Balisages

Intelligences artificielles, bibliothèques, institutions culturelles

Expected response for the 05/12/2025

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De nombreuses questions se posent sur l’intégration des outils d’intelligence artificielle (IA) et en particulier sur les intelligences artificielles génératives (IAG), sous-ensemble des IA, dans les activités des institutions culturelles. La montée en puissance des modèles multimodaux, capables de gérer du texte, des images et de l’audio rend l’IA plus polyvalente (Stanford, 2024). Si ces avancées sont sources de promesses, elles soulèvent aussi des objections et des inquiétudes.

Qu’apportent les IA aux services, aux publics, et plus généralement aux parties prenantes des institutions culturelles ? Quels sont les enjeux et les difficultés posés par l’appropriation des IA par les acteurs de ces institutions et par la conception des offres de services et de dispositifs soutenus par les IA ou rendus possibles par les IA° ? Quelles sont les motivations, les représentations sociales, les visées stratégiques, les imaginaires à l’œuvre dans la pensée des IA et des IAG au sein de ces institutions ? Quels accompagnements de la part des professionnels auprès de leurs publics utilisateurs des IAG ?

Ce dossier a pour objectif de proposer un panorama des recherches récentes en sciences humaines et sociales sur l’intégration des IA dans les institutions culturelles et en particulier au sein des bibliothèques. Il s’agira de porter un regard critique sur l’émergence d’une culture de l’IA dans les lieux de savoir (bibliothèques, musées, archives), en France et à l’international. Le dossier s’articule autour de trois grands axes : (1) les appropriations des IA par les institutions culturelles et notamment par les bibliothèques, (2) les adaptations ou réorientations professionnelles en lien avec le déploiement des IA dans ces institutions et (3) la manière dont l’IA s’inscrit dans des stratégies de pilotage et de gouvernance des établissements culturels.

1. IA, bibliothèques, institutions culturelles : quels outils, quels usages, quelles appropriations ?

Cet axe de réflexion vise à dresser un panorama des recherches en SHS sur des modes d’appropriation, au passé et actuel, des outils de l’IA déployés au sein des institutions culturelles et en particulier au sein des bibliothèques. Il s’agit de comprendre comment ces institutions se sont approprié ces technologies depuis les premières initiatives de mise en service de dispositifs soutenus par des IA. L’objectif est de développer une réflexion critique sur l’acceptabilité sociale, l’acceptation et les usages des IA dans les institutions culturelles (Bobillier-Chaumon et Dubois, 2009).

Sont attendues des études et des analyses empiriques notamment sur la manière dont les IA ont été (ou sont) déployées et intégrées, avec succès ou non, dans divers services existants et comment les IA ont été pensées comme base pour la création de nouveaux services. Peuvent être étudiés notamment d’un point de vue historique ou info-communicationnel la conception, la mise en œuvre et l’évolution de divers services tels que l’accès et la gestion des collections (Moreux, 2019), l’automatisation des process pour les fonctions supports (Alcantara, 2020), l’accueil de visiteurs (Fareed, 2025), l’automatisation de génération de contenus, artistiques, informationnels et communicationnels (Kulesz et Dutoit, 2020), l’indexation de ces contenus (Cox, 2023), la recherche documentaire et les activités de veille (Subaveerapandiyan et Gozali, 2024) ou encore les médiations assistées par IA (De Nobrega, 2025). Les contributions permettront de saisir les incidences effectives des IA sur la création, la mise en œuvre, ou l’innovation de tels services et en même temps d’interroger les imaginaires, les perceptions et les représentations sociales des IA de la part des acteurs de ces institutions.

2. IA et métiers : adaptation des institutions culturelles et des identités professionnelles aux IA génératives

Comment les métiers et les identités professionnelles sont-ils “travaillés” par l’intégration des outils de l’IA au sein des bibliothèques et d’autres institutions culturelles ? En quoi les professionnels exerçant au sein des institutions culturelles (bibliothécaires, archivistes, conservateurs de musée, médiateurs) s’adaptent-ils, ou non, aux outils des IAG dans le cadre de leur travail, y compris leur travail de médiation et de formation auprès des usagers qui s’emparent progressivement de ces outils ?

L’identité professionnelle, loin d’être fixe, est un processus dynamique façonné par les interactions sociales et le contexte organisationnel. L’identité se construit à travers les discours que les individus tiennent sur leur métier, et s’appuie sur des “répertoires interprétatifs” (Hicks, 2014). Ainsi, les professionnels construisent et ajustent leur identité au fil des situations, dans un processus qui met en lumière à la fois les transformations et les valeurs de l’organisation et des formes d’attachement au métier. En quoi les identités professionnelles en évolution se voient-elles questionnées par les nouvelles exigences technologiques des IAG ? De quelle manière et à quelles fins les professionnels cherchent-ils à adopter ou à intégrer les formes d’innovation par les IA dans leurs pratiques et leurs gestes au quotidien ? Comment ces mutations technologiques et professionnelles sont-elles mises en discussion et relayées par les réseaux, les partenaires, les associations, ou les lieux de formation de ces professionnels ? En quoi l’émergence d’une nouvelle culture de l’IA, avec ses injonctions associées, touche-t-elle aux sentiments de légitimité des professionnels ou à leurs perceptions du métier, notamment selon les trajectoires individuelles et les fonctions exercées ?

Les professionnels des lieux de savoir, en tant qu’observateurs et accompagnateurs des pratiques informationnelles de leurs usagers, se doivent de s’adapter et d’anticiper les besoins en compétences numériques et informationnelles liés à l’émergence des nouvelles technologies. Les bibliothèques, par exemple, ont toujours joué un rôle essentiel dans la démocratisation de l’accès aux technologies émergentes. Il peut donc sembler naturel qu’elles se positionnent comme des acteurs clés dans l’accompagnement de leurs publics vers une utilisation éclairée des IAG, mais le périmètre de cet accompagnement soulève diverses interrogations et ne va pas de soi (Favel Kapoian, Kovacs, 2025).

