L’art de la violence ou la violence des arts vivants, plastiques et numériques

Expected response for the 15/02/2023

Response type Résumé

Event type colloque

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Event place Ancien collège, Montauban 82, France

Il y a de la violence dans les arts, traditionnels et numériques, avant tout parce qu’il y a arrachement au réel, d’une part, et intériorisation, d’autre part. La violence n’est plus présentée comme une altérité, l’autre étant toujours à son origine. Cette re-présentation – nous prendrons volontairement cette nomenclature du terme représentation en tant que chose signifiante autonome par rapport à son référent – découle de la capacité et de la force de l’artiste à la déterminer en fonction de son savoir et des possibilités de transmettre ses intentions. Il y a entre le public récepteur et le créateur une distance car, comme le souligne Rancière [Le spectateur émancipé], tout acte intellectuel est un chemin tracé entre une ignorance et un savoir, abolissant dans leur rapport la hiérarchie des positions et l’opposition entre regarder et agir, l’un renvoyant au public récepteur, l’autre aux artistes (créateurs comme interprètes). L’intelligibilité de l’œuvre dépend fortement de cette distance.

La violence traverse l’histoire, et les arts président à la connaissance de sa réalisation depuis la préhistoire, en tant que processus dynamique de perception. La perception, en effet, met en rapport symbolique le sensible et l’intelligible, le visible et l’invisible, et la cognition en tant que métaphore ou métonymie. Ce rapport fait appel au patrimoine mémoriel du sujet permettant de dénoncer, en les montrant ou les en mettant en scène, les articulations existant entre la morale et les dysfonctionnements socio-politiques.

La re-présentation artistique est un acquis humain qui soumet et qui pose l’acte de se rendre sublime, au sens de Kant, par l’expérience de la douleur comme sensation tant physique que psychique, sur le plan individuel comme collectif.  Elle est effectivement liée à l’existence humaine qu’elle sépare, comme expérience esthétique et épistémique, de la vie biologique. Certaines des organisations de l’existence humaine, tout particulièrement les structures constitutives des relations de pouvoir de l’État et du religieux, prétendent gérer le monopole ou l’oligopole de leur agir violent, et en affirment la légitimité. S’y associent les acteurs socio-politiques des organismes publics ou privés qui les réalisent sur les corps et la psyché humaine. Le corps demeure ainsi le lieu où le pouvoir exerce et illustre sa toute-puissance (Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, 1975).

C’est dans ce cadre, dont nous excluons la création scripturale, que sera posée la création des concepts et termes spécifiques de la dimension esthétique de ces actions, même quand elles répondent à une finalité collaborative, comme c’est le cas dans l’histoire de la re-présentation de la souffrance sur le plan religieux dans l’occident chrétien. Les œuvres des peintres ou des sculpteurs associés aux institutions religieuses, voire relevant d’elles, peuvent être critiques de ces mêmes re-présentations officialisées, tout en véhiculant un choc violent. Ces supports visuels posent ainsi la métaphorisation de la violence dans une analogie établie en dehors de la narrativité dogmatique de l’officialisme.

C’est dans ce cadre que se déterminent les axes de la problématisation, qui peuvent se regrouper autour de quelques questionnements, à savoir :

– Comment les re-présentations de la violence extrême se réalisent-elles ?
– Comment deviennent-elles significatives dans la recherche d’une unité sémiotique et esthétique ?
– Sur quels présupposés symboliques se basent-t-elles ?
– À quel socle de valeurs communes font-elles appel : la raison ? la vertu ? la justice ? le sacrifice ?
– Quels actes artistiques non-écrits rendent compte de la relation « ami-ennemi », ou du sacrifice, que ce soit à travers les arts plastiques, la photographie, le cinéma, le théâtre, la danse, la musique et les arts numériques ?
– Comment se codifient les charges pathémiques et symboliques pour acquérir leur signification ?
– Comment s’organisent les axiologies autour des champs sémantiques activés ou générés par les œuvres artistiques ?
– Comment les réseaux traditionnels et numériques catalysent-ils la pensée, voire l’action artistique ?

Cela permettra ainsi d’aborder les re-présentations qui interrogent la définition des dimensions « officielles » des arts. Un troisième axe se pose alors : celui de l’approche esthétique de la violence de la création artistique visuelle, auditive et numérique qui pourrait reposer sur diverses questions telles que :

– Comment cette discipline de la philosophie aborde-t-elle la question de la violence ?
– Qu’attend-on du public récepteur devant une re-présentation de la violence extrême (révolte, sympathie/empathie, colère, indignation, culpabilité, une meilleure intégration sociale, etc.) ?
– Doit-on s’attendre à de l’efficacité esthétique intrinsèque à ce type de re-présentations ?

