Sur le journalisme

Engagements et réflexivité

Mis en ligne le

Réponse attendue pour le 01/02/2024

Type de réponse Contribution complète

Type de contribution attendue Article

Nom de la publication Sur le journalisme

Coordinateurs

  • Roselyne Ringoot, Université Grenoble Alpes, France
  • Catherine Quiroga, Université Toulouse III - Paul Sabatier, France
  • Lise Ménalque, Université libre de Bruxelles, Belgique
  • Mariana Fagundes Ausani, Université de Brasilia et Université de Rennes, Brésil

Ce numéro de revue s’inscrit dans la continuité du colloque « Journalisme et combat » tenu à Bordeaux en décembre 2022 dans le cadre des Rencontres internationales des recherches sur le journalisme. Il se situe plus précisément dans le sillage de la journée consacrée aux « combats des chercheur.es en journalisme », qui a succédé à la journée dédiée au journalisme saisi en tant que « profession de combats ».

Cet appel à article vise plus particulièrement la thématique de l’engagement des chercheur·es qui travaillent sur des objets et des terrains journalistiques, en les invitant à questionner les normes, les pratiques et les méthodes de recherche mises en œuvre dans leurs études sous-tendues par – ou confrontées à – leurs engagements. Au-delà des problématiques générales sur la place des sciences sociales dans la société ou du rôle politique et de la responsabilité sociale des universitaires, il s’agit de faire émerger et d’interroger ce qu’il y a de particulier dans l’engagement des chercheur.es en journalisme. Les études de cas pourraient alors porter sur différents traits spécifiques et circonstanciels caractérisant les chercheur.es en journalisme et leurs engagements. Divers facteurs tels que la trajectoire en recherche, le vécu personnel, la construction de l’objet empirique journalistique peuvent être considérés, ainsi que le choix de l’approche et du thème de recherche, ou encore, l’adoption d’une posture militante, la gestion des enjeux politiques du sujet d’étude ou son éventuelle politisation.

Nous souhaitons ainsi amener les contributeurs et contributrices à proposer une réflexion sur leur positionnement de chercheur·es (posture savante, experte, engagée, militante, méthode d’observation neutre ou impliquée…) et à creuser les formes et les modalités de l’exercice réflexif portant sur leur engagement dans la recherche et vis-à-vis de leur objet journalistique. De même que les outils des sciences sociales sont à la fois des ressources mais aussi des instruments pour la construction et la compréhension de l’objet d’étude, l’engagement des chercheur·es peut être perçu par elles et eux autant comme un atout (il permet de toucher au plus près le monde social1 étudié) qu’un désavantage pour la recherche (il faut pouvoir se distancier de son expérience du réel).

Plusieurs théories et travaux pourront être mobilisés de manière critique, à titre d’exemple, afin de questionner les postures des chercheur·es : l’épistémologie de point de vue ou les savoirs situés de Harding (1992) et Haraway (2007) ; les épistémologies féministes, et la question de la subjectivité de la recherche, avec notamment les travaux de Flores Espinola (2012) ou de Steiner (2021) ; l’approche constructiviste, avec les travaux classiques de Bourdieu (1987), mais aussi de Neveu (2003), de Delforce (2004) et de Frère et Jacquemain (2008) ; ou encore l’engagement en sciences sociales et plus particulièrement en journalisme, avec les travaux de Stengers et Schlanger (1989), et les liens entre journalisme et sciences sociales (Bastin, 2016). La dimension objectivante du concept interactionniste de carrière permettra, par exemple, de mettre en œuvre la « ficelle » de l’objectivation comme pratique de dévoilement (Becker, 2002), et de se centrer sur les positions successives occupées à l’intérieur d’un monde dans une perspective dynamique et processuelle.

Cet appel à articles concerne donc les chercheur.es quelle que soit la phase ou l’étape de la recherche concernée (émergente, intermédiaire, consolidée), qui ont la volonté de problématiser les rapports entre engagement (voire militance) et recherche sur le journalisme et mettre en perspective leurs travaux sous l’angle de la réflexivité et de leur engagement. Ce questionnement en pose un autre en filigrane, à savoir celui des potentielles coopérations, démarcations ou tensions entre les chercheur.es sur le journalisme et les journalistes dans le cadre d’engagements et combats partagés ou non. Comment les un.es et les autres s’engagent pour une cause commune (par exemple dans le cas d’un travail académique étudiant la couverture journalistique d’une mobilisation sociale) tout en élaborant des frontières construisant des légitimités distinctives. Ou, a contrario, dans le cas d’engagements antagonistes. Les trois pistes proposées sont susceptibles de s’appuyer sur ces interrogations transversales en les déclinant selon des orientations spécifiques.

Double posture ?

