- From at
Event place MSH Dijon - Université de Bourgogne (présentiel et distanciel),
Les attentes sociétales vis-à-vis de la production alimentaire sont nombreuses : produits dequalité, réduction de la pollution, respect de la biodiversité et du bien-être animal, et ce alors que les agriculteurs sont soumis aux lois d’un marché fortement concurrentiel. Les cultures, quant à elles, subissent la pression d’un ensemble d’organismes qu’il est nécessaire de maîtriser. L’usage de produits phytosanitaires, bien qu’au cœur de nombreuses controverses scientifiques et polémiques médiatiques, est susceptible d’apparaître comme une solution pour minorer les pertes.
Alors que la protection des cultures a été documentée depuis l’Antiquité, les pesticides de synthèse ont fait émergence dans le cadre de la Révolution verte, avec un package technologique comprenant la mécanisation, l’irrigation et les monocultures (Deléage, 2019). Aux Etats-Unis, des toxicologues et des biologistes se sont intéressés à partir des années 1960 aux conséquences de l’usage de ces produits sur la santé humaine (Jouzel, 2019) et sur l’équilibre des écosystèmes (Carson, 1962). Les alertes données par les apiculteurs sur le déclin des abeilles ont été longtemps négligées, leurs connaissances informelles, non réductibles et locales étant dévalorisées par les formes instituées du savoir (Kleinman, 2012).
En France, les mesures publiques d’ampleur ont vu le jour avec le Grenelle de l’environnement lancé en 2007, en particulier avec le programme Ecophyto (Aulagnier et Goulet, 2017). Son objectif est de réduire de 50 % l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à l’horizon 2025. Plus récemment, l’interdiction des usages domestiques et urbains des pesticides a été promulguée, suivie du classement du glyphosate comme « cancérigène probable » en 2015 par le Centre International de Recherche sur le Cancer. Malgré ce classement, l’Union Européenne a réautorisé la mise sur le marché de cette molécule en 2017, alors que de nombreux contentieux ont été lancés par des victimes des produits phytosanitaires (cf. Paul François, Dewayne Johnson). Certaines ont obtenu gain de cause, les réponses juridiques défavorables aux industries s’appuyant sur la responsabilité des produits défectueux et l’obligation d’avertissement (Lambert, 2020).
L’usage des pesticides fait actuellement l’objet d’un intense débat public dans les instances médiatiques, politiques et associatives. Sur le plan médiatique, des études récentes concluent à un cadrage simplificateur entre « bons » et « mauvais » pesticides (biopesticides vs. pesticides chimiques), ainsi qu’à une instabilité terminologique ne permettant pas au grand public de saisir ces problématiques complexes (Ledouble, 2020). Sur le plan politique, la dérogation accordée en 2020 aux néonicotinoïdes, pesticides dits « tueurs d’abeilles », a fait l’objet de fortes controverses. Des voix dissonantes issues des mouvements associatifs et citoyens se lèvent : en s’appropriant ce problème, elles le font migrer d’un univers strictement agricole vers un problème de société.
Au vu de la complexité des enjeux actuels et à venir, l’objectif de ces journées d’études est de favoriser des dialogues et des débats interdisciplinaires sur les pesticides au sein des sciences humaines et sociales (Galochet, Longuépée et al., 2008). Cette manifestation appelle aux contributions de chercheur.es en information-communication, en analyse de discours, de sociologues, anthropologues, géographes, psychologues, historien.nes et plus largement, économistes, philosophes, politologues et juristes, afin de favoriser la pluralité d’approches. Nous sollicitons ainsi des travaux portant sur les thématiques suivantes (liste non exhaustive) :
- Activité discursive et argumentative des différents acteurs, arènes du débat et tensions observables au travers de la langue et du lexique (désignations consensuelles et disensuelles par exemple) ;
- Élaboration et mise à l’épreuve du consensus par des controverses et des contre-discours scientifiques, politiques et médiatiques ;
- Paroles et savoirs des acteurs engagés dans l’agriculture biologique (agriculteurs, coopératives), émergence et prise en compte de leur expertise ;
- Tensions entre l’impératif de production, de protection des cultures et des sols, d’une part et protection de la santé des agriculteurs et de la biodiversité, d’autre part ; alternatives aux pesticides de synthèse (biocontrôle, lutte biologique, etc.) ;
- Acteurs associatifs engagés dans des logiques de dénonciation : mouvements généralistes sur l’écologie et associations spécialisées (Phyto-victimes, Générations Futures, Nous voulons des Coquelicots, Collectif Glyphosate, etc.) ;
- Pratiques scientifiques et communicationnelles des acteurs économiques et industriels, influence et activité de lobbying ;
- Procédures en justice, initiatives juridiques des pouvoirs locaux (cf. Daniel Cueff, maire de Langouët), affaires et scandales (« Monsanto papers ») ;
- Science règlementaire, fabriques du savoir et de l’ignorance ;
- Productions issues des industries culturelles : séries (Jeu d’influence, Arte, 2019), films (Au nom de la terre, Edouard Bergeon, 2019), romans (La malchimie, Gisèle Bienne, 2019).
