Argumentaire
On l’a vu récemment avec la Colombie (et l’accord consécutif aux négociations entre le gouvernement et la guérilla des FARC à Cuba), l’Espagne (et l’abandon de la lutte armée par l’ETA), et auparavant avec l’Irlande du Nord et son processus de paix dans les années 1990, ou bien encore avec la Nouvelle-Calédonie et les accords de Matignon : tôt ou tard, les expériences de violence politique s’achèvent, plus ou moins durablement, plus ou moins intégralement, qu’il s’agisse de guerre civile, de terrorisme, de guérilla, ou encore de révolution.
Dans certains cas, la sortie de la violence résulte de la victoire militaire, ou policière, d’un camp sur un autre. Dans d’autres, qui sont ceux auxquels se réfère le présent appel, elle ne se comprend pas sans l’intervention d’un tiers, qui peut relever de la diplomatie d’un État, d’une ONG, ou de toute autre organisation, religieuse, humanitaire par exemple, voire d’individus qui ont œuvré au montage d’un compromis (plus ou moins définitif), par un travail plus ou moins visible de médiation.
Il faut d’emblée insister sur l’importance de ce dernier terme que nous souhaitons distinguer de celui de négociation, peut-être plus balisé et formel, en particulier dans les théories des relations internationales (science politique, sociologie politique des relations trans-nationales). Médiation et négociation pourraient pourtant très bien être confondues. Ces deux processus peuvent en effet se rejoindre et se compléter, mais il nous semble pourtant, à la lecture des nombreux travaux de philosophie politique, d’éthique, de médiation pénale, de politiques publiques, etc., que ces deux termes se distinguent nettement par leur nature.
La négociation est sûrement un procédé plus directif, stratégique, formel, bâti en fonction d’intérêts objectifs en présence. Elle implique un rapport de pouvoir plus ou moins institutionnalisé et vise a minima à imposer une alternative quitte à employer la menace et la force (en diplomatie par exemple). La médiation se fonderait plutôt sur la volonté plus périphérique de permettre aux acteurs d’un conflit d’entamer un travail réflexif, d’inviter les un(e)s et les autres à se parler, à se mettre en position psychologique d’entente, à s’accorder. Dans les deux configurations, le rôle du tiers n’est pas le même, du moins nous semble-t-il.
Paradoxalement, on en sait peu sur la mécanique complexe de ces dynamiques de médiation le plus souvent cachées et donc invisibles au travail d’observateurs scientifiques. Ainsi, la préparation d’un compromis peut impliquer l’intervention préalable de médiations internes à chaque camp, ou entre ces derniers. Quels sont concrètement les espaces (intermédiaires, officiels, non officiels, réseaux d’amitiés, familiaux, affectifs, etc.) d’où émergent des processus de médiation, où agissent des réseaux, des acteurs plus ou moins organisés ?
À quelles temporalités répondent ces médiations ? Longues, courtes ? A quel moment du processus interviennent ces médiateurs ? Est-on en mesure d’en savoir un peu plus sur les origines sociales et les identités de ces artisans de la désescalade ?
On pourra également s’intéresser aux dispositifs matériels de médiation – par exemple aux dispositifs judiciaires, de paroles, d’échanges, disons officiels, mais également à des formes émergentes de médiations, notamment culturelles.
Ainsi, si l’on s’intéresse logiquement aux processus ouverts, lisibles, manifestes, on pourra envisager de rendre compte, si cela est possible, de phénomènes d’évitement, de défection, d’esquive et de ruse qui atténuent les antagonismes en place et neutralisent la polarisation. Quelle est la meilleure position pour permettre à des médiateurs collectifs ou individuels de favoriser un accord, qui entraînera éventuellement un désengagement ?
Le résultat de ce processus plus ou moins ouvert peut transformer un camp en un acteur politique, qui aurait fait le choix soit de ne pas utiliser la violence alors qu’il le pourrait, soit d’abandonner le recours aux armes après s’être engagé dans la violence de façon plus ou moins durable.
Mais il peut aussi revêtir l’allure d’une dissolution (parfois au prix de scissions internes), ou d’une auto-dissolution, d’une organisation ayant eu recours à la violence. Peut-on en savoir davantage sur de telles décisions et leurs justifications matérielles, stratégiques, cognitives ou morales ?
Dispose-t-on de sources orales, historiographiques ou autres, permettant de mieux saisir les calculs, les raisons qui poussent des acteurs à choisir de telles options ? Cela fait également partie des préoccupations de ce dossier.
