page selon la feuille de style qui accompagnera la réponse du comité (maximum 25 000 signes, espaces compris). Il devra être envoyé par courrier électronique avant le 1er novembre 2023 en deux versions : l’une entièrement anonyme et l’autre nominative.

Un second comité international de rédaction organisera une lecture en double aveugle des articles et enverra ses recommandations aux auteurs au plus tard début janvier 2024.

Le texte définitif devra être renvoyé avant le 15 février 2024.

Les articles qui ne respecteront pas les échéances et les recommandations ne pourront malheureusement pas être pris en compte.

Interfaces Numériques est une revue scientifique reconnue revue qualifiante en Sciences de l’Information et de la Communication sous la direction Nicole Pignier et de Benoît Drouillat.
Présentation de la revue classée par l’HCERES (Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) : https://www.unilim.fr/interfaces-numeriques/

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