Afin d’analyser les spécificités des chercheur·es en journalisme, quelques pistes pourront être explorées : la concurrence entre les discours des chercheur·es et des professionel·les du journalisme, notamment sur des questions de réflexivité ; les normes des chercheur·es issues d’expériences professionnelles antérieures (dans le journalisme ou non) ; la question du militantisme et de l’engagement des chercheur·es en journalisme dans l’espace public et médiatique et plus largement de la place du métier de chercheur·e en journalisme dans la société ; les conditions de travail des chercheur·es en journalisme et leur place dans la recherche scientifique (selon leur âge, leur statut, etc).
Processus, évolution, étapes du travail scientifique, parcours de recherche
Nous proposons de penser l’engagement des chercheur·es comme un processus dynamique, en évolution constante et nous invitons à interroger les postures lors des différentes étapes autour desquelles s’articule la recherche : la construction de l’objet d’étude, le choix, l’accès et la relation au terrain, la démarche méthodologique, le récit et la narration de la recherche, le travail de médiation et de médiatisation de la production scientifique. Les évolutions potentielles desdites postures tout au long des trajectoires pourront également être mises en lumière, de même que l’imbrication ou la différenciation des carrières de militant·es et de chercheur·es.

Cadres et modalités de l’engagement

Ce numéro sera ainsi l’occasion de s’intéresser aux engagements actuels que l’on peut repérer dans différents thématiques et courants de recherche : études des innovations dans le journalisme numérique, études des discours des opprimé·es et de la pauvreté cadrés par le journalisme, études du journalisme participatif et des publics, approches féministes et intersectionnelles, cadrages des questions climatiques… Il s’agit également d’aborder les modalités d’engagement adoptées par les chercheur·es. On observe en effet la légitimation de certains terrains, objets et méthodes de recherche qui délimitent les contours de ce qui peut ou doit être considéré comme du journalisme, à travers des mouvements de rétraction ou d’extension des frontières du journalisme, notamment vis-à-vis de pratiques communicationnelles ou militantes.

Références bibliographiques

Bastin, G. (2016). “Le journalisme et les sciences sociales. Trouble ou problème ?”, Sur le journalisme, About journalism, Sobre jornalismo [En ligne], Vol 5, n°2 – 2016, mis en ligne le 26 décembre 2016.

Becker, H. S. (2002). Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales, Paris : Editions La Découverte & Syrros.

Delforce, B. (2004). “Le constructivisme : une approche pertinente du journalisme”, Questions de communication, (6), 111-134.

Flores Espínola, A. (2012). “Subjectivité et connaissance : réflexions sur les épistémologies du ‘point de vue’”, Cahiers du Genre, 53, 99-120.

Frère, B., & Jacquemain, M. (2008). “Fonder ou représenter : de l’apriorisme et du constructivisme en sciences sociales”, Épistémologie de la sociologie, 11-28.

Garfinkel, H. (2001). “Le programme de l’ethnométhodologie”, in L’ethnométhodologie : Une sociologie radicale, La Découverte, Paris, pp. 31–56.

Haraway, D. (2007). “Savoirs situés : la question de la science dans le féminisme et le privilège de la perspective partielle”, Manifeste cyborg et autres essais, Exils Editeurs, Paris, 107-143.

Harding, S. (1992). “Rethinking Standpoint Epistemology : What is ‘Strong Objectivity’ ?” The Centennial Review, 36(3), 437–470.

Le Cam, F., & Pereira, F. (2016). “Interroger les normes des chercheurs en journalisme – Introduction”, Sur Le Journalisme, About Journalism, Sobre Jornalismo, 5(2), 16–20. Consulté à l’adresse https://revue.surlejournalisme.com/slj/article/view/263

Morrissette, J., Guignon, S. & Demazière, D. (2011). De l’usage des perspectives interactionnistes en recherche. Recherches qualitatives, 30(1), 1–9. https://doi.org/10.7202/1085477ar

Neveu, É. (2003). “Recherche et engagement : actualité d’une discussion”, Questions de communication, (3), 109-120.

Steiner, L. (2021). “A Feminist Ethics for Journalism”, in Ward S.J. (eds) Handbook of Global Media Ethics, Springer.

Stengers, I., & Schlanger J.E. (1989). “Introduction”, in Les concepts scientifiques. Invention et pouvoir, Paris : Gallimard, 9-28.

Consignes de soumission

  • La date limite pour soumettre les manuscrits complets (compris entre 30 000 et 50 000 signes, incluant notes de bas de page et références bibliographiques) est le 1er février 2024 à slj@ulb.be ou directement sur le site : https://revue.surlejournalisme.com/slj/about/submissions.
  • Les manuscrits peuvent être écrits en anglais, français, portugais ou espagnol
  • Les articles sont évalués en double-aveugle.

 

 

Mots-clés