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États de crise

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L’explosion de la pandémie du Covid-19 a renforcé le sentiment de crise qui, avec des degrés et des intensités variables, a caractérisé la genèse et l’évolution des sociétés modernes. « Nous sommes en crise » semble être devenu le leitmotiv d’une époque qui ne cesse de constater son incapacité à en sortir. D’où un effet d’opacité sur ce que « crise » veut dire : que désigne exactement cette crise « totale » ? Une telle « crisologie » naïve – crise partout, crise nulle part – ne condamne-t-elle pas, comme l’annonçait déjà Edgar Morin (1976, p. 149), à l’inaction ? Le discours décliniste dont elle émane, qu’on retrouve par exemple dans la collapsologie contemporaine (Servigne, Stevens, 2015), n’est-il pas cyclique, comme le montre la comparaison historique (Charle, 2016) ? Si la crise devient totale, n’est-elle pas au fond un biais de perspective de l’inertie de l’ordre social ? Par ailleurs, les prénotions engagées dans ce discours de sens commun ne reviennent-elles pas à étouffer les potentialités critiques qui se manifestent dans les séquences de changement social ? Cette dernière question mérite, plus particulièrement, qu’on s’attarde sur les qualifications sociales – ordinaires et savantes – prêtées au concept de crise. C’est tout l’enjeu de ce numéro de la revue Tracés : il vise à réunir des contributions théoriques et/ou empiriques sur « ce que crise veut dire ». Il cherche à la fois à comprendre comment on qualifie et fait l’expérience des crises dans le monde social (crise économique, crise culturelle, crise identitaire, crise politique, crise environnementale, etc.) et à revenir sur les mécanismes d’objectivation et d’explication, en sciences sociales, des conjonctures de crise.

Le premier volet vise à produire un décentrement. À suivre Reinhart Koselleck (1979), c’est une configuration sociale-historique bien particulière – le conflit entre la bourgeoisie intellectuelle et la monarchie en Europe au XVIIIe siècle – qui a donné au mot « crise » sa signification proprement moderne : une expérience du temps historique où les modèles anciens perdent leur légitimité politique (la « tradition »), lors même que les modèles dictant les conduites à venir ne se laissent pas entrevoir. Comme le résume Paul Ricœur (1988) en empruntant aux catégories koselleckiennes d’« espace d’expérience » et d’« horizon d’attente », il y a crise « lorsque l’espace d’expérience se rétrécit par un déni général de toute tradition, de tout héritage, et que l’horizon d’attente tend à reculer dans un avenir toujours plus vague et plus indistinct, seulement peuplé d’utopies ou plutôt d’‘uchronies’ sans prise sur le cours effectif de l’histoire, alors la tension entre horizon d’attente et espace d’expérience devient rupture, schisme » (p. 13-14). Toute crise suppose ainsi une certaine expérience du temps (Revault d’Allones, 2012), indissociable d’une critique sociale, politique et/ou culturelle d’une tradition. C’est cette expérience singulière qui est commune à des crises extrêmement différentes comme les crises économiques, culturelles, politiques, ou encore les crises des systèmes de pensée ou d’épistémè (Foucault, 1966) ou des champs scientifiques (Kuhn, 1972). Cette expérience s’oppose à une forme répandue d’accompagnement des constats de crise, le « c’était mieux avant » qui dit très bien comment on aimerait voir les conduites à venir selon les normes d’une tradition jugée indépassable. Une telle conception « profane » de la crise a cheminé en parallèle de la conception « savante », sur laquelle insistent Koselleck et Ricœur.
Cette duplicité laisse entrevoir le problème : que faire de la pluralité des expériences de crise dans les sociétés humaines, en fonction des différents groupes sociaux et des variables d’espace et de temps ? Pour reprendre la démarche de Dipesh Chakrabarty (2009), ce dossier propose de « provincialiser » le schéma de Koselleck, et de le tester hors du seul moment de la modernité occidentale. Peut-on repérer d’autres contextes sociaux ayant fait émerger des expériences de crise comparables à celle que Koselleck généralise – peut-être indûment – à la « modernité » dans son ensemble ? Ce dossier vise ainsi à relier la pluralité des acceptions et pratiques socio-culturelles de la crise et les multiples chemins qu’a pris la modernité dans les sociétés du globe (Eisenstadt, 2003). Il invite à se pencher sur la catégorie de crise en mettant en relation ses conditions objectives d’émergence et sa production subjective par des groupes sociaux déterminés, en fonction de leurs propres rapports au temps (Hirsch, 2010).

