La Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication rend hommage à Armand Mattelart, une figure importante de notre discipline, dont nous avons appris avec tristesse la disparition. Nous présentons nos condoléances à sa famille, à ses proches, à ses collègues.
En France, les travaux d’Armand Mattelart, ainsi que son activité d’enseignant-chercheur en SIC à partir de 1983 à Rennes puis à Paris 8, participent à la mise en place et à la diffusion des recherches sur la mondialisation de la communication. Mais sa contribution la plus marquante pour le développement des sciences de l’information et de la communication réside sans doute dans les ouvrages de synthèse publiés dans les années 1990. Nous pensons en particulier à Histoire des théories de la communication (La Découverte – Repères, 1995), cosigné avec Michèle Mattelart, largement traduit, réédité, et lu jusqu’à nos jours. Dans ce vaste panorama qui rend justice aux travaux menés au sein de la discipline, Armand Mattelart permet aussi aux lecteurs francophones de prendre connaissance de théories, concepts et objets de recherche communicationnels développés à l’échelle internationale au sein d’espaces qu’il est l’un des rares chercheurs francophones à fréquenter, dès les années 1970 – comme en témoignent son activité au sein de l’IAMCR (ayant encore donné lieu à une publication récente[1]) ou sa présence dans le célèbre numéro 33-3 du Journal of communication, « Ferments in the Field » (1983)[2] qui, comme l’écrit son éditeur Georges Gerbner en introduction, « représente la première occasion où autant de chercheurs de renommée internationale examinent la communication comme champ d’étude au sein d’une même publication ».
La reconnaissance dont Armand Mattelart a bénéficié en France sur la fin de la carrière a paradoxalement pu éclipser ses premiers travaux parus en français, en espagnol ou en anglais mais peut-être un peu oubliés aujourd’hui dans les espaces francophones – comme Para leer al Pato Donald. Comunicacion de masa y colonialismo, cosigné avec Ariel Dorfman (Valparaiso, Ediciones Universitarias, 1971), qui « est rapidement devenu un best-seller et une sorte de “manuel de décolonisation culturelle” pour tout le continent [latino-américain] ». Nous tirons cette éclairante citation de l’ouvrage que notre collègue argentin Mariano Zarowski consacre à Armand Mattelart, et dont la traduction anglaise vient tout juste de paraître en octobre 2025 aux éditions History of Media[3].
À notre sens, cette actualité éditoriale autour d’Armand Mattelart témoigne de l’importance contemporaine d’une pensée critique nourrie de la préoccupation pour les enjeux géopolitiques et la culture globale de la communication : de ce fait, nul doute que nous continuerons également à redécouvrir, à activer et à réactiver les travaux d’Armand Mattelart au sein des sciences de l’information et de la communication dans les années à venir.
Sarah Cordonnier, présidente de la SFSIC,
au nom du Conseil d’Administration de la SFSIC ainsi que de ses présidents et présidentes d’honneur
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[1] Mattelart, A., Miège, B. (2023). France: Complex Relations with IAMCR Marked by Significant Changes from the Mid-1960s. In: Becker, J., Mansell, R. (eds) Reflections on the International Association for Media and Communication Research. Palgrave Macmillan
[2] Mattelart, A. (1983). Technology, Culture, and Communication: Research and Policy Priorities in France, Journal of Communication, Volume 33, Issue 3, 59–73
[3] Zarowsky, M. (2025). From the Chilean Laboratory to World-Communication: Armand Mattelart’s Intellectual Journey. Mediastudies.Press. Retrieved from https://www.mediastudies.press/pub/nb-zarowsky-mattelart
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