Revue Terminal

Algorithmes créatifs : Quand la logique devient art ?

Questionner la créativité au regard de la performance algorithmique

Expected response for the 05/09/2025

Response type Résumé

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Publication name Revue Terminal

Coordinators

La revue terminal lance un AAC en vue d’un dossier intitulé ” Algorithmes créatifs : Quand la logique devient art ? Questionner la créativité au regard de la performance algorithmique”. Les résumés sont attendus pour le 5 septembre.

Présentation

Si l’œuvre d’art « a toujours été fondamentalement reproductible » pour Benjamin (1936), depuis l’ordinateur, qui est « la matière la plus plastique à la main des artistes » (Malina, 1990), la capacité de (re)production technique des outils numériques — regroupés derrière différents vocables : intelligence artificielle, intelligence générative, réseaux de neurones, réseau antagoniste génératif, apprentissage machine — se perfectionne (Newton & Dhole, 2023) au point d’essayer de concurrencer les maîtres du passé (à l’image du projet The New Rembrandt). Cependant, cela ne tient pas compte des qualités uniques qui font de l’art une expression profondément humaine avec des éléments tels que l’émotion, l’intuition ou encore le contexte culturel qui sont difficiles à appréhender numériquement. De plus, pour (re)produire, la machine doit s’appuyer sur des exemples pour savoir à quoi le résultat doit approximer. Elle doit faire le lien entre images et mots pour atteindre son objectif (Somaini, 2024). Les grands acteurs du numérique mettant alors en œuvre de nombreuses stratégies pour collecter des exemples pour alimenter leur système génératif. Nourris par des jeux de données plus ou moins biaisés (« le blanchiment des images » (Wagon & Degoutin, 2022), ou obtenus de manière plus ou moins licites1 (Copyright Infringement / atteinte aux droits d’auteurs), l’accès à des matériaux primaires est crucial pour les outils. C’est sur cette base, tel l’élève qui reproduit le maître, que l’algorithme construit sa production.

Depuis les résultats remarqués de l’usage des réseaux de neurones pour la classification des images lors du concours ImageNet (He et al., 2015), la performance des algorithmes utilisés n’a cessé de croître au point que d’aucuns se questionnent sur le remplacement de l’artiste par la machine (Moruzzi, 2020) ? Avec un accès de plus en plus facilité aux outils génératifs et autres algorithmes prédictifs, les artistes, de tous les domaines, s’en emparent aussi bien pour explorer les possibilités (Refik Anadol ou Le Guern [2024]), comprendre l’appréhension des questions d’IA (Hemment et al., 2023), en critiquer les limites ou les biais (In/Visible2), mais aussi pour mettre en discussion ces dispositifs techniques (ex : Mix Feeling de Filipe Vilas-Boas). La question est loin d’être tranchée dans les milieux artistiques comme le témoigne l’enquête de Kawakami & Venkatagiri (2024) qui souligne les vives inquiétudes de certains artistes, mais aussi les espoirs. En effet, morceaux de musique, tableaux vendus — y compris dans de prestigieuses galeries —, œuvres littéraires, performances artistiques… générés par IA, la question de la place des auteurs et de leur rémunération est au cœur des enjeux débattus actuellement (Epstein et al., 2020).

Ces nouveaux dispositifs soulèvent fortement la question de la créativité. Ce numéro thématique est l’occasion d’y revenir et d’interroger in fine la logique qui sous-tend l’algorithme  : fait-elle (ou contribue-t-elle à faire) art ?

Liste non exhaustive des questions et des thèmes qui pourront être abordés

Usages et pratiques artistiques : quel(s) usage(s) pour quelle(s) pratique(s) ? La frontière entre l’artiste et la machine se brouille (Bozkurt, 2024), il nous semble essentiel de mieux appréhender les dialogues qui se mettent en place entre le monde des arts et celui de la machine. Dans ce contexte, maîtriser l’art du « prompt » (Oppenlaender et al., 2024) suffit-il pour se qualifier d’artiste ? Quelle(s) perceptions pour les œuvres d’humains et celles de machines (Hong & Curran, 2019) ? Peut-on réussir à programmer l’incertain/accidentel du travail artistique ?