Le deuxième volet concerne l’analyse des « états de crise », c’est-à-dire des configurations structurelles où les repères du monde social vacillent, au niveau des institutions, des groupes et des individus. Comment qualifie-t-on ces états dans le sens commun et dans les sciences sociales (sociologie, anthropologie, histoire, économie, géographie, etc.) ? Comment les objective-t-on en repérant des signaux, des tendances, des évolutions-types qui déjouent le fonctionnement « normal » d’un système social, économique, culturel, environnemental ? Comment construit-on pratiquement cette barrière entre le « normal » et l’« anormal » ou le « pathologique » ? Comment explique-t-on causalement les crises sans tomber dans l’« illusion étiologique » les réduisant aux conditions de leur genèse (Dobry, 2009) ? Comment les analyse-t-on à différentes échelles, en associant des expériences subjectives de la crise à ses manifestations plus structurelles ? Peut-on, à partir d’une série de diagnostics, de variables significatives, d’indicateurs synthétiques ou d’effets de seuil, prévoir l’évolution critique d’un système social, à la manière des économistes travaillant sur les cycles économiques ou des climatologues sur les dynamiques du changement climatique ? Quels effets spécifiques imputer aux crises en prenant en compte leur partielle contingence (Sewell, 2005), sans tomber dans l’écueil téléologique consistant à les analyser « à rebours », de manière rétrospective, à partir des effets (censément) produits ? Le cas des révolutions est particulièrement saisissant, tant nombreuses et anciennes sont les interprétations, à la fois savantes et ordinaires, qui les vouent aux gémonies en leur imputant les effets désastreux produits ex-post (Tarragoni, 2015).
Ces questions renvoient à autant d’opérations de connaissance : qualifier le désordre, expliquer l’incertain, comprendre le changeant, imaginer les possibles lorsqu’ils ne sont pas encore réalisés. Ces opérations sont communes aux individus qui vivent les crises et aux savants qui cherchent à les expliquer au moment de leur surgissement, à les interpréter ou modéliser ex-post, ou encore à les prédire ex-ante. D’où l’ambition de ce dossier : derrière l’étude de la fabrication ordinaire et savante des « états de crise », il vise, plus globalement, à interroger les modalités à travers lesquelles on pense et on (ré)agit face à l’incertain.

Axe 1. Nommer la crise : qualifications et bataille des significations

Sanitaire, économique, diplomatique, de conscience, de nerfs, d’adolescence, cardiaque ou mystique, la « crise » est devenue un terme qui ne se singularise plus que par ses qualificatifs : serait-ce un mot qui sert à ne pas mettre de mots ? « Au [xxe] siècle, il n’est pratiquement aucun domaine de l’existence qui n’ait été examiné et interprété au moyen de ce concept » (Koselleck, 1982). Médicale, militaire et judiciaire dans ses principaux sens grecs, la « crise » s’est dilatée, voire disloquée en une infinité de domaines d’application, pour en venir à désigner toute situation peu ou prou anormale impliquant un conflit ou une difficulté. Si l’on suit Koselleck, c’est précisément cette dilution et la multiplicité de ces significations qui font d’elle un « concept fondamental » (Grundbegriff), que l’on doit se garder de définir, encore moins une fois pour toutes, puisqu’il « combine donc à la fois la diversité des expériences historiques et une multiplicité de significations. Pour cette raison, les mots doivent être définis, tandis que les concepts doivent être interprétés » (Koselleck, 1982, p. XXII-XXIII). Si l’on veut pourtant tenter de préciser ce « concept à la fois mal déterminé et surdéterminé » (Longhi, 2019, p. 21), notons trois grandes caractéristiques – qui toutes les trois, pourtant, appellent aussitôt à être nuancées et discutées.

–       La crise semble premièrement devoir entraîner une discontinuité – l’avant et l’après-crise ne se ressemblent pas. La crise est une bascule qui doit inaugurer un changement d’état et de statut : de l’enfance à l’âge adulte, de la maladie à la rémission, d’un cycle économique à un autre, d’une époque historique à une autre, etc. Pourtant, derrière l’apparence des seuils, certaines crises manifestent des continuités, comme en témoignent les controverses autour de la « mutation de l’An Mille » : véritable basculement socio-économique du monde antique au monde « féodal » ou simple « mutation documentaire » (Bois, 1989 ; Barthélémy, 1997) ? L’analyse des crises pose ainsi la question du changement des sociétés humaines, au-delà d’une simple alternative entre ruptures et continuités.

–       Deuxièmement, elle renvoie souvent à un état pathologique, un dysfonctionnement ou du moins, une situation qui rompt avec l’ordinaire : elle ne constitue pas l’état « normal » d’un être ou d’un système. Cette « anormalité » de la crise peut être plus ou moins radicale dans ses conséquences. Aussi toute la conception de l’expérience de l’ethnométhodologie et de la sociologie pragmatique est basée sur une forme de crise inhérente au fonctionnement du monde social : une rupture dans les routines, qui vient interroger les individus et les conduit à agir afin de revenir à un état « normal ». La rupture avec l’ordinaire peut être aussi plus violente. L’anthropologue des religions Ernesto de Martino (2016) s’est plongé dans ces cas extrêmes d’« apocalypses culturelles » ou de « crises de la présence » au cours desquelles une culture entrevoit sa fin : une expérience que de Martino considère, dans un dialogue avec la psychanalyse freudienne, comme de l’ordre du psycho-pathologique. Un exemple en pourrait être la crise des sociétés précolombiennes d’Amérique latine aux prises avec l’invasion espagnole, vécue comme un cataclysme bouleversant les catégories de l’intervention humaine et divine (Wachtel, 1971). Cependant, la réitération de la crise peut la faire entrer dans une forme de normalité : ainsi de la régularité cyclique des crises économiques telles qu’elles sont analysées depuis la deuxième moitié du XIXe siècle (Juglar, Kitchin, Kondratiev, Keynes [Nakatani, Herrera, 2013], théorie de la régulation). Il en va de même, aussi, de la ritualisation des révoltes dans les sociétés pré-modernes, qui en font non pas le surgissement d’un événement extra-ordinaire, mais une forme de routine et un mode sinon quotidien, du moins régulier de pression des gouvernés sur les gouvernants (Bercé, 1974 ; Thompson, 1971).

