Femmes, genre et numérique : où est le problème ?

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Informations éditées à partir d’une annonce Calenda.

Réponse attendue pour le 05/06/2021

Type de réponse Résumé

Type d’événement Journée d’étude

Contacts

Dates de l’événement
  • Du au

Lieu de l’événement Faculté d'Informatique, 21 rue Grandgagnage , Namur 5000, Belgique

Argumentaire

Depuis plusieurs décennies, le constat reste le même : on compte peu de femmes informaticiennes, que ce soit dans les études, les formations et les métiers de l’IT. Où sont les informaticiennes dans les pays occidentaux ? Alors que les débuts de la profession étaient marqués par une relative parité, force est de constater que sa masculinisation est évidente, s’aggravant même depuis le début des années 2000. Le constat est similaire dans les études supérieures en Informatique. Comment expliquer cette absence ?

Plusieurs hypothèses sont avancées dans la littérature : d’abord, les effets de la division socio-sexuée des savoirs (Mosconi 1994, Collet & Mosconi 2010) qui poussent les filles à choisir des filières orientées sur la relation, le soin et la communication ; ensuite,  les représentations masculines associées aux métiers de l’informatique (Collet 2006, Le Douarin 2007, Turkle 1988), à l’instar des figures du nerd, du hacker ou du geek, qui performent une masculinité centrée à la fois sur la technicité des machines et le pouvoir conféré par l’objet tout-puissant qu’est l’ordinateur, capable d’auto-engendrement, entraînant des effets d’homosocialité.

Par ailleurs, on pourrait aussi faire l’hypothèse que les informaticiennes qui affirment avoir effectué leur choix d’étude de manière « normale », l’ont fait en estimant être à la fois capables et intéressées par l’informatique. Elles ne prendraient conscience de leur « particularité » qu’une fois dans les auditoires. Leur choix semble donc guidé par des critères liés à leurs compétences et intérêts, non par des critères de genre. Or une lecture genrée de ce type de choix pourrait suggérer qu’un choix « dé-genré » est en réalité le signe de ce que constitue l’un des pans de la masculinité, c’est-à-dire se présenter comme neutralisé et universel (« l’informatique, c’est pour tout le monde, et donc pour moi aussi »).

Face à ce phénomène de masculinisation de l’informatique, de nombreux acteurs institutionnels ont tâché de trouver des solutions, travaillant sur de multiples campagnes de sensibilisation dont l’objectif est d’attirer les filles dans les études en informatique. Les campagnes s’adressent tant aux jeunes filles du secondaire qu’à des femmes désireuses de réorientation professionnelle. Malgré les efforts fournis, les femmes ne rejoignent la profession qu’au compte-goutte…

Parallèlement à ce qui apparaît comme une pénurie, force est également de constater que les technologies numériques elles-mêmes sont « genrées », c’est-à-dire embarquent, dès leur conception, des biais de genre (mais aussi de classe, de race, de validisme et d’âgisme). On peut prendre l’exemple des assistants vocaux comme l’illustration concrète de la reproduction des biais androcentriques : alors qu’au début, ils peinaient à reconnaître les voix féminines, car d’abord entraînés avec les voix de leurs concepteurs, essentiellement masculins ; on remarque aujourd’hui que certains optent pour une voix féminine, reproduisant ici le fait que le service, la domesticité et l’attention à l’autre sont des valeurs féminines…

Dès lors se pose la question de la transmission : si les technologies numériques comportent tant de biais de genre, est-ce parce que ce sont majoritairement des hommes qui les conçoivent et/ou est-ce parce que l’éducation au numérique elle-même embarque des biais de genre ? Comment comprendre les liens entre ces différents constats ?

Ou encore, de manière plus générale, ne pourrait-on pas y voir une forme de continuum des biais de genre, traversant les différentes pratiques que sont la formation/l’éducation, la construction et enfin les usages des technologies IT ?

En plus des thématiques déployées ci-dessus, les propositions de communication pourront (notamment) porter sur l’un des axes thématiques suivants :

  • contribuer à l’état des lieux du phénomène en présentant de nouvelles études et données venant de contextes différents, occidentaux et non-occidentaux ;
  • proposer et/renouveler des hypothèses pour penser ce problème, en abordant les enjeux liés aux masculinités (hégémoniques, minoritaires),  aux enjeux liés aux identités LGBTQI ;
  • proposer et/renouveler des hypothèses pour penser des solutions possibles : critique de la notion de role model, démasculinisation des formations et enseignements, transformation des récits hégémoniques de l’informatique centré sur le pouvoir et l’auto-engendrement ;
  • comprendre pourquoi les « choix genrés » dans les contextes non-occidentaux permettent aux filles d’investir le secteur numérique ;
  • comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans les campagnes de sensibilisation

Format

La journée d’étude se déroulera le 24 août 2021, à l’Université de Namur, Belgique. Selon l’évolution de la situation sanitaire, il n’est pas exclu que cette journée se déroule partiellement ou totalement en ligne (le format de l’événement pourra alors être amené à évoluer). Cette journée d’étude inaugure l’Université d’Été de la Faculté d’Informatique, consacrée cette année au genre dans l’éducation au numérique, durant laquelle interviendront des acteurs des secteurs associatifs, militants et de l’enseignement.

Modalités de contribution

Les propositions de communication devront comporter le titre de la communication, le statut et l’institution de rattachement de la·du communicant·e, une adresse email, ainsi qu’un résumé exposant la question traitée et les matériaux utilisés (entre 250 et 400 mots). Les propositions devront être accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique.

Elles sont à envoyer avant le 5 juin 2021, par courriel à : uni.ete@unamur.be ; les réponses seront envoyées pour le 15 juin 2021.

Comité d’organisation

  • Moussa Amrani, UNamur
  • Anne-Sophie Collard, UNamur
  • Esther Haineaux, UNamur
  • Julie Henry, UNamur
  • Nathalie Grandjean, UNamur
  • Éléonore Robinson, UNamur

Comité scientifique

  • Patricia Mélotte, ULB
  • Jean-Christophe Leloup, ULB
  • Annalisa Casini, UCLouvain
  • Patricia Vendramin, UCLouvain
  • Périne Brotcorne, UCLouvain

Bibliographie

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