Revue « Socio-Anthropologie »

Faire et être avec les éléments

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Informations éditées à partir d’une annonce Calenda.

Réponse attendue pour le 01/12/2022

Type de réponse Résumé

Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Revue « Socio-Anthropologie »

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Argumentaire

« Faire et être avec les éléments » prend le parti d’interroger les éléments à l’échelle des corps et des dispositifs techniques associés. Il s’agira alors de s’intéresser à la rencontre entre des corps et des éléments, sans présager ni du nombre de ces derniers, puisqu’il varie selon les sociétés – pour Bachelard (1953/1972) la dimension quaternaire serait d’abord « le résultat de sourdes rationalisations » (p. 42) –, ni de leurs déclinaison, intensité ou combinaison. Les éléments seront considérés ici moins comme les catégories d’une classification, que Gilbert Durand (1969/1985) trouvait par trop étriquée pour l’étude des structures anthropologiques de l’imaginaire, que comme point de départ. L’intention est de rendre compte d’activités concrètes, sans les réduire aux représentations des éléments, mais qui engagent des sujets sociaux dans des relations dont nous faisons l’hypothèse ici qu’elles sont particulières à ceux-ci.

La thématique des éléments n’est pas récente : les représentations de la composition élémentaire du monde nourrissent de très anciennes philosophies, médecines, cosmologies, des conceptions de l’humanité et des liens que les êtres humains entretiennent avec la nature. L’actualité d’un tel objet réside toutefois dans le fait que les éléments continuent d’éclairer la façon dont nous pensons nos liens à celle-ci (Engelmann et MacCormack, 2021). Dans ce vaste champ de questionnement qu’anthropologie, sociologie, géographie, histoire, sciences politiques, humanités environnementales, ou philosophie se partagent, ce numéro fait le choix de rendre compte de la spécificité des engagements corporels, des expériences intimes et sensibles à l’environnement, de la place des dispositifs matériels et techniques dans la rencontre avec les matières élémentaires, des savoirs et savoir-faire impliqués, dans la mesure où, ensemble, ils questionnent la terrestrialité des êtres humains.

  1. Des expériences sensibles

Les liens aux éléments sont plus ou moins médiés. La présence ou l’absence de ce qu’il est possible d’appeler un introducteur pluri-circonstanciel en langue française (sous, en, au, dans) devant un élément (terre, air, feu, eau, etc.) traduit à la fois une localisation (où est le sujet ?), un point de vue (Ingold, 2012) et un type particulier de relations gouverné par l’articulation des caractéristiques de l’élément, des êtres humains et de leurs actions. Ainsi, les mineurs travaillent sous terre, les potières la travaillent, les agriculteurs la labourent, les pompiers, appelés également « soldats du feu » vont au front, les rebouteuses lèvent ou barrent le feu, les pilotes sont en l’air, nous le respirons, les scaphandrières interviennent dans l’eau, les surfeurs sur l’eau, nous la buvons. Sans se limiter au monde du travail, les propositions pourront s’interroger sur les différents types d’engagements sensoriels, affectifs, cognitifs, moteurs, à l’œuvre dans la rencontre avec les éléments et la façon dont les processus vitaux sont concernés (voir, parmi l’abondante littérature sur l’air et la respiration, Russell et Oxley, 2020).

  1. Des dispositifs matériels et techniques

Les techniques ont pu, à l’échelle des sociétés humaines, accompagner la maîtrise des éléments et leur transformation, bien souvent en énergies, à travers barrages, éoliennes, canaux d’irrigation, réseau d’égouts, assèchement des marais, matières ignifugée, etc., au service de ce qui a été considéré comme un progrès de l’Homme sur la nature et, dans le même temps, une domination sur les autres. Elles ont également participé à attribuer des valeurs aux éléments, permis le passage des « eaux mortes en eaux vives » (Manceron, 2017), alors que les dimensions bénéfique ou maléfique du feu (Ermisse, 1992), de l’air, de l’eau, de la lumière et de leur circulation, par exemple chez les hygiénistes (Dias, 2016), ne vont pas de soi. Qu’est-ce que, dans ce contexte où les éléments se chargent d’enjeux politiques, sociaux, religieux, économiques, les techniques, et plus généralement la culture matérielle, font aux pratiques, aux corps, au mouvement (Corbin, 1982) ? Comment les dispositifs matériels et techniques (et lesquels) sont mobilisés, si ce n’est incorporés, dans la rencontre avec les éléments ? Quelle est leur place dans l’articulation entre corps, dont les processus vitaux, et éléments ?