–     Troisièmement, la crise est souvent supposée brusque, intense, et se déroule dans une séquence limitée dans le temps : elle est, par essence, transitoire. Pourtant, la transition elle-même peut avoir une certaine épaisseur dans la durée (Escudier, 2020 ; Gourisse, 2012). La crise est-elle donc nécessairement de l’ordre de l’événement ? Ou peut-elle constituer un état permanent ? À l’inverse, tout événement marquant une rupture est-il, pour autant, une « crise » ?

Individuelle ou collective, intime ou publique, la crise ouvre en tout cas la voie à une nouveauté de sorte que, bien qu’elle fasse souvent des victimes, elle recèle l’espoir d’une renaissance. Si de nombreux travaux tentent de saisir ce terme protéiforme en convoquant son étymologie, ce détour comporte le risque d’une effraction philologique, plaquant sur la langue grecque (krisis) les usages modernes du terme (Longhi, 2019, p. 24). La crise politique telle que nous l’entendons, pour s’en tenir à ce seul exemple, se dit dans une myriade d’autres termes (stásis ou kinèsis entre autres). Or, à la polysémie du terme grec, à la sédimentation des usages historiques, il faut encore ajouter la bataille des significations qui s’engage pour la qualifier au moment même où elle survient. Qui nomme la crise comme telle ou, à l’inverse, évite le terme ? Comment la mobilisation du mot s’opère-t-elle ? Comment, au reste, nommer ce qui advient et qui relève de l’inconnu ?

Didier Fassin, en analysant l’emploi du « langage de la crise » par les autorités lors de la crise sanitaire de 2019-2021, montre ainsi que celui-ci produit, dans un premier temps, un « effet de sidération » : ce langage, dit-il, « soustrait les décisions à l’examen démocratique et laisse de côté l’analyse des causes structurelles supposées devoir être prises plus tard. Enfin, il suspend la critique. L’unité dans l’adversité doit prévaloir et les contestations sont dénoncées pour les divisions qu’elles entraînent. On peut réunir ces trois séries de faits (échappement à l’ordre normal, bousculement de la temporalité et suspension de la critique) sous le terme générique d’‘effet de sidération’. » (Fassin, 2021). Pourtant, la « critique » ne peut-elle aussi, à l’inverse, surgir précisément de la crise, comme le montre l’extrême importance des crises de 1848 et 1871 dans la constitution de la pensée de Marx et d’Engels ? À l’effort de suspension par les autorités, la critique réprimée ou entravée n’oppose-t-elle pas toujours des modalités de résurgence ?

Sidération, imprévisibilité du cours des choses, perte des habitudes et nouveauté des événements produisent tout à la fois des formes de vide sémantique et des trop-pleins de termes inadéquats : trouble, événements, mouvement, bouleversement, paroxysme, révolte, marasme, etc. Chez ceux qu’elle vient percuter de plein fouet en les dépossédant « de leurs matériaux routiniers d’anticipation et de calcul » (Dobry, 2009, p. XIII), les mots, bien souvent, dans un premier temps, manquent sous l’effet de la surprise. En période d’incertitude et de nouveauté radicale, les acteurs sont ainsi tantôt dépourvus de termes adéquats pour nommer ce qu’ils voient se dérouler, tantôt au contraire enclins à plaquer des termes habituels mais impropres, rabattant l’inconnu sur le connu. Ainsi, par exemple, des termes de « jacquerie » ou de « poujadisme » employés pour essayer de penser le mouvement des Gilets jaunes. Si ce mouvement du reste fut souvent qualifié de « crise », c’est non seulement pour signifier l’ébranlement massif qu’il avait entraîné, mais encore parce que l’événement ne pouvait se dire dans aucun des termes habituels de l’action collective protestataire, puisque précisément, tous les codes habituels de cette dernière ou presque volaient en éclats : la « révolte », la « contestation » ou « l’émeute » ont paru surannés et inadéquats pour qualifier ce surgissement de formes et de protagonistes nouveaux (Bantigny, Hayat, 2019). Or le choix des mots ne résulte pas seulement des incertitudes, mais également des luttes de qualification pour imposer ou récuser certains termes : « Étant donné que ce conflit social est parti de la base, échappant aux organisations qui prennent en charge d’habitude les revendications des citoyens, ceux que j’appelle les ‘professionnels de la parole publique’ ont été particulièrement nombreux à s’exprimer sur le sujet. » (Noiriel, 2018).
Cette captation de la parole rappelle à quel point l’enjeu de la qualification exprime des rapports de pouvoir, au demeurant souvent reconfigurés par la crise elle-même. Ainsi l’émeute populaire du XVIIIe siècle, décrite par les autorités comme un déferlement absurde de violence, de sédition et de chaos, pourra être présentée par ceux qui y prennent part comme une protestation légitime respectueuse des lois, des coutumes et des routines de la communication entre autorités et sujets – déniant ainsi tout caractère de « crise » aux événements (Renault, 2017). Au sein même du groupe contestataire, les jeux de pouvoir internes peuvent conduire à des conflits de qualification : ainsi la mise en place progressive du terme de « Révolution du 25 janvier » pour qualifier la crise politique égyptienne de 2011 par les protestataires de la place Tahrir (El-Chazli, 2012). La qualification qui triomphe in fine dans et hors du groupe est en règle générale le résultat d’âpres combats au moment même de la crise et celle-ci, bien souvent, ne reçoit sa labellisation définitive qu’ex-post.

