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Mutations du travail créatif : entre autonomie et précarité

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Publication name Commposite

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Argumentaire

Les étudiantes et étudiants de 2e et de 3e cycles, ainsi que les jeunes chercheures et chercheurs sont invitées et invités à soumettre un texte pour le prochain numéro thématique de COMMposite (Vol. 22, n. 2) intitulé « Mutations du travail créatif : entre autonomie et précarité  ». La revue accepte les articles originaux, les notes de recherche, les entrevues et les recensions d’ouvrages reflétant la recherche francophone en communication.

Le travail créatif (parfois nommé aussi travail culturel ou immatériel), tel que présent dans les domaines de la photographie, du journalisme, du cinéma, de l’informatique, de la mode, du jeu vidéo, de la publicité et plusieurs autres, est caractérisé par une ambivalence fondamentale (Miège, 2020 ; McRobbie, 2018 ; Sandoval, 2016 ; McGuigan, 2010 ; Rehman et Frisby, 2000). D’un côté, comme l’expriment plusieurs recherches libérales, ce travail fournit une autonomie et une liberté qui n’est pas sans pareil dans l’histoire du travail salarié (Mathisen, 2017 ; Hundley, 2001). Les travailleuses et travailleurs culturels seraient des exemples parfaits des entrepreneurs de soi et produiraient eux-mêmes leur employabilité grâce à l’expression de leur créativité, le tout à l’extérieur des grandes organisations hiérarchiques (Gillmor, 2018 ; Carbasse, 2015). Le travail créatif serait à l’abri de la division du travail et donc moins aliénant que le travail dans une entreprise ou une usine (Pilmis, 2010).

De l’autre, comme le décrivent les recherches critiques, le travail créatif est extrêmement précaire et marginalisé et peut pousser très rapidement vers l’isolement, la dépression et le burnout (MacDonald et al., 2016, Ross, 2007 ; Accardo et al., 2007). La flexibilisation des conditions de travail, loin d’être une stratégie de résistance de la part des travailleuses et des travailleurs, est plutôt une conséquence du capitalisme postfordiste néolibéral où plusieurs grandes entreprises tentent de réduire leur coût de production (de Peuter, Cohen et Saraco, 2017 ; Cohen 2012 et 2019). Le travail créatif est en ce sens une création idéologique favorisant une méritocratie et un climat de compétition délétère entre « l’armée de réserve » des travailleuses et travailleurs culturels (Gill, 2010 ; Gorz, 2017). L’aliénation tend désormais à sortir des milieux de travail pour coloniser la vie quotidienne des travailleuses et travailleurs créatifs, ceux-ci étant obligés d’être connectés de manière permanente et d’effacer toute distinction entre leur vie professionnelle et leur vie privée (Deuze et Prenger, 2019 ; Hardt et Negri, 2013 ; Renault, 2006). Certains parlent ainsi de la relation entre intensification du travail et intensification des compétences (labour intensification vs skill intensification [Huws, 2010]), d’aliénation universelle (Harvey, 2018) ou encore de subsomption virtuelle de la pratique sociale au capital (Duhaime, 2016) pour analyser la nouvelle relation asymétrique entre le capital et ce type de travail.

De nombreuses études dans les dernières années ont tenté de surmonter l’ambigüité du travail créatif en créant de multiples concepts. Certains parlent de « hope labour » ou encore de travail aspirationnel pour décrire comment la travailleuse ou le travailleur créatif est toujours à la recherche d’une autre forme de rétribution comme de la visibilité (Kuehn et Corrigan, 2013). D’autres affirment que ce travail est un « affective labour », un travail affectif qui requiert avant tout la mobilisation des émotions (Siapera, 2019). Les concepts de « digital labour », de travailleurs cognitifs ou encore de « multitude » ont aussi été mobilisés (Casilli, 2019 ; Huws, 2014 et 2015 ; Fuchs, 2010). Gorz (2017) parle de la « production de soi » pour décrire comment les nouveaux entrepreneurs d’eux-mêmes doivent produire leur employabilité ce qui produit une certaine autonomie, mais que les entreprises capitalisent sur cet effort ce qui produit de la frustration et de la colère. Certains chercheuses ou chercheurs tentent de leur côté d’actualiser, de défendre ou de modifier la théorie de la valeur-travail, par exemple le concept de valeur affective (Arvidsson et Colleoni, 2012).