Avec l’arrivée de ChatGPT 3.5, en 2022, les intelligences artificielles génératives (IAG) sont utilisées, notamment par les étudiants, dans le cadre de leurs travaux universitaires (Mazarakis et al., 2023), afin d’accéder plus rapidement et plus directement à l’information (Crevier et al., 2023 ; Kooli, 2023 ; Uzan et al., 2024) mais aussi pour rédiger des travaux académiques (Zeller et Chevry Pébayle, 2024). Les IAG se distinguent par leur capacité à produire de nouveaux contenus, qu’il s’agisse de textes, d’images ou de musique (Forsyth et al., 2021). Cette création est déclenchée par des instructions décrivant le fond et la forme du résultat souhaité. Ces nouveaux outils utilisés dans divers contextes y compris en éducation posent de nombreuses questions.

Les contributions relevant de cet axe permettront plus précisément° : de qualifier les transformations, qu’elles soient concrètes ou symboliques, dans l’exercice de travail et les conditions de travail des professionnels des institutions culturelles telles que bibliothèques, musées, ou archives, sous l’effet de l’IAG (Jacob et al., 2022) ; de déterminer si et comment les nouveaux outils des IAG et les gestes associés à leur déploiement ou à la médiation des publics questionnent les identités professionnelles et les formes d’attachement à ces métiers ; de développer une réflexion à propos des pratiques émergentes des publics et les adaptations que les professionnels apportent en tant que médiateurs ou formateurs des IAG (Chiriac, 2025) et notamment au niveau des compétences informationnelles en jeu ; de voir comment ces professionnels prennent part dans les débats et dans la conception de dispositifs visant à sensibiliser leurs publics sur les opportunités ou les risques qui en découlent ; d’éclairer comment les professionnels de ces institutions définissent leur rôle dans ces processus d’accompagnement

3. Inscrire l’IA dans les organisations : enjeux et opportunités pour la gouvernance des institutions culturelles

Cet axe de réflexion viserait à développer une réflexion sur les finalités et les stratégies poursuivies par les institutions culturelles (Zhang et Prebensen, 2024) qui inscrivent désormais dans leurs projets de développement l’emploi des intelligences artificielles. Il s’agira de repérer et d’analyser les grands axes stratégiques définis par les institutions culturelles pour inscrire la gouvernance et le pilotage de leurs organisations (Liebig et al., 2024) tout en développant des politiques et des services attentifs aux enjeux l’IAG sur le plan environnemental, juridique et éthique (Coeckelbergh, 2020 ; Whittlestone et al., 2019). Il s’agira d’expliciter la manière dont les IA modifient l’activité humaine au sein des institutions culturelles tant au niveau des rôles endossés et des responsabilités exercées que des processus de travail dévelopées ou routinisés, des compétences mises en oeuvre ou des tâches effectuées. Il s’agit également de questionner la légitimité et l’acceptabilité de ces modifications de l’activité, telles que perçues par les parties prenantes.

Sont attendus ici des travaux de recherche et d’analyse en SHS, qui peuvent être fondés sur des études empiriques (analyses de corpus, études de cas de processus d’innovation, d’appropriation) notamment sur la manière dont les IA ont été pensées et/ou déployées dans le fonctionnement et le pilotage des institutions. Les contributions permettront de saisir les incidences des IA sur la gouvernance de ces institutions, sur le pilotage de l’activité, sur la vie de l’organisation ; il peut également s’agir de réfléchir à la manière dont les institutions participent à la mise en circulation de discours sur la gouvernance des IA ou des IAG, en particulier des discours normatifs ou injonctifs, des feuilles de route ou des cadres d’action qui émergent sur le plan national et international dans l’optique de réguler les IA et les rapports aux IA (Chevret-Castellani et Labelle, 2021).

Les articles devront être soumis directement, sans avoir à produire un résumé préliminaire, et seront évalués en double aveugle et validés par le comité de rédaction de la revue, suivant une procédure décrite sur le site de la revue.

Vous y trouverez également les recommandations aux auteurs.

Calendrier

  • 5 décembre 2025 : date limite de soumission des propositions d’articles complets (30 000 à 40 000 caractères espaces compris, bibliographie comprise)

  • décembre 2025 : réponses aux auteur.e.s avec d’éventuelles demandes de révision

  • 30 janvier 2026 : date limite de réception des versions finales des articles complets

  • parution du numéro prévue en avril-mai 2026

Modalités de soumission et d’évaluation

Les contributions peuvent être soumises au choix en français ou en anglais.

Les propositions de soumission prendront la forme d’un article complet qui totalisera entre 30 000 et 40 000 caractères (espaces et bibliographie compris) et qui sera anonymisé.

Les auteurs sont invités à respecter les recommandations aux auteurs concernant la qualité de formalisation scientifique, la mise en forme du texte et la normalisation des références bibliographiques : https://journals.openedition.org/balisages/415

Les textes attendus relèveront de l’article académique à vocation scientifique (évalué en double aveugle). Les articles proposés feront l’objet de deux évaluations, selon une double procédure d’évaluation anonyme, par un comité de lecture, dont les membres seront sélectionnés en fonction de leur domaine d’expertise, à réception des articles.

Les propositions d’articles complets doivent être envoyées au format de leur choix : doc, odt ou md aux trois coordinateurs de ce numéro thématique :

Note importante : aucun paiement de la part des auteurs ne sera exigé.