Enfin, il n’est pas rare non plus que certains acteurs évitent le mot à dessein, ce qui n’est pas moins significatif : on peut ainsi chercher à euphémiser une situation – une crise économique, en parlant de « difficultés » ou de « restructuration », ou une guerre en parlant d’« événements ». À l’inverse, on peut éviter le terme pour chercher à amplifier la portée de l’événement – en faisant par exemple d’une crise sanitaire un état de « guerre ». La crise enfin, dans ses manifestations paroxystiques – violences de guerre ou d’État, massacres de masse et génocides – serait marquée par « la non-verbalisation ou la sous-verbalisation par les acteurs » (Ingrao 2021, p. 154), une suspension du langage à laquelle se substituent des « expressions corporelles (larmes, tremblements, frissons, raidissements) » (ibid.). L’ineffable serait ainsi le premier indice du paroxysme – une crise vécue de manière si violente que l’on en reste sans mots.

Axe 2. Expliquer la crise

La pluralité et le conflit dominent également le registre de l’explication des crises. Une ambivalence majeure se situe au niveau de ce qu’expliquer veut dire. S’agit-il d’identifier des logiques de causalité, de repérer un ensemble de facteurs déterminants, bref de restituer une genèse objective à la crise, au risque d’en ignorer les dimensions d’imprévisibilité et d’inattendu, registre qui a longtemps dominé la recherche en sciences humaines et sociales ? Ou s’agit-il, dans une démarche constructiviste désormais répandue, de reconstituer des mécanismes de déclenchement et de déploiement en intégrant dans la construction de l’objet l’imprévisible, l’inattendu et l’ensemble des contingences d’un processus critique ?

À titre d’exemple, la sociologie historique des révolutions s’est longtemps adossée à une visée positiviste fondée sur la toute-puissance analytique du chercheur. Dans les années 1920 et 1930, les historiens et sociologues américains s’efforçaient de dégager une « ‘théorie de la révolution’ c’est-à-dire d’en expliquer méthodiquement le surgissement et le développement (Goldstone, 1982). Cette « histoire naturelle des révolutions » visait à répondre aux trois questions suivantes : quelles sont les conditions pour qu’une situation d’oppression conduise à un soulèvement ? Dans quelles circonstances les pressions exercées sur le pouvoir conduisent-elles à une révolution ? Qu’est-ce qui permet l’enracinement des idées révolutionnaires ? Chaque révolution suivrait ainsi un cours comparable en une dizaine d’étapes, indépendamment de son contexte socio-culturel. La même visée explicative, mais avec une focale différente, a nourri les approches ultérieures relevant des « théories générales des révolutions » dans les années 1950 et 1960. L’émergence de l’école de la modernisation justifiait une approche macrosociologique des révolutions, consistant à comprendre pourquoi le passage des sociétés traditionnelles à des États-nations modernes prenait une forme violente. À l’instar de l’étude des révolutions, c’est bien une approche structurelle des crises qui domine l’historiographie (Skocpol, 1985).
On retrouve la même visée explicative dans les approches psychologisantes (Gurr, 1970) ou la théorie de la mobilisation des ressources (Tilly, 1978). L’idée selon laquelle des chaînes de causalité analogues pouvaient être identifiées dans des processus critiques a nourri des tentatives nombreuses de modélisation, empruntant parfois aux mathématiques, comme dans l’analyse des bifurcations et la théorie des catastrophes que propose Erik Christopher Zeeman (Zeeman, 1977) en s’inspirant des travaux de René Thom, au risque, par cet hyper-formalisme, d’oublier les aspérités du réel.