Le prochain numéro de COMMposite invite à poursuivre ce mouvement. À l’ère de la post-covid-19, le travail créatif est amené à subir des mutations encore plus fondamentales, notamment le travail à la maison et le travail médiatisé par les technologies de la communication.

Parmi les thèmes encouragés, soulignons de manière non exhaustive :

  • L’adaptation de la théorie du procès de travail marxisant (Braverman, 1976) aux conditions de travail des travailleuses et travailleurs créatifs, notamment l’analyse de l’intensification, de l’accélération ou de la standardisation du travail (Cohen 2019 ; Bulut, 2018) ;
  • Les possibilités de luttes ou de fuites face aux travails créatifs aliénant Kociatkiewicz, Kostera et Parker, 2020) et à l’inverse les stratégies ou les tactiques pour maintenir un travail créatif résonant ou émancipant (Rosa, 2018) ;
  • La radicalisation de la flexibilisation et de la dématérialisation du travail créatif à l’ère de la post covid-19 ;
  • L’analyse ou la critique de l’idéologie accompagnant le déploiement du travail créatif, notamment les notions de société post-industrielle, de l’économie du savoir, du capitalisme informationnel ou encore de la ville intelligente (Bouquillion, 2012). Est également encouragé la remise en question même du concept de travail créatif et des notions qui lui sont associées comme le précariat ou le cybertariat, qui pour plusieurs, sont des créations idéologiques qui ne représentent pas réellement une nouvelle classe sociale (Wright, 2016).
  • L’analyse des dispositifs algorithmiques (les non-humains) et de leur effet sur leur procès de travail créatif (Hardt et Negri, 2013).
  • Les stratégies de management s’adaptant aux divers types de travail créatif (charismatique, bureaucratique, tayloriste) et les tactiques de résistance associées (Harney, 2010 ; Huws, 2010).

Conditions de soumission

Le mandat de COMMposite est de permettre aux chercheures et chercheurs de la relève de faire l’expérience d’un premier processus de publication. Ainsi, seulement les étudiantes et les étudiants des cycles supérieurs (maitrise et doctorat) ainsi que les chercheures et chercheurs en début de carrière (moins de deux ans depuis la soutenance de la thèse de doctorat) sont invitées et invités à soumettre leurs textes.

La date limite de soumission sur le site Internet de la revue est le 30 avril 2021

Les politiques éditoriales, les directives et les règles de mises en page à respecter avant soumission sont disponibles en ligne.

Nous invitons les personnes souhaitant proposer des articles pour Commposite à consulter le guide de féminisation et à s’y conformer.

Suite de l’annonce : « mutations du travail créatif »

COMMposite accepte les contributions sous forme d’articles, de notes de recherche et de notes de lecture (voir les distinctions entre chaque type de texte plus bas).

Articles

Les articles doivent comporter entre 30 000 et 40 000 caractères, espaces compris (approximativement entre 18 et 25 pages, interligne double, en Times New Roman 12 points, avec sauts de lignes entre les paragraphes).

Les articles peuvent emprunter différents styles, mais doivent répondre aux critères d’un texte scientifique, par exemple : poser clairement la problématique abordée ; situer le texte par rapport à la littérature ; présenter une définition adéquate des concepts mobilisés et, dans le cas de résultats de recherche, la méthodologie utilisée ; et proposer une discussion qui souligne la contribution du texte au développement des connaissances.

Notes de recherche

Les notes de recherche doivent comporter entre 20 000 et 30 000 caractères, espaces compris (soit approximativement entre 12 et 18 pages, interligne double, en Times New Roman 12 points, avec sauts de lignes entre les paragraphes).

