Les modèles économiques de la bande dessinée dans l’espace francophone

Colloque 2023 du réseau 3RBD

Expected response for the 31/12/2022

Response type Résumé

Event type colloque

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Event place Musée de la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l'Image , Angoulême 16, France

Argumentaire

Ce colloque a pour objectif de réunir des spécialistes de la bande dessinée de différents champs disciplinaires (littérature, arts, économie, droit, histoire contemporaine, sociologie, etc.) pour confronter leurs points de vue sur la situation actuelle de ce secteur culturel et susciter le débat sur les mutations en cours susceptibles de profondément transformer l’éco-système du secteur de la BD dans l’espace francophone. Analyser l’évolution des modèles économiques constitue une thématique fédératrice qui peut être abordée de différents points de vue et même ouvrir sur des réflexions prospectives.

1/ Modèles économiques et bandes dessinées

Le marché de la bande dessinée semble être, dans le domaine du livre, assez florissant. La bande dessinée francophone est un média fort populaire, comme le montrent ses chiffres de vente : en 2017, elle était le troisième secteur d’édition en volume de ventes. En 2021, avec 85 millions d’exemplaires écoulés (+ 60 % par rapport à 2020) et 890 millions d’euros de ventes (+ 50 % par rapport à 2020), les BD représentent désormais un livre vendu sur quatre, un niveau jamais atteint auparavant. Cette croissance record s’explique par le succès des mangas, dont les ventes ont doublé par rapport à 2020 (+ 107 %). Ceux-ci représentent désormais une BD vendue sur deux en France. Pour autant, l’économie de la bande dessinée est très complexe et met en jeu des modèles économiques forts différents, selon les acteurs qui la supportent. En effet, plusieurs modèles se croisent, souvent hybrides, qui tiennent aux supports proposés. Certes, quand on pense bande dessinée, on pense peut-être plus facilement aux albums, plus nombreux et plus présents sur les étals des librairies et les présentoirs des supermarchés. Mais la bande dessinée se vend encore en revue et se lit déjà au format numérique, en ligne ou hors ligne.
Ce sont là des formats très différents qui découlent d’une appréhension du marché parfois intégrés à un contexte économique précis, parfois à des capacités technologiques, parfois à une valorisation du support. Parmi ces trois formats – mais ils ne sont probablement pas les seuls, tant la bande dessinée se prête à l’hybridation – le premier, celui de la revue, suit le modèle classique de l’abonnement, le deuxième celui du livre, le troisième accumule les ressources de la publicité et celles du freemium. Examinons-les rapidement.Les revues de bande dessinée : un modèle économique mixteLa bande dessinée, en France, s’est d’abord développée dans la presse. La base des revenus des éditeurs vient du lectorat fidélisé et stabilise les recettes, la régularité relative des rentrées étant garantie par les abonnements. S’y s’additionnent aussi les ventes au numéro. Certes, selon que les revues verseront davantage dans la traduction d’œuvres étrangères ou publieront des œuvres originales, le débours ne sera pas le même. C’est le cas dans l’après-guerre où la loi de 1949 sur les publications pour la jeunesse se chargera de réguler le marché en censurant la plupart des productions américaines.Mais, entre 1970 et 1980, les ventes d’albums augmentent en même temps que baissent peu à peu les ventes des publications sérielles3. De 1985 à 1995, la plupart des journaux vont faire faillite. Peu à peu, on passe d’un modèle économique basé sur les revues à celui basé sur le livre à partir des années 90. Pour autant, des revues existent encore, qui tiennent, pour une grande part, par les abonnements de leurs lecteurs. Certaines sont déjà anciennes (Spirou, Fluide Glacial, etc.), d’autres beaucoup plus récentes (L’immanquable, Pandora, etc.).