La visée explicative des crises pose pourtant des problèmes majeurs, en particulier par son effet anesthésiant qui fait disparaître l’événement derrière le modèle, le singulier devenant de fait régulier. S’il est vrai, si l’on suit Leibniz, que les phénomènes sociaux ont une dualité constitutive, de sorte qu’un même phénomène ou un même événement peut être considéré comme régulier ou singulier, l’historiographie récente a semblé vouloir restaurer la dignité de l’événement en consacrant à la contingence toute la place qu’elle mérite dans les « conjonctures fluides » (Dobry, 2009). La critique de « l’illusion étiologique » formulée par Michel Dobry a, notamment, ouvert le champ du questionnement. Elle a conduit à substituer au langage des causes celui des conditions de possibilité : il s’agit d’écarter tout déterminisme sans ignorer le contexte structurel dans lequel se déploient les crises. Mais le regard porte désormais sur les événements qui font les crises, sur les jeux d’acteurs qui s’y déroulent, sur ce qui se passe à l’intérieur même des conjonctures fluides (Gaïti, 1999 ; Banégas, 2003 ; Heurtaux, 2020). Loin de se réduire à un petit nombre de facteurs explicatifs, l’événement redevient digne d’attention (Gobille, 2008a).
Les crises ne sont plus perçues comme les conséquences nécessaires de variables indépendantes : pénurie structurelle des économies planifiées des régimes communistes, engorgement du marché du travail dans les pays arabes, corruption endémique des élites africaines, etc. Les acteurs des crises sont désessentialisés (Tackett, 1997 ; Jeanpierre, 2011) et le regard s’arrête tout autant sur les « protagonistes » (Burstin, 2013 ; Politix, 2015) des crises que sur les acteurs révolutionnaires proprement dits. D’explicative, l’approche devient compréhensive : le « comment » des crises se substitue au  « pourquoi ». Cette nouvelle analyse des processus critiques n’invalide pas tout à fait la geste modélisatrice, tant chez Michel Dobry, dont les travaux proposent de riches développements conceptuels que, plus récemment chez Ivan Ermakoff, qui analyse la contingence à la lumière de la théorie des jeux, dans son étude des phénomènes d’abdication collective, tels les sabordages des parlements allemands (en 1933) et français (en 1940) et le vote des pleins pouvoirs à Hitler et Pétain (Ermakoff, 2008). Ce dernier a pu montrer des logiques de coordination tacite et d’alignement entre les acteurs : les individus sont incités à partager les mêmes croyances que celles qu’ils pensent être à l’œuvre chez leurs pairs. Ces travaux, avec d’autres, invitent à éclairer sous un jour nouveau ce qui se joue au cœur même des processus critiques : les ambivalences situationnelles, les possibles non advenus, les effets induits, les issues surprenantes.

Une autre ambivalence de l’explication est sa proximité voire sa confusion avec le registre de l’interprétation, tant dans le discours profane, le récit journalistique, que dans les productions savantes. Dans un article de 1970, Philippe Bénéton et Jean Touchard avaient repéré, à partir des quelques 120 livres publiés sur Mai 68, huit types d’interprétation de Mai (de « l’entreprise de subversion » au « conflit de classes » en passant par la « crise de l’université » ou la « révolte spirituelle »), qui se proposaient comme autant d’explications du surgissement de l’événement (Bénéton et Touchard, 1970). Certaines explications reprenaient tels quels les récits de certains acteurs quand d’autres proposaient une analyse à froid. Le « travail de la signification » d’une crise ouvre des pistes de recherches passionnantes, que ce dossier invite à creuser, visant à repérer qui sont les interprètes autorisés ou non d’une crise, à quels registres de discours ils puisent pour l’expliquer, et comment naissent les débats publics et controverses scientifiques sur l’explication de la survenue d’une crise. Si ces pistes ouvrent sur une réflexion autour des postérités des crises (cf. infra Axe 4), elles ne doivent pas faire oublier ce qui se joue au niveau des acteurs individuels et collectifs et dans leurs expériences concrètes de la crise.

Axe 3. Échelles et expériences de la crise

Partir des « expériences » de la crise permet d’observer celle-ci par le bas – un « bas » entendu à la fois comme échelle et comme point de vue et non pas simplement comme une localisation sociale que l’on pourrait circonscrire à un groupe (Cerutti, 2016 ; Noiriel, 2020 ; Tarragoni, 2017). En articulant la crise objectivée par les sciences sociales (économie, sociologie, histoire, géographie, science politique) avec la manière dont les acteurs la vivent, la nomment et la perçoivent, ce sont à la fois la diversité des acteurs et l’intrication des différentes échelles qui sont en jeu (Revel, 1996 ; Deluermoz, Gobille, 2015). On s’intéressera donc aux effets de kaléidoscope induits par les changements de focale et de lieux d’observation, du collectif au singulier, de la crise globale à ses manifestations locales, du dominant au dominé, du profiteur à la victime, etc. La crise doit pouvoir s’analyser à partir des groupes aussi bien qu’à partir des individus qui la vivent, à partir des discours experts et profanes, à partir d’endroits du monde social considérés comme « représentatifs » comme à partir de cas-limites (Levi, 1989). Qu’est-ce que les crises font aux vies ordinaires, aux intimités, aux relations sociales ou à la vie publique ? Comment articuler ces temps extraordinaires avec les routines des temps normaux ? Comment les crises globales se répercutent-elles jusqu’aux individus ?