  1. Savoir et savoir-faire avec les éléments

Il en est de l’air, de la terre, de l’eau, du feu, comme du sable (Boulay, 2013) : ils mobilisent, pour les travailler, s’en protéger, les maîtriser, ou simplement être (avec), un ensemble de savoir et de savoir-faire. Comment se construisent ces savoir-faire ? En quoi consistent les apprentissages ? S’agit-il de comprendre les éléments, de les décrypter, de s’en imprégner, de les fuir ? Et « par où ça passe ? », pour reprendre l’expression de Rennesson et Grimaud (AUU, 2022), notamment à propos des géobiologues ? Comment ces expériences sont-elles transmises et apprises ? Selon quelles modalités de partage, dans quels espaces, avec quels acteurs et actrices ? Comment les rencontres avec les matières élémentaires impliquent-elles aussi un travail sur soi, des « technologies du sujet » (Warnier, 2009) ? Comment les savoirs sur les éléments et les savoir-faire avec peuvent-ils participer de la construction de dispositions sensibles aux environnements (Pillon, 2012), à la création d’un sens marin ou sous-marin (Rosselin-Bareille, 2019), sous-terrain, aérien, un sens du feu ?

Ces trois axes pourront également alimenter une réflexion sur l’intérêt méthodologique à entrer par les éléments et les suivre pour accéder aux phénomènes, en rendre compte et les analyser. À partir de matériaux empiriques, les propositions sont libres de concerner des domaines aussi variés que la santé, la magie, la religion, le travail, la science, l’art, le sport, l’habitat, l’alimentation, avec des approches disciplinaires, pluridisciplinaires ou interdisciplinaires.

Modalités de soumission

  • Une intention argumentée d’environ 5 000 signes (espaces et notes comprises) est attendue pour le 1er décembre 2022.
  • Elle précisera l’objet et le questionnement de recherche, les données et la méthodologie mobilisées, comme les enseignements tirés, afin de faciliter le travail d’arbitrage.
  • Elle doit être adressée à la coordinatrice du numéro : Céline Rosselin-Bareille (celine.rosselin-bareille@univ-orleans.fr).
  • La notification des propositions pré-sélectionnées sera envoyée aux auteurs et autrices le 15 décembre 2022.
  • La remise des textes rédigés (entre 25 000 et 40 000 signes) est fixée au 15 avril 2023.
  • La V2 après évaluation des articles en double aveugle est attendue pour le 1er juillet 2023.
  • La parution du numéro « Faire et être avec les éléments » aura lieu en novembre 2023.

Coordinatrice scientifique

  • Céline Rosselin-Bareille, maîtresse de conférences en anthropologie sociale à l’Université d’Orléans

Bibliographie indicative

Ambiances Architectures Urbanités (2022), Des énergétiques : interventions d’Emmanuel Grimaud et Stéphane Rennesson [Podcast], Canal-U. https://www.canal-u.tv/131999. (Consultée le 7 septembre 2022).

Bachelard G. (1953/1972), Le matérialisme rationnel, Paris, PUF.

Boulay S. (2013), « Habiter ou “faire avec” le sable », Techniques & Culture, 61, p. 76-99, Vivre le sable ! Corps, matière et sociétés.

Corbin A. (1982), Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social, XVIIIe – XIXe siècles, Paris, Flammarion.

Dias N. (2016), « Les sens et la circulation des éléments au XIXe siècle », Hermès, 74, La voix des sens, p. 50-56.

Durand G. (1983), Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod.

Ermisse G. (dir.) (1992), Le Feu, Terrain, 19.

Glowczewski B. (2021), Réveiller les esprits de la Terre, Bellevaux, Dehors.

Gras A. (2007), Le choix du feu. Aux origines de la crise climatique, Paris, Librairie Arthème Fayard.

Ingold T. (2012), « Culture, nature et environnement », Tracés, 22, Ecologiques, Enquêtes sur les milieux humains. DOI : 10.4000/traces.5470 SMASH.

Manceron V. (2017), « L’eau des étangs : gaz ou fluide ? », Techniques & Culture, 68, Mondes infimes, p. 26-47.

Meulemans G. (2019), « Fonder les villes : comment les terrassiers comprennent le sol », Communications, 105(2), Vivants sous terre, p. 149-159.

Moricot C., Rosselin-Bareille C. (2021), « Quand des hommes respirent sous l’eau et volent dans l’air : entre cultures matérielles et incapacités naturelles », Techniques & Culture, 75, Abîmes, abysses et exo-mondes, p. 136-149.

Neale T., Phan T., Addison C. (2019), « An Anthropogenic Table of Elements » Theorizing the Contemporary, Fieldsights, 27, https://culanth.org/fieldsights/series/an-anthropogenic-table-of-elements-1.

Papadoulos D., Puig de la Bellacasa M., Myers N. (dir.) (2021), Reactivating elements. Chemistry, Ecology, Practices, Durham and London, Duke University Press.

Pillon T. (2012), Le corps à l’ouvrage, Paris, Stock.

Rosselin-Bareille C. (2019), « “Pas envie d’être enterré vivant !ˮ. De l’hostilité chez les scaphandriers Travaux Publics », Communications, 105(2), Vivants sous terre, p. 119-129.

Rouget G. (1990), Esquisse d’une théorie générale des relations de la musique et de la possession, Paris, Gallimard.

Russell A, Oxley R. (dir.) (2020), Interdisciplinary Perspectives on Breath, Body and World, Body and Society, 26.

Warnier J.-P. (2009), « Les technologies du sujet », Techniques & Culture, 52-53(2-3), Technologies, p. 148-167.

Wateau F. (2012), « À fleur d’eau : synthèse », https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00738230/document.

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