Les notes de recherche sont des textes plus courts que les articles et présentent des travaux en cours. En ce sens, les notes doivent notamment : présenter l’objet de recherche, préciser la méthodologie utilisée (ou, par exemple, proposer une réflexion sur les différentes avenues méthodologiques envisageables), donner un aperçu des démarches en cours et, le cas échéant, des résultats attendus.

Notes de lecture

Les auteur.es qui souhaitent soumettre une note de lecture doivent s’adresser au comité éditorial afin d’obtenir la liste des titres suggérer et/ou de faire valider leur choix d’ouvrage. À moins d’un accord préalable de l’équipe de rédaction, les ouvrages doivent avoir été publiés dans l’année précédant la soumission.

Les notes de lecture doivent compter entre 10 000 et 20 000 caractères, espaces compris (soit approximativement entre 6 et 12 pages, interligne double, en Times New Roman 12 points, avec sauts de lignes entre les paragraphes).

Les notes de lecture font la recension et/ou la critique d’un ouvrage en donnant un aperçu des thèses et des principaux arguments qui y sont présentés et en soulignant, par exemple, les forces et les limites de l’ouvrage ou en ouvrant des pistes de réflexion à partir de ses principales conclusions.

Evaluation

Les textes soumis font l’objet d’une évaluation en double aveugle, effectuée par deux lecteurs ou lectrices externes en lien avec un.e membre de l’équipe éditoriale.

COMMposite évalue les textes qui lui sont soumis principalement en fonction de

  •   la pertinence du sujet par rapport aux objectifs de la revue ;
  •   la rigueur de l’argumentation ;
  •   la clarté d’expression et le style d’écriture ;
  •   la contribution à l’avancement des connaissances ;
  •   le respect des normes bibliographiques et de présentation de la revue.

Bibliographie

Accardo, A., Abou, G., Balbastre, G., Dabitch, C., & Puerto, A. (2007). Journalistes précaires, journalistes au quotidien. Marseille : Agone.

Arvidsson, A., & Colleoni, E. (2012). Value in Informational Capitalism and on the Internet. The Information Society28(3), 135-150.

Bouquillion, P. (dir.). (2012). Creative economy, creative industries: des notions à traduire. Paris : Presses universitaires de Vincennes.

Braverman, H. (1976). Travail et capitalisme monopoliste. Paris : Maspero.

Bulut, E. (2018). One-dimensional creativity: A Marcusean critique of work and play in the video game industry. TripleC: Communication, Capitalism & Critique. Open Access Journal for a Global Sustainable Information Society, 16(2), 757-771.

Carbasse, R. (2015). Combining good business and quality journalism? Entrepreneurial journalism and the debates on the future of news media. Brazilian Journalism Research, 11-1, 256-277.

Casilli, A. A. (2019). En attendant les robots : enquête sur le travail du clic. Paris : Éditions du Seuil.

Cohen, N. S. (2019). At work in the digital newsroom. Digital Journalism7(5), 571-591.

Cohen, N. S. (2012). Cultural Work as a Site of Struggle: Freelancers and Exploitation. TripleC: Communication, Capitalism & Critique, 10(2), 141-155.

De Peuter, G., Cohen, N. S., & Saraco, F. (2017). The ambivalence of coworking: On the politics of an emerging work practice. European Journal of Cultural Studies20(6), 687-706.

Deuze, M., & Prenger, Mirjam. (dir.) (2019). Making media: Production, practices, and professions. Amsterdam : Amsterdam University Press.

Duhaime E., Capital et inventivité, de l’intellect général à General Electric. (Thèse de doctorat). Université de Strasbourg, 2016.

Fuchs, C. (2010). Labor in Informational Capitalism and on the Internet. The Information Society, 26:3, 179-196.

Gill, R. (2010). Life is a pitch: Managing the self in new media work. [Chapitre de livre] Dans Deuze M. (dir.), Managing media work (p. 249-262). Londres : Sage publications.

