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Art et réseaux sociaux

Expected response for the 10/01/2022

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À l’ère de l’hyperconnexion, les réseaux sociaux numériques (RSN) ont amené le principe du partage à son paroxysme dans l’environnement du World Wide Web. Devenue partie prenante de notre vie, la réseausphère où 8 français sur 10 sont présents – pour ne parler que de la France – se montre indispensable à la vie professionnelle des artistes, comme à la survie des institutions artistiques.

L’image du réseau est au cœur même de la conception du web depuis son début. C’est même à partir du web 2.0, fondé sur l’architecture de participation, que la question du social prend son plein essor. Surnommé « web social », « web interactif », « web communautaire », « web participatif », le web 2.0 inaugure les conditions techniques nécessaires à la construction d’un espace de socialisation, un lieu dont l’une des fonctions principales est de faire interagir les utilisateurs entre eux dans une production perpétuelle de contenus, assurée notamment par une multiplicité de plateformes de réseaux sociaux numériques. Ces plateformes, dites ouvertes et gratuites, fonctionnent par un principe d’invitations où l’utilisateur est accueilli dans un flux de partage et d’exploitation de données données personnelles, d’interaction et de regroupement des personnes autour de centres d’intérêts, d’opinions, de sentiments, d’identités, de viralité, de distribution de contenus en tout genre, de ciblage, d’importation de contenus multimédia, d’interopérabilité, de flux RSS et, enfin et surtout, de publicité.

L’analyse des réseaux est déjà bien systématisée dans l’anthropologie et surtout dans la sociologie des réseaux sociaux, toutes deux construites – bien avant l’arrivée du web – à partir des premières réflexions de Georg Simmel et, plus tard, de John Barnes, le premier à faire l’usage du mot « réseaux » dans les années 1950. Les théories évoluent en intégrant les nouvelles technologies, sous les plumes plus contemporaines de Dominique Cardon ou Dominique Boullier, à qui l’on doit la notion de sciences sociales de troisième génération visant à rendre compte du défi de rénovation conceptuelle face aux RSN. Pourtant, l’articulation de ces études avec la sociologie de l’art reste une initiative récente et n’aborde l’impact des RSN sur le monde de l’art que de façon périphérique ou limitée aux discussions plus générales autour du digital labor ou de la culture numérique (Antonio Casilli). Les mêmes remarques peuvent être étendues aux autres domaines de recherche, tels que la philosophie (Pierre Musso, Alexandre Monnin) et les sciences de l’information et de la communication (Nisrine Zammar, Yves Jeanneret).

Même les approches plus spécifiques de la critique d’art (Melissa Gronlund) ou la théorie de l’art et des médias – telles que les publications de Juan Martín Prada, Pauline Escande-Gauquié ou Bertrand Naivin qui évoquent notre hypermodernité écranique, connectée et réseautique – ne rendent pas totalement compte des métamorphoses du monde de l’art envahi par une logique qui bouleverse nos régimes attentionnels (Yves Citton, Bruno Patino) en imposant des expériences esthétiques d’un tout autre ordre, accélérées, fragmentées, voire éparses.

Pourtant, l’on constate que si les chercheurs peinent encore à aborder le sujet de façon plus directe dans leurs réflexions, les agents les plus remarqués du monde de l’art d’aujourd’hui sont largement présents sur Facebook, Instagram, Snapchat, Tumblr et Twitter. Certains artistes s’approprient également les mécaniques, les formes et les logiques communicationnelles des réseaux sociaux numériques en tant que matière pour leurs créations, comme Claudia Sahuquillo, Marius Sperlich, Grégory Chatonsky, Amalia Ulman, Richard Prince, Oli Epp, John Yuyi, Antoine Geiger, Laurence de Valmy, Katja Novitskova, Silvia Velázquez, Brice Krummenacker, Gustavo von Ha, sans oublier Cindy Sherman, artiste emblématique du pré-web.