2/ Le marché du livre : une grande variété de modèles

Dès les années 1980, on a assisté à une concentration des maisons d’éditions les plus importantes. Or, on peut différencier les éditeurs selon leur niveau d’organisation en matière de distribution et de diffusion. Si la distribution est fondamentale en ce qu’elle permet l’expédition et le traitement des stocks, la diffusion est d’autant plus importante que c’est par les équipes commerciales que la promotion des publications pourra se faire auprès des revendeurs. Différentes strates du marché de la bande dessinée existent donc, selon que les éditeurs ont une plus ou moins grande force de distribution et de diffusion. Ceux qui sont agrégés à des grands groupes disposent à la fois d’un fort catalogue et d’une forte capacité de vente sur le marché national, mais certains éditeurs de taillemoyenne arrivent à disposer d’une distribution et d’une diffusion correcte. On trouve ensuite une production à petits tirages : souvent appelés les « indépendants », ces éditeurs doivent souvent déléguer la distribution et la diffusion à une structure externe.La plupart des grands éditeurs disposent d’une grande variété de récits, là où la plupart des éditeurs de taille moyenne ou des indépendants ont souvent une identité narrative ou graphique plus concentrée. On trouve ici des modèles économiques fort différentes qui vont de la promotion massive des œuvres les plus « vendables » à des modèles plus participatifs, dont certains, dans la microédition, par exemple, peuvent s’appuyer sur l’économie participative et ne fonctionneraient pas sans bénévolat. Mais, puisque nous avons spécifié que certaines revues existaient encore, il ne faut pas perdre de vue que celles-ci, souvent associées à une maison d’édition, publie aussi des albums : le modèle économique est ici fort différent, puisque les planches prépubliées ont déjà été rétribuées.

3/ La bande dessinée numérique

L’ouverture vers les nouvelles technologies, avec des plateformes digitales, s’est faite progressivement et si les usages des lecteurs montrent un passage lent et mesuré au numérique, il existe une croissance nette. Julien Baudry explique que la part du livre numérique en France représentait 0,5 % en 2011, mais 6,4 % en 2014. Elle était de 8,72% en 2019. Mais la mise à disposition d’oeuvres originales reste confinée à la lecture en ligne et les modèles économiques les plus novateurs ne semblent pas tenir. Se superpose ensuite le modèle du webtoon, né en Corée du Sud au début des années 2000, qui adapte la lecture de BD au smartphone. Alors qu’un « webcomic » représente toute BD publiée sur le web ou via une application, le « webtoon » se démarque par une série d’images alignées à la verticale pour s’adapter à la lecture sur smartphones en « scrollant », la séparation des chapitres qui sont généralement appelés « épisodes » et l’inclusion d’animations ou encore de musique. Le cœur de cette stratégie éditoriale consiste à créer des plateformes digitales qui promeuvent des créateurs locaux dans un projet global en leur donnant l’opportunité, par traductions et hybridations progressives, de faire passer leur univers créatif d’un niveau local à un plan transnational, sans pour autant renoncer à leur identité. La nature participative des interactions en ligne entre auteurs et lecteurs fait partie intégrante de la culture webtoon caractéristique d’un public amateur d’œuvres transmédia et désireux de retrouver les univers dont il est fan à la fois sur le papier, sur les écrans, dans les produits dérivés divers, dans les festivals et dans les parcs de loisirs…

4/ Une multiplicité d’acteurs

C’est dans ce contexte que s’élabore le marché actuel de la bande dessinée, qui se caractérise par de nombreux acteurs : auteurs, éditeurs, distributeurs et diffuseurs, libraires enfin. Les œuvres elles-mêmes agissent sur les modèles économiques, en fonction de leurs cibles. Sylvain Lesage parle ainsi d’un « marché de la bande dessinée [qui] semble ainsi de plus en plus polarisé en deux ensembles. D’un côté, une industrie éditoriale tirée par des ventes spectaculaires et par les adaptations cinématographiques (…). De l’autre, une créativité des marges, où la survie devient de plus en plus difficile ». On pourrait retrouver là la distinction opérée par Pierre Bourdieu entre un « champ de production restreinte », axé sur la production de valeur symbolique et de légitimité et un « champ de grande production », axé sur la réussite commerciale. Mais cette distinction est de moins en moins nette, la plupart des grandes maisons d’édition s’assurant de disposer de collections propres aux romans graphiques ou aux œuvres « hors normes ». Il s’agit là bien sûr des effets de lutte propres à tout marché : les nouveaux créateurs sont forcés à innover pour se faire une place -les éditeurs alternatifs -, leurs concurrents – les grandes maisons d’édition -s’empressent de copier leurs réussites. Dans ce cadre, les auteurs souffrent d’une baisse de leurs revenus, la plupart ne touchant que des avances sur droits d’auteurs. La répartition classique des revenus d’un album attribue 8 à 10 % aux auteurs. Là où beaucoup sont au SMIC, il semblerait que la production de webtoon permette de mieux gagner sa vie. Mais la plupart d’entre eux, inscrits à l’URSSAF, disposent d’un numéro de Siret qui leur permet de facturer leurs prestations graphiques hors bande dessinée. Ils déploient des stratégies différentes, selon qu’ils ont un agent ou gèrent eux-mêmes leurs prestations. Mais il est clair que très peu ne vivent que de la bande dessinée18Qu’en est-il des libraires qui, semble-t-il, sont ceux qui peuvent disposer de 35 à 40 % du prix du livre ? Là encore, il faudrait pouvoir distinguer entre les librairies généralistes qui font un choix généralement assez sélectif, les grandes surfaces qui portent leur attention sur les titres les plus commerciaux et les librairies spécialisées qui, toutes, ont des stratégies particulières. Encore faudrait-il aborder ici aussi la question des franchises et des regroupements de libraires (Albums, CanalBD, etc.).

