Réemplois contemporains du film amateur / Les réseaux sociaux, un réservoir d’images pour le réemploi ?

Réponse attendue pour le 25/04/2024

Type de réponse Résumé

Type d’événement Colloque

Coordinateurs

Contacts

Dates de l’événement
  • Du au , 9h-18h

Lieu de l’événement Nice 06000, France

Le colloque international « Les réseaux sociaux : un réservoir d’images pour le réemploi ? » se tiendra à Nice les 21 et 22 novembre 2024. L’AAC est en ligne.

Présentation

Afin de poursuivre la réflexion interdisciplinaire menée dans le cadre du programme REC.forward sur les Réemplois contemporains du film amateur, une troisième édition sera focalisée sur les gestes de réemploi qui puisent leur matériau dans les contenus audiovisuels amateurs produits et diffusés sur Internet, au gré des échanges qui caractérisent la vie numérique sur les réseaux sociaux, sa dynamique conversationnelle (Gunthert, 2020 ; Allard, 2014) et ses relations “instrumentées” (Compiègne, 2014). Cette problématique permet de poursuivre, en ciblant cet espace spécifique de création et de diffusion aux contextes socio-numériques divers, le questionnement engagé sur les acteurs, intentionnalités et contextes de réappropriation du film amateur (colloque 2022), mais également sur les enjeux mémoriels de leur réemploi contemporain (colloque 2023).

Le concept de “réemploi” tel que nous l’envisageons désigne toutes les pratiques – esthétiques, plastiques, documentaires, autobiographiques, musicales, visuelles, historiographiques, analytiques, informationnelles, etc. – qui s’appuient sur la réappropriation d’images animées amateures pour produire de nouveaux contenus, porteurs de leurs propres intentionnalités, dans des formes et formats revisités. En tant qu’espace caractérisé par une circulation exponentielle de contenus audiovisuels produits et autoproduits par les non- professionnels et usagers du Net (Rahaman & Tan, 2011), le Web constitue de fait un vaste espace d’archivage et de partage de ces matériaux qui en favorise la reprise dans des œuvres “secondes”.

Les vidéos amateures en ligne, vernaculaires (cf. Zabunyan, 2017, Lune Riboni, 2016), s’inscrivent dans la continuité du cinéma amateur et du film domestique du XXe siècle : récits personnels et familiaux, témoignages sociétaux et communautaires, fictions de soi et des autres, captations d’événements collectifs… Ces images contemporaines se chargent par ailleurs de nouvelles dimensions ou ambiguïtés propres à leur contexte de production et de diffusion numérique. Elles exposent un “intime paradoxalement partagé” (Lenay et Rasmi, 2019) dans un espace privé/public (cf. Berliner, 2022). Par ailleurs, les outils de captation et de postproduction mis au service des usagers brouillent progressivement la frontière entre artiste, amateur et professionnel (Odin, 1999 ; Hernández López, 2020). Mais encore, la réception de ces images est souvent tributaire de logiques marchandes propres aux plateformes de sociabilité et à l’évolution/transformation en leur sein des modalités d’expression et de régulation (Burgess et Green, 2018).

Les contextes qui président au réemploi de ces films amateurs en ligne en modifient les enjeux culturels, sociaux et sociétaux, les modalités techniques, expressives et communicationnelles, les intentionnalités premières et plurielles. Ce sont ces multiples déplacements/recadrages qu’il s’agira d’interroger selon des domaines et des modalités de réemploi très divers. Par exemple, les témoignages audiovisuels in situ d’événements collectifs, euphoriques ou traumatiques, repris par les médias, mettent en lumière la place de l’image amateure numérique dans le champ informationnel (Cornu, 2013, Rigoni, Theviot et Bourdaa, 2015, Motrescu-Mayes & Aasman, 2019, Sapio, 2019), mais aussi dans la construction de récits ou contre-récits médiatiques (et transmédiatiques) qui les réemploient, avec des intentions variées.