Chez celles et ceux qu’elle percute de plein fouet, la crise a souvent cela de commun qu’elle engendre un contexte de forte incertitude, fondé sur l’imprévisibilité et l’amenuisement des routines. Cette suspension peut créer le sentiment d’une « effervescence créatrice » qui fait que « l’individu ‘se surprend lui-même’, ‘se découvre’ (que l’on songe à l’exemple idéal-typique des événements de Mai 1968), accomplit des actes impensables en temps ordinaire, ‘se sent porté’ par des forces extérieures, qui brisent les routines quotidiennes et ‘font éclater les limites de son existence’ » (Dobry, 2009, p. 257-258). Pourtant, poursuit M. Dobry, l’effet paradoxal et plus inattendu de la crise peut être la « régression vers les habitus » : la crise ne fait pas que « libérer » des possibilités nouvelles, elle est aussi un moment durant lequel « le passé d’une société, ce qu’elle a été et les expériences qu’elle a connues, tendent à persister et à façonner jusqu’aux perceptions et comportements des acteurs dans les moments mêmes où le monde social paraît se défaire autour d’eux. » (ibid.). L’incertitude propre aux crises favorise également souvent les mobilisations, parfois contradictoires ou concurrentes, du passé, de même qu’un besoin urgent de comprendre, qui peut déboucher sur une inflation de la production intellectuelle et scientifique (Ravelli, 2020, p. 268). Elles voient aussi la mise en place de routines propres, d’institutions ou de procédures parallèles qui se substituent à celles qui ont failli.

Pourtant, la manière exacte dont cette incertitude affecte les vies dépend d’un nombre important de variables, selon que les acteurs s’impliquent activement dans le processus critique – dans le cas, par exemple, d’une participation active à un processus révolutionnaire – ou qu’ils soient percutés par lui inopinément – comme lors d’une crise économique –, et selon leur marge de manœuvre, leurs ressources et leurs positions respectives. La diversité des expériences critiques nous invite donc à renoncer à penser la crise comme un « contexte » qui serait là a priori, unifié et homogène, comme une sorte de décor sur le fond duquel se dérouleraient les expériences individuelles et collectives. À l’inverse, ne faut-il pas penser la crise à partir de la somme des manières d’en faire l’épreuve et ce faisant, « constituer la pluralité des contextes » (Revel, 1996, p. 26) ?

Cela semble d’autant plus nécessaire que la crise transforme bien souvent ceux qui y prennent part : parfois accélératrices de politisation, mais aussi de production de connaissances, les crises politiques sont par excellence le lieu de ce « protagonisme » identifié par Haïm Burstin, par lequel « les acteurs populaires – étudiés tout autrement que comme classe sociale réifiée –, c’est-à-dire, en l’espèce, des profanes souvent sans expérience politique préalable […] sortent de l’anonymat à la faveur de l’événement » et se mettent ainsi à façonner le cours de l’histoire (Deluermoz, Gobille, 2015, cit. p. 14 ; Burstin, 2013).

Les lignes de clivage entre participants et opposants ou simples observateurs extérieurs, entre profiteurs et victimes de la crise, profanes et professionnels créent une multiplicité d’expériences, mais aussi d’analyses. Aux entrepreneurs de mobilisation et aux organisations politiques, se heurtent les représentations et pratiques des nouveaux arrivants ; aux chiffres produits par les experts (ceux des manifestations, ceux de la pandémie, ou ceux de la comptabilité publique) et à leurs interprétations, elles-mêmes parfois dissonantes, répondent d’autres contre-expertises venues de la société civile. Qui sont ceux qui s’instituent comme professionnels de la crise, qu’ont-ils à y gagner ? On s’intéressera donc aux différents discours d’analyse et de diagnostic émanant d’acteurs pris dans la crise, en incluant comme significatives et représentatives les théories dites « du complot » et au-delà, la désignation de responsables, sans céder à une « approche pathologique de la figure du complot » (Rios-Bordes, 2017) ni au « sentiment de supériorité culturelle » du chercheur par rapport à l’objet de son enquête (Ginzburg, 1992, p. 11, à propos de la sorcellerie). Car la crise amène souvent avec elle vrais profiteurs et faux coupables désignés à la vindicte populaire. Les discours scientifiques, « experts » ou proclamés tels, peuvent également être pris à parti (voir Ravelli, 2020, sur la place des chercheurs en sciences sociales dans le mouvement des Gilets jaunes, « entre science embarquée et science engagée »).

La crise vient également percuter les existences jusque dans leur intimité : la Grande Guerre comme la Saint-Barthélemy peuvent ainsi être observées depuis le lien conjugal qu’elles viennent déstructurer et mettre à l’épreuve (Vidal-Naquet, 2014 ; Foa, 2021). Analyser les crises par l’expérience intime qu’en font les acteurs révèle aussi que l’on peut passer entièrement à côté. Car elle ne vient pas percuter toutes les existences ordinaires au même titre. Des routines se maintiennent en temps de chaos et il arrive que des groupes entiers échappent à ce qui est en train de se produire. Même une déflagration aussi puissante et manifeste que la Saint-Barthélémy ne vient pas entamer toutes les existences : dans les rues mêmes où les tueries se déroulent en 1572, « toutes les horloges de la ville ne se figent pas sur l’heure du massacre. Au cœur de cette crise – est-ce vrai de toutes ? – demeurent des arythmies, des asynchronies qui disent qu’elle n’entraîne pas tout et tout le monde, ne détermine pas tous les gestes. Pendant que certains égorgent leurs voisins, tandis que d’autres succombent, des Parisiens travaillent, vivent normalement, se marient, s’entêtent, passent contrat, font comme s’il ne se passait rien » (Foa, 2021, p. 121). Là où Pierre Bourdieu définit la crise comme une « brutale synchronisation de temporalités différentes », l’échelle micro, démontre Jérémie Foa, implique de donner sa part à la coexistence de temporalités adjacentes mais non coalescentes (ibid.). Les crises possèdent une, voire des temporalités propres, et modifient le rapport au temps des acteurs, qui se rapportent de manière renouvelée à leur passé et à leur avenir, tant sur le plan du temps biographique que sur celui de l’histoire collective (Koselleck, 1982 ; Tarragoni, 2018). Pour cette même raison, ne constituent-elles pas un poste d’observation privilégié de l’articulation entre l’ordinaire et l’extraordinaire (Judde de Larivière, Weisbein, 2017) ?