Gillmor, D. (2018). Vers un nouveau modèle pour l’enseignement du journalisme. Les Cahiers du journalisme, vol. 2, n°2, 25-30.

Gorz, A. (2017). De la mise au travail à la production de soi. EcoRev’, 45(2), 17-28.

Hardt, M., & Negri, A. (2013). Déclaration : Ceci n’est pas un manifeste. Paris : Raisons d’Agir.

Harney, S. (2010). Creative industries debate: Unfinished business: Labour, management, and the creative industries. Cultural Studies, 24, 431-444.

Harvey, D. (2018). Universal alienation. tripleC22(2), 137-150.

Hundley, G. (2001). Why and When Are the Self‐Employed More Satisfied with Their Work? Industrial Relations : A Journal of Economy and Society, 40(2), 293‑316.

Huws, U. (2015). iCapitalism and the Cybertariat: Contradictions of the digital economy. Monthly review66(8), 42-57.

Huws, U. (2014). Labor in the global digital economy: The cybertariat comes of age. New York: NYU Press.

Huws, U. (2010). Expression and expropriation: The dialectics of autonomy and control in creative labour. Ephemera: Theory and Politics in Organization, 10(3/4), 504-521.

Kociatkiewicz, J., Kostera, M., & Parker, M. (2020). The possibility of disalienated work: being at home in alternative organizations. Human Relations, Récupéré de https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0018726720916762

Kuehn, K., & Corrigan, T. F. (2013). Hope labor: The role of employment prospects in online social production. The Political Economy of Communication1(1), 9-25.

MacDonald, J. B., Saliba, A. J., Hodgins, G., & Ovington, L. A. (2016). Burnout in journalists: A systematic literature review. Burnout Research3(2), 34-44.

Mathisen, B. R. (2017). Entrepreneurs and idealists: Freelance journalists at the intersection of autonomy and constraints. Journalism Practice, 11(7), 909-924.

McGuigan, J. (2010). Creative labour, cultural work and individualisation. International journal of cultural policy, 16(3), 323-335.

McRobbie, A. (2018). Be creative: Making a living in the new culture industries. Hoboken, New Jersey: John Wiley & Sons.

Miège, B. (2020). Creative Industries, a Large Ongoing Project, Still Inaccurate and Always Uncertain. [Chapitre de livre] Dans I. Kiriya, P. Kompatsiaris et Y. Mylonas (dir.), The Industrialization of Creativity and Its Limits (p. 151-161). Cham : Springer.

Pilmis, O. (2010). Fonder l’attractivité d’une activité indigne. La critique artiste au secours des pigistes. [Chapitre de livre] dans C. Lemieux (dir.), La subjectivité journalistique. Onze leçons sur le rôle de l’individualité dans la production de l’information(p. 169-186). Paris : Éditions de l’EHESS, coll. « Cas de figure ».

Rehman, L., & Frisby, W. (2000). Is self-employment liberating or marginalizing? The case of women consultants in the fitness and sport industry. Journal of Sport Management14(1), 41-62.

Renault, E. (2006). Du fordisme au post-fordisme: Dépassement ou retour de l’aliénation?. Actuel Marx, (1), 89-105.

Rosa, H. (2018). Résonance. Paris : La Découverte.

Ross, A. (2007). Nice work if you can get it: The mercurial career of creative industries policy. Work Organisation, Labour and Globalisation, 1(1), 13-30.

Sandoval, M. (2016). Fighting Precarity with co-operation? worker co-operatives in the cultural sector. New Formations88(88), 51-68.

Siapera, E. (2019). Affective Labour and Media Work. [Chapitre de livre] Dans Deuze M. & Prenger M. (dir.), Making Media: Production, Practices, and Professions (p. 275-286). Amsterdam: Amsterdam University Press.

Wright, E. O. (2016). Is the precariat a class. Global Labour Journal7(2), 123-135.