Thèmes et axes

Parler des modèles économiques de la bande dessinée, c’est s’attacher à défricher un territoire encore mal connu. De multiples approches peuvent être ouvertes, qui chacune, peuvent être porteuses de réflexions, que soit en termes économiques, juridiques, sociologiques, historiques, etc.

Les différents thèmes qui s’imposent tiennent à la manière dont s’organisent les modèles économiques des différents acteurs de la bande dessinée. À ce titre, on peut différencier plusieurs axes.

Axe 1 : Une économie de la création

Il portera sur la manière dont les auteurs peuvent gérer les multiples contraintes économiques qui s’imposent à eux, en termes de polyvalence, de pluriactivité ou de polyactivité. Il peut s’agir d’une approche transversale, portant par exemple sur les prestations sociales ou sur la rétribution des planches, mais aussi sur une étude de cas plus précise, par exemple sur l’organisation d’un atelier ou d’un collectif. La technologie de la blockchain et les « Non Fongible Tokens » vont-ils renouveler le processus d’artification de la BD en faisant émerger de nouvelles communautésprofessionnelles ?

Axe 2 : Une économie de l’édition

De la même manière, le deuxième axe portera sur les stratégies éditoriales. Là encore, on peut traiter un éditeur ou un regroupement d’éditeurs, mais aussi un questionnement transversal (la distribution des œuvres, leur diffusion ou leur promotion, par exemple). Les modalités de diffusion de la bande dessinée numérique trouveront assez justement leur place ici. Mais on peut aussi penser à l’étude de la gestion des quelques revues qui existent encore. Comment est susceptible d’évoluer la place de l’espace culturel et marchand francophone dans un secteur de la BD profondément transformé par de nouveaux équilibres en termes de Localisation / Globalisation des contenus culturels qu’ouvrent les technologies numériques ?

Axe 3 : Une économie de la vente de détail

Enfin, la question de la vente de détail peut aussi bien porter sur une librairie ou une franchise, mais aussi sur le secteur librairie des grandes surfaces, voire considérer des questions comme la gestion des stocks, des retours, etc. Le segment des webtoons, qui ouvre sur des formes de monétisation des contenus BD selon des logiques nouvelles reposant sur des monnaies virtuelles, expérimente-t-il de nouveaux modèles économiques susceptibles de s’imposer plus largement dans le secteur de la BD ? Ces trois axes devraient permettre de mieux comprendre l’organisation et les tensions internes au marché de la bande dessinée. Les propositions de communications doivent s’appuyer sur des données objectives et des recherches empiriques menées auprès d’acteurs de cet éco-système complexe.

Modalités de contribution

Merci d’adresser vos propositions (communications de 20 minutes / résumé de 250 mots / bio-bibliographie de 100 mots) aux trois membres du comité d’organisation :

  • Sylvain AQUATIAS (U. de Limoges, GRESCO) sylvain.aquatias@unilim.fr
  • Inès De LA VILLE (U. de Poitiers, CEREGE-CEPE) valerie.ines.de.la.ville@univ-poitiers.fr
  • Jean-Paul GABILLIET (U. Bordeaux Montaigne, CLIMAS) jpg@u-bordeaux-montaigne.fr

Dates importantes

  • Soumission d’une proposition : date limite 31 décembre 2022
  • Retour des évaluateurs : 31 janvier 2023

Comité scientifique

  • Sylvain AQUATIAS (Université de Limoges, GRESCO),
  • Philippe BARYGA (Université de Bordeaux, ARTES),
  • Estelle BLANQUET (Université de Bordeaux, LACES),
  • Frédéric CHAUVAUD (Université de Poitiers, CRIHAM),
  • Inès De LA VILLE (Université de Poitiers, CEREGE-CEPE),
  • Jean-Paul GABILLIET (Université Bordeaux Montaigne, CLIMAS),
  • Laurent HUGOT (Université La Rochelle, CRHIA),
  • Laurent JALABERT (Université de Pau et des pays de l’Adour, ITEM),
  • Jean-Philippe MARTIN (CIBDI),
  • Marc MONJOU (EESI),
  • Arnaud REVEL (Université de La Rochelle, L3I),
  • Géraldine ZANNIER (MAGELIS)

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