Se pose ainsi, enfin, la question de la temporalité des crises : comment les circonscrire dans le temps ? Quelle expérience les acteurs font-ils de la durée de la crise ? Bien souvent, elles semblent s’étirer dans le temps, et les acteurs manifestent ardemment leur « désir qu’on puisse clore cette séquence épuisante du fait de son incertitude même » (Wahnich, 2015). Déterminer l’étendue chronologique des crises, c’est aussi essayer de leur assigner une fin, et une modalité de sortie.

Axe 4. Les après-crise

L’interprétation des crises évoquée supra relève d’un ensemble de pratiques discursives et symboliques qui se déploient pendant le moment de crise et surtout après, si tant est qu’on puisse toujours identifier une « fin » (et un début !) à une crise. D’une certaine façon, les récits ex-post font la crise tout autant que celle-ci les stimule : il arrive que des crises disparaissent des méta-récits historiques et suscitent un oubli collectif, du fait de leurs conséquences jugées désastreuses sur la société concernée, à l’instar de la crise politique que connut l’Algérie entre 1988 et 1991, qui aurait été responsable de la plongée dans la violence terroriste des « années noires » (Aït-Aoudia, 2015). Les crises d’une certaine ampleur ont le plus souvent une riche vie mémorielle après leur mort, qui peut se révéler très agitée. Les anniversaires et commémorations ne sont pas que de simples remémorations : ils donnent fréquemment lieu à des réinterprétations de la crise. Il en est ainsi de la Révolution française, dont la commémoration nationale joue sur l’ambiguïté entre « deux 14 juillet » : celui de 1789 avec la prise de la Bastille (révolte populaire) et celui de 1790 avec la fête de la Fédération (unité nationale). Des ambiguïtés analogues ont guetté les commémorations récentes de la Commune de Paris comme de Mai 1968.
Certains conflits mémoriels, comme pour Mai 68, se sont resserrés « sur un nombre limité de schèmes d’explication » (Gobille, 2008b), réduisant la complexité et la diversité de 68 à quelques traits saillants : focalisation sur les soixante-huitards les plus célèbres au détriment des moins connus, sur le mai parisien et étudiant au détriment du mai-juin ouvrier, au détriment aussi des Mai 68 en province, au détriment enfin des Mai 68 dans d’autres pays du monde (États-Unis, Belgique, Allemagne, Pologne, Italie…). La mémoire collective de la 1ère Guerre mondiale s’est trouvée profondément transformée par la réhabilitation des fusillés de l’armée française (Offenstadt, 1999). Dans ce cas comme dans d’autres, les relectures mémorielles et les évolutions dans l’historiographie peuvent dialoguer, aller de pair, se renforcer mutuellement ou bien entrer en conflit (Audoin-Rouzeau, Becker, 2000), sur fond parfois d’instrumentalisation politique. C’est donc la question de la postérité des crises qui est ici posée. Pourquoi certaines crises sont-elles effacées des récits historiques ? Pourquoi certains récits mémoriels changent-ils en fonction des circonstances ? Pourquoi les crises majeures de l’histoire contemporaine donnent-elles lieu à des controverses mémorielles et à des usages politiques du passé dans le cadre des luttes de pouvoir (Heurtaux, Pellen, 2009) ?

Au-delà des enjeux mémoriels, les crises laissent des traces multiples qu’il s’agit d’analyser. La crise produit-elle toujours une rupture et si rupture il y a, celle-ci relève-t-elle des pratiques réelles ou seulement de l’ordre de l’intelligibilité (Fassin, Bensa, 2002) ? Quels sont les effets multiples d’une crise et sur quoi ? Au demeurant, ces effets peuvent être directs et prévisibles comme indirects, induits ou contre-intuitifs. Comment, aussi, les décrire et les mesurer, dans plusieurs échelles de temps ? L’histoire et la sociologie de l’événement pourront être mobilisées par les contributeurs-rices au dossier, pour penser la crise et sa postérité, la dialectique du fait et de la trace, de l’événement et de ses effets.

