Revue Réseaux

La culture au prisme des émotions

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Réponse attendue pour le 01/04/2023

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Nom de la publication Revue Réseaux

Coordinateurs

  • Delphine Chedaleux
  • Kevin Diter

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Alors que les affects, émotions et sentiments sont au cœur de la vie des individus et au centre de la plupart de leurs activités culturelles et de loisirs – que ce soit à travers les thématiques des livres, des films ou des séries qu’ils lisent, écoutent et regardent, ou dans les effets que produisent la lecture, l’écoute et le visionnage de leurs œuvres préférées –, en France, les recherches sur les liens entre culture et émotions demeurent relativement marginales (Albenga, 2019, Chedaleux et al., 2020 ; Détrez, 2011, 2020 ; Hennion, 2004, 2007 ; Pasquier, 1999 ; Leveratto, 2000, 2010). Si la question des émotions est présente dans de nombreux travaux de sociologie de la culture (Combes et Glévarec, 2021 ; Glévarec, 2010 ; Mauger, Poliak et Pudal, 2010 ; Octobre et al., 2010 ; Péquignot, 1991a), c’est souvent de façon oblique ou « en creux », lorsqu’est questionnée la construction des goûts et des dégoûts (et la discipline émotionnelle socialement située qui l’accompagne), mais aussi lorsque les chercheur·es s’intéressent à la « passion », « l’engagement », ou à « l’inclinaison » pour telle ou telle pratique artistique, ludique ou culturelle. Ce faisant, les émotions ne sont pas ou peu investiguées en tant qu’objet central de recherche en sociologie de la culture. On ne sait rien ou presque de leurs genèses et de la place qu’y occupent les objets et les pratiques culturelles et artistiques, pas plus que nous ne savons la manière dont la joie, l’amour et la peur, l’amitié, la honte, le mépris participent à la socialisation culturelle. Les rares enquêtes qui ont établi et minutieusement décrits les liens entre culture et émotions se sont concentrées sur des publics « dominés » (comme les femmes, les enfants, les classes populaires, etc.) en se concentrant sur des « petits » objets, perçus et pensés comme « illégitimes » – tels que les romans à l’eau de rose, la pop, les sitcoms ou encore les séries télévisées (Pasquier, 1995, 2010, 2021 ; Pequignot, 1991b ; Maigret, 1995, 1999). Ce trait peut d’autant plus attirer l’attention qu’Outre-Manche et Outre-Atlantique, nombreux et anciens sont les travaux qui questionnent les relations entre culture, d’un côté, et affects, sentiments et/ou émotions de l’autre, comme en témoignent les nombreuses enquêtes des Cultural Studies portant sur la réception ou sur les fandoms, encore peu ou pas traduites en Français (voir par exemple Ang, 1982 ; Bobo, 1995 ; Hobson, 2002 ; Jenkins, 2012 ; McRobbie, 1978, 1994 ; Mitchell et Reid-Walsh, 2007 ; Radway, ; Skeggs et Wood, 2011 ; Paasonen, 2011).

En Asie, les liens entre émotions, sentiments et culture sont de plus en plus interrogés et apparaissent au cœur de certains travaux, rassemblés dans le cadre de la revue Culture & Empathy (pour un aperçu en Français de ces travaux, voir Kim et Oh, 2019).

Ce dossier de Réseaux entend interroger les liens que les individus établissent avec la culture (entendue dans son sens anthropologique) au prisme des émotions. Plus précisément, il souhaite articuler quatre types de questionnements complémentaires :

 

  1. Comment définir (et distinguer) les émotions et les sentiments ? Comment les étudier, à partir de quelles épistémologies et méthodologies, en recourant à quel(s) type(s) de matériaux ?
  2. Que font les pratiques, objets et goûts culturels aux sentiments et aux émotions, de quelle manière les façonnent-ils, voire les encadrent-ils en diffusant des règles/normes spécifiques – selon les propriétés sociales des individus et les contextes dans lesquels ils vivent ?
  3. À l’inverse, que font les émotions aux répertoires culturels des un·es et des autres, et notamment à la formation des goûts et des dégoûts pour certaines œuvres, pratiques, usages, registres ou activités ? L’affection que porte l’individu à ses « autrui significatifs » ne serait-elle pas la raison pour laquelle la socialisation est « efficace », comme le suggéraient Berger et Luckmann lorsqu’ils affirmaient que la socialisation primaire était la plus forte, notamment parce qu’elle était portée par les personnes les plus proches de l’enfant (qui prenaient soin de lui/d’elle) ?
  4. Enfin, que font les affects et émotions culturels aux trajectoires des individus : constituent- ils des ressources ou des formes de capital ? Si ce sont des ressources, dans quelles conditions peuvent-elles être converties en capitaux et quelle est la convertibilité de ces capitaux émotionnels et sentimentaux dans d’autres champs sociaux ? Et quels sont leurs effets en termes de catégorisation et de mobilités sociales ?

Calendrier prévisionnel

  • Nous vous demandons d’adresser au secrétariat de rédaction (aurelie.bur@enpc.fr) pour le 1er avril 2023 la première version de votre article.
  • Vous trouverez plus d’informations, notamment les consignes aux auteurs sur le site de la revue : http://www.revue-reseaux.fr/
  • La publication du dossier est prévue fin 2023.

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