Le terme déjà ancien de Net.art entre dans l’ère du « post-média » (Jean Paul Fourmentraux, Domenico Quaranta) en se confrontant à des termes comme post-digital, post-internet et data-activisme signalant que nous sommes dans une société du « tout numérique », où notre expérience esthétique n’échappe plus aux médias ni au numérique. Au-delà des conséquences des réseaux sur la création, l’on constate peut-être les changements les plus frappants dans le domaine de la diffusion (Pinterest et Instagram exposent-ils ?) ainsi que de la réception : sur nos écrans tactiles, quelles expériences faisons-nous des œuvres d’art en tout genre, devenues images de plus, choisies par des algorithmes et affichées sur nos timelines ? Le régime foncièrement communicationnel par lequel fonctionne la réseausphère impose des formes standardisées qui touchent tous les agents du monde de l’art en les confrontant à de grands défis pour ceux qui acceptent de s’y adapter et même pour ceux qui les contestent.

Sachant que cette promesse de « mise en visibilité » est au cœur même du fonctionnement des réseaux sociaux numériques, ce numéro de Marges propose d’explorer l’impact des réseaux sociaux dans la production et la création artistique, dans la diffusion de l’œuvre d’art par de nouvelles modalités d’expositions, mais aussi dans la construction et l’entretien de l’image des artistes eux-mêmes, dans la consommation et la réception artistique aussi bien que dans sa production de valeur. Quels sont les intérêts et usages des RSN dans la création artistique ? Dans quelle mesure soutiennent-ils ou entravent-ils la production artistique, sa reconnaissance ou sa diffusion ? Dans quelle mesure les RSN ont changé les rapports entre les agents / acteurs et les institutions du monde de l’art ? Que devient l’exposition dans un espace où tout est image ? De quelle expérience esthétique parle-t-on ? Quels seraient les impacts des RSN sur la médiation culturelle et la démocratisation de l’art ?

Axes de réflexion possibles :

  • L’art dans les réseaux sociaux pré-web face à l’art des RSN ;
  • La datafication du monde de l’art et la logique algorithmique dans la « mise en visibilité » ;
  • Instagram, la grande « galerie numérique » omniprésente au sein du monde de l’art et ses injonctions à l’« instagramable » : « art instagramable », « musée instagramable », « exposition instagramable », etc ;
  • La mise en récit de soi dans les réseaux sociaux des artistes ;
  • Œuvre d’art et censure dans les RSN ;
  • Projets artistiques en partenariat entre artiste et application de réseau social ;
  • Créations artistiques collectives sur les RSN ;
  • Les rôles des RSN dans le Mobile Art ;
  • La culture du selfie et l’injonction à la participation dans les expositions étendues sur les RSN ;
  • Les pistes possibles d’évolution pour l’avenir du monde de l’art sur la réseausphère du web 3.0 (« web décentralisé », « web sémantique », « web spatial (3D) ») : l’œuvre d’art et l’exposition en réseautage immersive dans le métavers.
  • Les RSN comme source pour la recherche en art ;
  • La transformation du statut des œuvres à l’heure de l’évaluation en forme de like/dislike ;
  • Le marché de l’art sur la réseausphère : une valorisation des œuvres spécifique aux RSN – monnaies virtuelles, NFT, Blockchains…
  • Les œuvres numériques face à l’obsolescence des RSN, leur mémoire et leur devenir.

Les propositions devront nous parvenir avant le 10 janvier 2022, sous la forme d’une problématique résumée (5000 signes maximum, espaces compris), adressée par courriel à josias.padilha@usp.br

Les textes sélectionnés (en double aveugle) seront présentés par leurs auteurs lors de deux demi-journées de séminaire sur Zoom les 12 et 19 mars 2022. À l’issue de ces rencontres, les textes définitifs devront parvenir le 30 avril 2022 (30.000 à 40.000 signes, espaces et notes comprises). Certaines de ces contributions seront retenues pour publication dans le numéro 36 de Marges (printemps 2023).

La revue Marges (Presses Universitaires de Vincennes) fait prioritairement appel aux jeunes chercheurs des disciplines susceptibles d’être concernées par les domaines suivants : esthétique, arts plastiques, histoire de l’art, sociologie, études théâtrales ou cinématographiques, littérature, musicologie…

 

 

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