L’un des axes de réflexion sur les effets des crises porte, enfin, sur le caractère disruptif d’une crise ou, au contraire, de sa dimension « instituante » (De Blic, Lemieux, 2005). Dans certaines cultures, comme en Chine, où l’idéogramme crise (weiji) est un synthème composé des idéogrammes « menace » (wei) et « opportunité », renvoyant originairement au ressort des arbalètes (ji), la crise désigne à la fois une épreuve et une chance (Julien, 2020). La crise est bien, dans l’acception médicale du terme, ce moment décisif dans l’évolution d’une maladie, qui peut cependant évoluer vers la mort comme vers la guérison. La sociologie pragmatique a montré comment, en révélant un écart entre les valeurs revendiquées et les pratiques réelles, une crise pouvait conduire à la réaffirmation des normes comme à l’édiction de  normes nouvelles. A l’instar des scandales politico-financiers dans la France du 19ème siècle, la révélation des collusions entre les mondes industriels, politiques et journalistiques a pu conduire à construire la profession de journaliste et contribué à moyen terme à l’autonomisation de l’espace journalistique (De Blic, 2005) : il y a là une grille d’analyse susceptible d’être mobilisée dans des contextes très variés.

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Modalités de soumission

L’appel à contribution a valeur de cadrage et permet la sélection des contributions en fonction de leur pertinence par rapport au thème et aux enjeux du numéro. Il a, en outre, vocation à suggérer aux rédacteurs potentiels quelques pistes générales de réflexion.

Articles

Les articles représentent des contributions originales à la recherche, qui suivent les normes habituelles de la production scientifique. Ils doivent tous se positionner par rapport à l’appel à contributions.

Différents types d’approches sont possibles, permettant de diversifier la manière d’aborder la thématique : nous accueillons tant des articles à vocation essentiellement théorique, que des contributions fondées sur des recherches empiriques, où les enjeux méthodologiques seront précisés et discutés.

Tracés étant une revue interdisciplinaire, les articles doivent pouvoir être compréhensibles et pertinents pour des lecteurs et des lectrices non spécialistes ; ils peuvent également faire appel à des méthodes et des références de plusieurs disciplines, ou interroger les présupposés ou les outils empiriques et théoriques d’une discipline à partir du point de vue d’une autre discipline. Les articles soumis ne peuvent excéder 40 000 signes (espaces, notes, et bibliographie incluses).

Notes

Nous publions des notes critiques qui présentent un ensemble de travaux (éventuellement un ouvrage en particulier), une controverse scientifique, ou l’état d’une question actuelle. Elles doivent dans tous les cas se rattacher explicitement à la thématique du numéro et permettre d’éclairer des orientations de recherche ou des débats inhérents à cette dernière, notamment pour des lecteurs et des lectrices non spécialistes des disciplines concernées.

Les notes soumises ne peuvent excéder 25 000 signes (espaces, notes, et bibliographie incluses).

Entretiens

Des entretiens avec des chercheurs, chercheuses ou d’autres expert-e-s des questions étudiées sont également publiés dans chaque numéro. Les contributeurs et les contributrices qui souhaiteraient en réaliser sont invité-e-s à prendre contact directement avec les coordinateurs du dossier : Federico Tarragoni (federico.tarragoni@gmail.com), Rachel Renault (Rachel.Renault@univ-lemans.fr) et Jérôme Heurtaux (jerome.heurtaux@cefres.cz).

Traductions

Les traductions sont l’occasion de mettre à la disposition du public des textes peu ou pas connus en France et qui constituent un apport capital à la question traitée. Il doit s’agir d’une traduction originale. Le choix du texte devra se faire en accord avec les coordinateurs du dossier et le comité de rédaction ; les questions de droits devront être réglées en amont de la publication.

Recommandations pratiques

Il est donc demandé aux contributeurs et aux contributrices de bien préciser pour quelle rubrique l’article est proposé. La soumission d’articles en anglais est également possible, mais si l’article venait à être retenu pour la publication, sa traduction nécessaire en français demeure à la charge de l’auteur ou de l’autrice.

Les auteurs et autrices devront envoyer leur contribution (article complet) pour le 15 avril  2022 aux coordinateurs du dossier. Si elles ou ils le jugent utile, les auteurs et autrices peuvent adresser dès qu’ils le souhaitent un résumé (en indiquant le titre de leur contribution, la rubrique dans laquelle ils le proposent, ainsi qu’un bref résumé du propos) aux coordinateurs du dossier, pour leur faire part de leur intention de soumettre un article.

Chaque article est lu est par un-e membre du comité de rédaction et par deux évaluateurs et évaluatrices extérieur-e-s. Nous maintenons l’anonymat des lecteurs et lectrices et des auteur-e-s. À l’aide de ces rapports de lecture, le comité de rédaction de Tracés rend un avis sur la publication et décide des modifications à demander aux auteur-e-s afin de pouvoir publier l’article. Dans le cas de propositions trop éloignées de l’appel à contribution ou des exigences scientifiques de la revue, le comité de rédaction se réserve le droit de rendre un avis négatif sur la publication sans faire appel à une évaluation extérieure. Hormis ces exceptions, une réponse motivée et argumentée est transmise aux auteur-e-s suite à la délibération du comité de lecture.

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