Un processus de sortie de la violence peut aussi échouer, à l’image des accords d’Oslo, signés en 1993 aux États-Unis entre Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine, mais n’ayant pas pour autant permis d’aboutir à la paix. Quelles sont les raisons qui expliqueraient objectivement de tels échecs et les défaillances du travail de médiation ?
Les articles de ce futur dossier pourront envisager une expérience précise, ou un ensemble d’expériences comparées. Ils pourront porter sur un acteur donné : une organisation ayant fait le choix d’abandonner la lutte armée, un État médiateur, une ONG humanitaire spécialisée dans ce type de médiation, un groupe voire un individu central ; ou encore se pencher sur un aspect particulier, comme l’émergence de conjectures nouvelles, du fait des pressions de l’opinion publique, d’institutions et d’organisations internationales par exemple, ou du fait de tout autre changement politique, économique, ou sociétal.
Une dimension comparative sera bienvenue, dans le temps ou dans l’espace. Enfin, tout article se devra de mettre en dialogue des éléments empiriques et des considérations théoriques, même si un article peut être plutôt théorique, ou plutôt empirique.
Présentation de la revue
Violence : An international journal, une nouvelle revue
La violence sous toutes ses formes constitue aujourd’hui un vaste domaine de recherche dans le champ des sciences humaines et sociales.
Il n’en va pas de même pour la prévention et la sortie de la violence qui relèvent d’un espace peu structuré, où les connaissances sont plus empiriques que théorisées, et produites par des acteurs de terrain (ONGs, associations), des experts ou des professionnels bien plus que par des chercheurs en sciences humaines et sociales.
Violence : An international journal veut rassembler et faire vivre une large communauté internationale de chercheurs, de professionnels et de praticiens, autour de deux enjeux scientifiques et intellectuels complémentaires, mais distincts : l’analyse de la violence, dans ses diverses expressions et métamorphoses, et celle de la prévention et de la sortie de la violence.
Violence : An international journal a donc pour projet, tout en développant la compréhension de la violence, de faire de la sortie et de la prévention de la violence un véritable domaine de recherche, avec ses apports et ses débats.
La revue veille également à articuler la recherche en sciences humaines et sociales à d’autres champs de la connaissance et de la réflexion. Elle tisse des liens particuliers avec les milieux artistiques et littéraires.
Violence : An international journal est une revue biannuelle intégralement en anglais, publiée par les Éditions de la Maison des sciences de l’homme et Sage Publishing.
Recommandations
Votre article doit être accompagné d’un résumé, d’une bibliographie détaillée, ainsi que d’une courte biographie. Il devra compter entre 5,000 et 8,000 mots (notes de bas de page, bibliographie et biographie incluses). Chaque article devra également être envoyé, de préférence, au format Word, et employer, systématiquement, le mode de référencement du système Harvard, comme suit :
Livre Clark JM and Hockey L (1979) Research for Nursing. Leeds : Dobson Publishers.
Chapitre de livre
Gumley V (1988) Skin cancers. In : Tschudin V and Brown EB (eds) Nursing the Patient with Cancer. London : Hall House, pp. 26–52.
Article de revue
Huth EJ, King K and Lock S (1988) Uniform requirements for manuscripts submitted to biomedical journals. British Medical Journal 296(4) : 401–405.
Site Internet
Website National Center for Professional Certification (2002) Factors affecting organizational climate and retention. Available at : www.cwla.org./programmes/triechmann/2002fbwfiles (accessed 10 July 2010).
Article de presse
Clark JM (2006) Referencing style for journals. The Independent, 21 May, 10.
Il vous est demandé de porter une attention particulière à la qualité de l’écriture, de sorte que votre article puisse être accessible à un lectorat plus large que celui du monde académique.
Pour contribuer à la revue Violence : An international journal, merci d’envoyer un article entièrement rédigé.
Calendrier
Les articles destinés à rejoindre le dossier « La médiation dans la sortie de la violence politique » devront être envoyés avant le 30 septembre 2021.
Vous pouvez cependant envoyer des articles pour la section varia tout au long de l’année.
Soumission des articles
Pour soumettre un article à la revue Violence, que ce soit pour le dossier thématique « La médiation dans la sortie de la violence politique », ou pour la section varia, merci de nous envoyer votre contribution via la plateforme de la revue : https://mc.manuscriptcentral.com/violence
Pour toute question concernant le processus de soumission ou sur la revue, merci d’écrire à Charlotte Groult : cgroult@msh-paris.fr