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Event place 10e Congrès de l’Association française de sociologie, Lyon 69, France
Introduction
En s’insérant dans le thème général « Intersections, circulations » retenu pour le 10e congrès de l’Association française de sociologie, le RT 37 « Sociologie des médias » propose un appel à communications large qui permettra d’interroger dans une perspective sociologique la circulation des agents dans le champ journalistique et ses champs adventices. Par-là, il s’agit d’analyser les transformations à l’œuvre, en particulier dans les champs du savoir et du pouvoir. L’appel est composé de six axes thématiques qui invitent à revenir sur les sociologies de groupes professionnels investis de manière concurrentielle dans la production des récits médiatiques en les restituant dans différents espaces, qu’ils soient physiques ou virtuels. Plus généralement, ces axes thématiques sont autant d’occasions d’étudier les logiques de légitimation de la profession journalistique et les tentatives de remise en cause du monopole instable dont les journalistes disposent dans la production de l’information. L’ambition plus large de cet appel est de rappeler la place que tient la sociologie des médias au sein de la pensée sociologique et la façon dont elle s’insère dans des problématiques générales, au travers de concepts aujourd’hui largement diffusés tels que ceux de frontières, circulation (de l’information), savoir-faire, dépendance (aux sources), relations « associés rivaux ».
Axe 1 / Généralistes et spécialistes : circulations professionnelles
Les sous-champs spécialisés du journalisme ont régulièrement été perçus comme hermétiques les uns aux autres, souvent par le prisme de logiques internes à l’espace journalistique. L’ordre hiérarchique des spécialités journalistiques au sein des rédactions semble souvent immuable. Pour autant, certains événements peuvent brouiller les hiérarchies à l’intérieur des groupes. Le traitement médiatique du mouvement des Gilets jaunes, de la crise sanitaire, et plus récemment de l’urgence climatique, sont autant d’occasions de renégocier les frontières des sous-champs spécialisés dans les rédactions et au-delà, dans une tentative continue de réactualisation de la légitimité journalistique. On peut également observer des déplacements, des glissements ou des hybridations de spécialités, de genres et de techniques journalistiques. Cette thématique soulève des questionnements multiples : à quelles conditions et comment les logiques socioprofessionnelles transitent d’un sous-champ spécialisé à l’autre ? Comment ces déplacements se répercutent-ils sur les savoir-faire et les pratiques journalistiques, tout comme sur la répartition des capitaux, sur les trajectoires, les ressources et les dispositions des agents ? Comment se réagencent les perceptions des rôles et de placements des sous-champs spécialisés au regard des changements sociaux et des rapports renouvelés avec la société civile (éducation aux médias, résidences de journalistes, lieux tiers, etc.) ? Quels sont les degrés de formalisation de ces réagencements entre généralistes et spécialistes dans la refonte de la division du travail journalistique au sein des rédactions et, globalement, dans la (re)structuration de l’espace médiatique ?
Axe 2 / Journalistes et scientifiques : entre coopération et rivalité
L’objectif général de cet axe est de réfléchir à la porosité des frontières entre le champ journalistique et le champ scientifique. L’objectif est de s’intéresser aux conditions sociales et contextuelles de possibilité de la circulation des savoirs et des savoir-faire lors des moments de crise, qui intensifient le flou de la frontière entre profession journalistique et professions scientifiques. Ici, nous pensons notamment aux terrains de guerre ou à la couverture de pays géographiquement éloignés, des lieux où journalistes et chercheurs partagent les mêmes terrains et objets et où ils sont plus dépendants des informations de chacun. Les journalistes vont utiliser, plus que d’ordinaire, les universitaires comme source d’informations et inversement. Au-delà des terrains de guerre, les crises politiques et sanitaires peuvent également faire l’objet de propositions. Un autre domaine à explorer porte sur l’émergence de nouveaux médias d’information se situant à l’intersection entre la production académique et la production journalistique (AOC, The Conversation, Le journal du CNRS). Cet axe pourra également inclure les communications portant sur les nouveaux supports (documentaires, bandes dessinées). Enfin, peuvent s’intégrer à cet axe les réflexions méthodologiques portant sur la recherche collaborative ou encore les analyses concernant le rapport aux enquêtés en sociologie du journalisme.
Axe 3 / La critique des médias aux marges du champ journalistique
Penser les intersections dans le champ journalistique permet également d’ouvrir d’autres questionnements aux marges du champ et notamment du côté des médias dits « alternatifs » et critiques des médias « mainstream ». Dans une perspective comparative de l’étude de la circulation de la critique des médias, les communications pourront interroger la structure d’espaces périphériques du champ à gauche, mais aussi à droite et à l’extrême droite. Les communications attendues pourront ainsi revenir sur les logiques du recrutement des journalistes ou de catégories de plus en marges (amateurs, freelances) qui peuplent les rédactions de ce type de médias tout en questionnant la structure même de ces rédactions, ainsi que les ressources dont elles disposent pour fidéliser du personnel et se stabiliser. Par ailleurs, les communications pourront apporter des éléments de réponses aux questions relatives aux intérêts professionnels et à l’illusio : quelles sont les logiques de politisation de la critique des médias ? Dans quels contextes et espaces (sociaux, militants, médiatiques) se déploient des médias dits « critiques » ? Ces communications croisées permettront d’enrichir les connaissances sur la structure contemporaine du champ journalistique et permettront d’actualiser sa cartographie.