La spécificité de ce matériau premier permet d’interroger la reprise, critique ou persuasive, d’opinions, de témoignages, d’informations et de discours, en circulation dans différents espaces socio-numériques, ouvrant potentiellement à des mobilisations collectives et alternatives (Haegel, 2009). Ces phénomènes ont différents effets sur l’action publique (Blaquer et Sintomer, 2011), au prisme des conceptions et tendances de la démocratie électronique (Dahlberg, 2011), dont les rapports de force tendent à se modifier. Ce geste de décontextualisation / recontextualisation permet de repenser plus globalement les enjeux éthiques d’un espace numérique social (Millerand, Proulx, et Rueff, 2010) et d’un potentiel nouvel ordre informationnel et communicationnel horizontal et mobile (Loveluck, 2015). Ce phénomène permet d’interroger le devenir-archive, sur le web, de ces nouvelles images amateures : le geste de réemploi peut être envisagé comme le redoublement de phénomènes de médiation et de patrimonialisation au centre des usages contemporains du numérique (Musiani & Schafer, 2017, Merzeau, 2013). Ce nouveau champ de réflexion permet ainsi de questionner le contexte digital d’une mise en archive généralisée des images et de leur accessibilité/visibilité, dans le cadre d’un web sémantique et algorithmique (Domino et Dallet, 2017 ; Mabi, 2021), révolutionné par l’irruption de l’IA.

Enfin, cette réflexion permet d’interroger les nouveaux récits contemporains dans le champ de la création visuelle, leurs contraintes et innovations formelles (Bras et Saget, 2022), leurs modalités narratives propres aux travaux de « seconde main » (Blümlinger, 2013), ainsi que leurs enjeux éthiques. Plusieurs travaux de réappropriation composites et hétérogènes construisent en effet un « post-cinéma » (Galibert-Laîné & Hernández López, 2022), travaillé par les nouvelles pratiques de Net Found Footage et les modalités de réappropriation par la “mise en film” (Papillon, 2021) des archives amateures puisées sur Internet. Ces initiatives, pour lesquelles le montage constitue “le lieu de l’écriture filmique et d’actualisation de multiples potentialités de l’image” (Olcèse, 2018), confère une nouvelle puissance à ces images premières, même si, dans le contexte numérique, la légitimité du réemploi doit en permanence être interrogée, comme le rappelle Jaimie Baron (2021) dans son ouvrage au titre emblématique : Reuse, Misuse, Abuse.

Ainsi, le contexte du réemploi de films amateurs en ligne suppose-t-il de redéfinir les cadres de création et de circulation de ces objets seconds, d’un point de vue légal, éthique, narratologique, esthétique, critique… D’une manière générale, ce recentrement théorique sur les travaux de réemploi de matériaux numériques amateurs permet de mobiliser plusieurs champs disciplinaires (Sciences de la communication et de l’information, Anthropologie visuelle et sociale, Sociologie du numérique, Études cinématographiques et visuelles, Esthétique, Histoire contemporaine, Narratologie, Études urbaines et Sciences politiques) dans le contexte élargi des Humanités numériques.

Quelques pistes, non exhaustives, autour desquelles pourront se construire les propositions :

  • La conception d’œuvres (plastiques ou audiovisuelles, fictionnelles ou documentaires, artistiques ou communicationnelles…) à partir de vidéos amateures glanées sur le Web, leurs intentionnalités et leurs enjeux ;
  • L’émergence de nouveaux genres ou formats issus d’un geste de réemploi ;
  • La réappropriation de contenus amateurs ayant déjà fait l’objet de reprise, partage et commentaire, exploitant leur potentiel polysémique, phénomène propre aux flux socio-numériques et à leur dimension polyvocale ;
  • Les gestes de réemploi qui accompagnent des intentions d’archivage et/ou de préservation sur le web d’images animées amateures
  • Le réemploi automatisé proposé par les IA et les intentionnalités algorithmiques qui l’accompagnent ;
  • Les questions éthiques, politiques, psychologiques, sociologiques qui traversent l’ensemble de ces approches

Ce colloque international accueillera des chercheurs et chercheuses, mais aussi des artistes, archivistes, ou autres professionnel.les engagé.es dans des démarches de réemploi.

Les actes du colloque donneront lieu à une publication.

Les propositions de communication prendront la forme d’un résumé de 5000

caractères environ, et d’une brève présentation personnelle. Elles devront

être envoyées avant le 25 avril 2023, par email, à l’adresse suivante :

reemploi.film.amateur@laposte.net

 

Ce colloque est organisé par le LIRCES (Laboratoire Interdisciplinaire Récits, Cultures et Sociétés). Il est financé par le LIRCES, l’EUR CREATES, le Comité Scientifique Incitatif d’Université Côte d’Azur, l’Académie 5 « Homme, idées, milieux » (IDEX UCAJEDI), le Comité Doyen Lépine de la Ville de Nice.

Comité d’organisation :

Bruno Cailler (LIRCES)

Aloïs Deras (LIRCES)

Frédérique Lambert (LIRCES)

Guglielmo Scafirimuto (LIRCES)

Sophie Raimond (LIRCES)

Christel Taillibert (LIRCES)