Biais et enjeux éthiques :

Quelles représentations dans notre société sont traduites dans ces dispositifs d’IA générative, et in fine ses biais (Gefen, 2024)3 ? Que traduisent les garde-fous internes mis en œuvre par les grands acteurs du numérique ? Que nous apprennent les interstices dans lesquels artistes et chercheurs s’aventurent (Sivertsen et al., 2024) ? Quels mésusages pour ces outils génératifs affectent aussi notre société (Aboutalebi et al., 2024) ou la confiance dans les artistes ?

Les impacts sur la créativité :

La question de la créativité est centrale. Si l’IA peut aider à créer de nouvelles œuvres ou à reproduire des œuvres existantes, c’est la source et l’utilisation des données qui déterminent souvent son efficacité. Cela renvoie à des discussions plus larges sur la créativité : quelle est la part de l’original par rapport à celle du dérivé ? Dans cette perspective, l’IA peut-elle réellement inspirer de nouvelles directions artistiques ou esthétiques (Paul, 2016) ? Horton Jr et al. (2023) posent aussi la question différemment en soulignant que cette émergence permettrait, par contraste, in fine de mieux percevoir la créativité humaine.

Production/reproduction :

Nous retrouvons des questionnements advenus lors de la révolution industrielle, mais aussi au XXe siècle avec l’arrivée de l’informatique dans le champ de l’art. Comment (et est-ce que) l’articulation humain/IA reconfigure l’acte créatif ? Que nous apprend cette datafication (Flensburg & Lomborg, 2023) de l’art et de ses acteurs ? Une question centrale sur cette créativité artificielle est celle des sources et de l’usage d’œuvres pour entraîner les modèles (Murray, 2023).

Les enjeux socio-économiques de la créativité :

Le nombre d’artistes continue de croître et les enjeux de leur rémunération restent cruciaux. Faire appel à la créativité des artistes, c’est aussi s’inscrire dans le projet politique d’une nouvelle industrie créative qui enjoint les artistes à mettre en place une démarche entrepreneuriale (Bouquillon et al., 2015). Ce projet d’une « économie créative » repose sur l’idée d’une nouvelle modalité de création de richesses et d’emplois par l’exploitation de la propriété intellectuelle ou des droits d’auteurs (Schlesinger, 2016). Cette question de l’attribution de l’origine de la création n’est jamais simple et soulève des enjeux importants pour la valorisation des produits artistiques (Bullich, 2011). Les outils numériques viennent fortement complexifier cette question. Les artistes sont confrontés à de nombreuses difficultés pour réussir à prouver qu’effectivement un algorithme génératif a fait un usage substantiel d’une œuvre en particulier. Quelles sont les démarches qui peuvent être entreprises ? Quel est le positionnement des entreprises du numérique vis-à-vis de la propriété intellectuelle et des droits d’auteur ?

Les enjeux d’éducation et d’accessibilité de l’art :

Dans ce numéro, nous voudrions aussi ouvrir la porte aux questions relatives à l’éducation à l’art et à son accessibilité (aussi bien sur le volet de la pratique que pour son intelligibilité). En effet, devons-nous considérer les outils comme des facilitateurs pour permettre un art accessible à tout un chacun ? Quels discours, à la fois personnel, mais potentiellement hors-sol, construisent alors ces outils ?

Calendrier

Avril 2025

Lancement de l’appel à articles.

5 septembre 2025

Date limite de réception des propositions d’articles (2 pages).

30 septembre 2025

Date limite de réponse aux autrices et auteurs (sinon au fil de l’eau).

15 décembre 2026

Date limite de remise des articles complets* pour évaluation.

15 février 2026

Envoi des commentaires des évaluateurs.

30 avril 2026

Envoi des articles révisés.

Juin 2026

Publication des articles en ligne.

* Les Consignes aux auteurs sont sur le site de la revue.