Axe 4 / Circulation des modèles journalistiques nationaux et transnationaux
Cet axe s’intéresse en premier lieu à la circulation internationale des modèles de journalisme et des rôles professionnels, ainsi qu’aux enjeux d’effacement des frontières. Une attention particulière sera accordée aux travaux portant sur les importations de modèles dans le cadre de politique d’occupation étrangère (par exemple un modèle américain en Allemagne, en Corée ou au Japon) ou encore lors de rachats de titres par des groupes étrangers. Les recherches sur l’aide aux médias entrent également dans cette réflexion portant sur le développement, ou non, de modèles internationaux ou régionaux, de journalisme. Pourra aussi être intégré un autre aspect concernant les formes solidaires de circulation internationale, telles que des modèles comme le Consortium International des Journalistes d’Investigation (CIJI). Dans un deuxième temps, les propositions attendues dans cet axe pourront porter sur les conséquences professionnelles du poids des frontières physiques, interétatiques, pour les acteurs dans des espaces internationalisés. Nous pensons par exemple aux travaux sur la notion « d’associés rivaux » entre correspondants étrangers et journalistes locaux, sur l’utilisation de la presse locale par les correspondants étrangers.
Axe 5 / Regard sur les espaces de circulation du journalisme
Cet axe entend proposer des analyses par les lieux, des territoires comme autant de contexte de déploiement d’une circulation des savoirs et des savoir-faire journalistiques. Nous nous intéresserons aux lieux avec une perspective large tant physiques (les salles de rédaction, les points presse, les conférences, les meetings, les résidences d’écriture…) que virtuels (les espaces en ligne en incluant donc les réseaux sociaux). Entrer par ces espaces permet de poser plusieurs questions concernant les hiérarchies professionnelles et leur reproduction, actualisation dans les interactions dans ces lieux. Qui a accès à ces espaces et comment cet accès est-il négocié et contrôlé ? Quelles sont les interactions entre des groupes aux intérêts et aux objectifs parfois divergents (journalistes, communicants, militants, politiques, administratifs, etc.) ? Observe-t-on une « politique aux chemins courts » ou au contraire une séparation importante ? Si proximité il y a, comment se jouent les différenciations et le maintien de périmètres ou de juridiction ? Comment s’objective la légitimité professionnelle (auprès des pairs ou du grand public) ?
Axe 6 / Représentations et représentativité dans les médias
Cet axe propose de revenir sur des questions centrales telles que la prise de parole dans les médias et la sélection des sujets traités, en prenant en compte les rapports sociaux de classe, de genre et de race. De multiples travaux ont porté sur le thème des représentations dans les médias, tant du point de vue des classes sociales et du genre, que du côté des journalistes eux-mêmes. Depuis presque 20 ans, les questions de diversité ont eu de nombreuses traductions, notamment en matière de politiques dans le métier (politiques d’égalité des chances, classes préparatoires spécialisées). Les communications pourront en ce sens porter sur les « effets » de ces politiques dans les écoles et lieux de formation journalistiques. L’ouverture « sociale » promise s’est-elle réalisée ? Cela restructure-t-il les manières de travailler dans les rédactions ? Les journalistes aux profils dissonants avec le reste du pôle dominant de la profession proposent-ils des cadrages spécifiques ? En parallèle, l’espace médiatique contemporain a été le lieu de luttes autour des questions de genre, et de l’intersectionnalité. On peut penser au développement de groupes aux idées concurrentes sur ces questions, ainsi qu’à l’importance prise par le mouvement #Metoo et les cadrages épisodiques sur les violences faites aux femmes. De même, on peut d’une certaine manière questionner un retour en grâce des classes sociales, mais peut-être davantage sous le prisme de représentations spécifiques toujours stéréotypées (« jeunes de banlieues », gilets jaunes, périurbains, etc.) ou de certaines professions (reportage sur le travail des forces de l’ordre). De quelle manière sont traités ces sujets ? Comment et par qui ces groupes sont-ils représentés ? Sont-ils encore assignés à certaines représentations ?
Modalités de soumission
Les propositions de communication (environ 5 000 signes, espaces compris) devront comporter : – une présentation de la thématique proposée, de son lien avec la problématique sociologique de l’appel à communication, et de l’axe auquel elle se rapporte ; – une présentation du terrain et de la démarche empirique mise en œuvre ainsi que du cadre théorique d’analyse mobilisé ; – quelques références bibliographiques.
Elles devront être déposées sur le site Web de l’AFS (https://afs-socio.fr/rt/rt37/) au plus tard le 31 janvier 2023. Les propositions de communication feront l’objet d’une évaluation en double aveugle par les membres du comité scientifique. Les auteurs seront notifiés des résultats de la sélection des propositions au cours du mois de mars. Des conseils pourront alors leur être transmis quant à l’intégration de leur communication dans la problématique des sessions. Pour les propositions retenues, des textes définitifs de 45 000 signes, espaces compris, seront attendus en juin.
Comité d’organisation
- M. Berger,
- C. Castellvi
- S. Dahani
- P. Mayance
Keywords
- Mots-clés
- Journalism
- média