L’efficacité esthétique d’une œuvre dépendant de la concordance ou de la rupture entre le mode de re-présentation choisi par l’artiste et le régime d’interprétation partagé par le public, présuppose que toute œuvre a un sens pré-existant qu’il conviendrait de correctement déchiffrer. Les titres tentent parfois de contourner ces risques d’erreurs de déchiffrage en circonscrivant en un mot ou une phrase un champ sémantique d’interprétation, afin de réduire l’arbitraire ou la force du signe ou du symbole. Autrement dit, il conviendrait de voir comment se forge un langage, une forme communicationnelle propice au partage, et qui puisse, au-delà ou en aval de la révolte et de l’indignation, signifier tout de même l’ouverture de l’horizon, un ailleurs peut-être, telle une lueur d’espoir dans la noirceur environnante, à l’image des jeux d’ombre et de lumière des peintures du XVIe siècle qui suggèrent un en-dehors de la toile, un décloisonnement de l’espace clos, voire un exutoire, selon.

En tentant de répondre à ces questions, nous nous sommes intéressés au réseau sémantique institué par Etienne Souriau dans l’ouvrage Vocabulaire d’esthétique (2ème édition PUF, Quadrige, 1999) qui détermine dans cet espace spécifique de la philosophie les déterminants du couple « violent/violence » en en structurant une charge sémantique qui articule les mots, qu’ils soient à vocation substantive ou adjectivale : abrupt, brutal, choc, tension, agnition, anagnorise, catastase, dramatique, dramaturgie classique, épique, situation dramatique, tragique… qui à leur tour se ramifient, en passant par admiration ou détonneur… Il nous semble intéressant d’aborder comment les œuvres montrent ce qu’elles montrent, comment leurs cadres et modalités deviennent des scènes structurantes d’interprétation (structuring scenes of interpretation) comme le propose Judith Butler.

C’est-à-dire que les arts visuels peuvent être en eux-mêmes violents, car en situation de re-présentation du réel ou de créations innovantes ou de rupture définitive avec des ritualisations sociales, normatives, la création artistique peut avoir collaboré à l’institutionnalisation. Ils déclenchent de la sorte une violence « récupératrice » de l’institution ou de l’institué qui se nomme la censure : acte de violence contre la créativité radicale ou « dérangeante » du « bon » ordre social.  Comme le disait Fernando Botero : « L’art est une accusation permanente ». Le pouvoir institué tend ainsi à défendre son monopole, ou aujourd’hui son oligopole de la violence légitime, physique ou symbolique et ce, même au niveau de la création artistique.

Il conviendrait enfin de se demander quelles formes d’art légitiment la violence et comment ces œuvres la banalisent ou l’institutionnalisent pour étendre l’emprise du pouvoir institué sur le corps social, en générant la peur d’une part, chez ceux qui en seront les cibles, et l’adhésion, d’autre part, induite par ceux qui devront en assumer la programmation et le processus de production. Sur quelles valeurs communes et vecteurs techniciens, allant de la peinture médiévale aux œuvres éphémères, de telles représentations s’appuient-elles ?

Les question ci-dessus soulevées ne sont là qu’à titre indicatif pour permettre à chacun.e de saisir le cadrage du colloque.

Comité organisateur :

Informations pratiques :

  • Les personnes désirant participer à cette rencontre devront envoyer avant le 15 février 2023 le titre et le résumé de leur communication (250 mots maximum), en français, espagnol ou anglais.Les propositions pourront être envoyées à l’une ou l’autre des adresses susmentionnées en précisant l’objet « Colloque Montauban ». Le comité organisateur fera connaître sa réponse par voie électronique (e-mail) le 28 février 2023 au plus tard.Les communications, après évaluation, feront l’objet d’une mise en ligne dans la revue GenObs.La communication ne devra pas dépasser 30 minutes et toute communication nécessitant un appui technique (PowerPoint, vidéoprojecteur, etc.) devra être signalée.Les langues du colloque sont le français, l’espagnol et l’anglais.Frais d’inscription (incluant la restauration et un programme imprimé) :
  • Les inscriptions sont ouvertes à toute personne intéressée par la problématique du colloque.
  • Le coût de l’inscription est de 100 Euros.
  • Pour les étudiant.e.s, le coût de l’inscription est de 70 Euros.
  • L’événement est gratuit pour le grand public voulant assister aux présentations.

Hébergement :

Les informations concernant l’hébergement seront transmises ultérieurement et après acceptation de la proposition.

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