Comité d’organisation :
Nataly Botero (Université de Bourgogne – CIMEOS)
Hélène Ledouble (Université de Toulon – BABEL)
François Allard-Huver (Université de Lorraine – CREM)
Modalités d’envoi :
Les propositions de 3000 signes maximum (espaces compris) comporteront un titre, nom, prénom et rattachement institutionnel des auteur.es, quatre à cinq mots-clés, un résumé en français et une bibliographie.
Merci d’envoyer les fichiers sous format word à l’adresse mail suivante :je.pesticides.shs@gmail.com
Calendrier :
Date limite d’envoi des propositions : 4 juin 2021 (Appel prolongé au 2 juillet 2021)
Diffusion du programme prévisionnel : 8 octobre 2021
Comité scientifique :
François Allard-Huver (MCF, Université de Lorraine – CREM)
Nataly Botero (MCF, Université de Bourgogne – CIMEOS)
Gilles Brachotte (MCF, Université de Bourgogne – CIMEOS)
Claude Compagnone (PR, AgroSup Dijon)
Valérie Delavigne (MCF, Sorbonne Nouvelle – CLESTHIA)
Fanny Domenec (MCF, Panthéon Assas – Pôle Langues)
Clémentine Hugol-Gential (MCF HDR, Université de Bourgogne – CIMEOS)
Hélène Ledouble (MCF, Université de Toulon – BABEL)
Aura Parmentier (MCF, Université Côte d’Azur – GREDEG)
Elodie Vargas (PR, Université Grenoble Alpes – GREMUTS)
Bibliographie :
Allard-Huver F. (2020), « Savoirs, dispositifs et médiations des risques alimentaires : le scandale des œufs contaminés au fipronil », Les enjeux de l’information et de la communication, n° 3, p. 29-42.
Botero N. (à paraître, 2021), « Soustraire l’alimentation du débat sur les pesticides : traitement médiatique d’un problème en une », Hugol-gential C., Badau E. et al. (dirs.), Qu’est-ce que l’on mange ?, EUD, Dijon.
Aulagnier A., Goulet F. (2017), « Des technologies controversées et de leurs alternatives. Le cas des pesticides agricoles en France », Sociologie du travail, n° 3 [en ligne].
Carson R. (1962), Silent spring, Penguin, Londres, 323 p.
Deléage J.-P. (2019), « Une alimentation digne et saine pour tous ! », Écologie et Politique, n° 59, p. 5-13
Galochet M., Longuépée J., et al. (dirs.) (2008), L’environnement : discours et pratiques interdisciplinaires, Artois Presses Université, Arras, 290 p.
Jouzel J.-N. (2019), Pesticides. Comment ignorer ce que l’on sait, Presses de Sciences Po, Paris, 261 p.
Kleinman D. L., Suryanarayanan S. (2012), “Dying Bees and the Social Production of Ignorance”,Science, Technology & Human Values, n° 38 [en ligne].
Lambert E. (2020), « Le contentieux américain des victimes de l’exposition au glyphosate »,Revue juridique de l’environnement, n° spécial, p. 201-213.
Ledouble H. (2020), “Term circulation and conceptual instability in the mediation of science: Binary framing of the notions of biological versus chemical pesticides”, Discourse & Communication, vol. 14, p. 466-488.
Keywords
- Mots-clés
- Environment
- Interdisciplinarity