Collectionner les arts du spectacle

Expected response for the 15/05/2022

Response type Résumé

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Event place Maison de la Recherche en Sciences Humaines de l’Université de Caen-Normandie, Caen 14, France

Cette journée d’études propose de se pencher sur l’expérience des spectateurs et des spectatrices à travers la pratique des collections consacrées aux arts du spectacle. Inaugurant le programme de recherche « Objets de spectateurs : instruments et reliques » développé au sein du Laslar (EA4256 Université de Caen Normandie), elle entend envisager l’expérience spectatorielle non plus seulement dans le temps de la représentation ou de la projection mais aussi dans le temps passé hors des salles. Ce déplacement invite à ne pas se limiter à la mise en récit d’une réception par l’écrit et à chercher les différentes traces matérielles qui témoignent d’une pratique de spectatrice ou de spectateur ou au travers desquelles se manifeste un amour pour les arts (et les artistes) de la scène et du cinéma. Nous aimerions donc aborder la réception des films ou des spectacles par les objets qui la permettent ou qu’elle suscite.

Les collections constituées par des amateurs de théâtre et les cinéphiles sont l’expression la plus flagrante de la manière dont les objets peuvent témoigner de cette expérience, retracer des carrières de spectateurs, être porteurs ou investis d’une histoire enfin, que celles et ceux qui les réunissent cherchent à préserver ou à s’approprier. Si la figure du collectionneur est bien connue des historiens de l’art et si la collection est un objet d’étude bien identifié dans ce champ[1], elle a cependant moins retenu l’attention des chercheurs spécialistes des arts du spectacle.

En effet, il peut sembler difficile de collectionner les œuvres elles-mêmes, films ou spectacles, contrairement aux tableaux ou aux autres objets d’art, au statut matériel bien tangible et doté d’une valeur marchande. Pourtant, la réalisation d’un film ou d’un spectacle, les carrières des artistes eux-mêmes produisent une quantité d’objets variés (depuis les éléments de décors et de costumes, les appareils techniques jusqu’aux affiches, scripts, correspondances…) qui peuvent cristalliser un désir de collection. Quelques travaux ont ainsi déjà exploré l’apport majeur des collectionneurs à l’esthétique et à l’histoire du cinéma, ou l’activité de collectionneur que mènent certains metteurs en scène ou penseurs comme Edward Gordon Craig[2]. Nombre de collections particulières ont du reste donné naissance à des institutions vouées à la conservation du patrimoine associé à ces différents arts ou sont venues en enrichir les fonds : on pense évidemment à Henri Langlois, Auguste Rondel, Léon Chancerel… Si le collectionnisme des fans constitue l’expression la plus poussée de ce phénomène, d’autres gestes plus anodins en apparence peuvent entrer en ligne de compte et constituer des collections de spectateur/spectatrice sur le mode du banal et du mineur : la constitution de revues de presse personnelles qui augmentent au fil des ans, la conservation méticuleuse des tickets et programmes, l’acquisition de produits dérivés, etc. Enfin, où placer les biblio/vidéo/DVD-thèques dans cet ensemble ? Elles pourraient aussi être étudiéessous l’angle de la collection. On le voit, les rapports entre les spectateurs et les objets issus ou liés à des spectacles couvrent un vaste champ, tendu entre l’obsession des afficionados et les petites manies de l’habitué.e des salles de théâtre, d’opéra ou de cinéma.

Sans se priver d’interroger les collections proprement dites, il s’agira, au cours de cette journée, de mettre l’accent sur les individus qui collectionnent, qu’ils soient célèbres ou non, et de les envisager comme des spectateurs et des spectatrices dont le geste – faire collection – et les objets rassemblés disent quelque chose de leur rapport aux films et aux spectacles.

Les propositions de communications pourront porter spécifiquement sur les arts de la scène ou sur le cinéma, ou bien proposer des croisements entre ces domaines à travers, par exemple, des figures de collectionneurs qui, comme Auguste Rondel, se sont intéressés aux deux. Pourront être envisagées les pistes suivantes, non exhaustives et non exclusives les unes des autres :

Portraits de collectionneurs

Qui sont les collectionneurs et les collectionneuses des arts du spectacle ? Comment et pourquoi entreprennent-ils une collection ? Comment cette activité accompagne-t-elle une pratique de spectatrice/spectateur ?

Pour aborder ces questions, plusieurs aspects peuvent être abordés

  • Questions d’identité sociale mais aussi de typologie, en fonction du rapport aux spectacles (amateur, fan, artiste…) et des modes de constitution des collections (chiffonnier, glaneur, client des salles de vente…)
  • Rapports entre l’individu et la communauté : collectionner à un ou à plusieurs (une affaire de couple, de famille, d’amis ?) ; appartenance à un groupe d’amateurs et/ou recherche de distinction.
  • Interrogation autour du désir de collection, par-delà l’étude de la collection constituée : quel est le point de départ d’une collection (événement déclencheur, premiers objets conservés) ? comment se construit-elle ? comment interpréter le caractère obsessionnel de certaines collections ?
  • Interrogation autour de la fonction attribuée, explicitement ou non, à une collection :

• s’approprier quelque chose des œuvres, des spectacles

• exprimer sa personnalité (la collection comme projection de soi) ? Retracer sa propre histoire de spectateur ou celle d’un art (collection sélective ou non ? spécialisée ou non ?)

• constituer ou entretenir une mémoire, permettre sa réactivation

• doter un art ou un répertoire d’un statut, légitimer, produire un savoir sur un art ou un répertoire.

Objets de collection

Quels objets nourrissent les collections ? Qu’est-ce que les collections font à ces objets ?

  • Nature des objets collectés : sont-ils issus des spectacles, donnant accès à ceux-ci comme des livres ou des copies de films ? issus des artistes (costumes, objets personnels, etc.) ? ou bien se rapportant à l’activité du spectateur (programmes, tickets, affiches, goodies…) ? Quel est le statut de ces objets (reliques, rebuts, spécimens exemplaires) ?
  • Valeur des objets : sentimentale, documentaire, monétaire…
  • Question des supports (uniques, reproductibles, parfois périssables), qui conduisent parfois à la constitution de nouveaux objets (voir par exemple les albums de photographies et de coupures de presse constitués au fil des ans)
  • Enjeux épistémologiques liés à ce qu’il reste de ces collections : des sources matérielles (les objets eux-mêmes mais présentés suivant des modalités qui ne sont pas forcément celles du collectionneur), ou des traces de cette matérialité (photographies, films, descriptions)

Espaces et publics des collections

Dans quelle mesure les collections constituent-elles une nouvelle forme de spectacle et à qui celui-ci s’adresse-t-il ? Finissent-elles par faire œuvre ?

  • Question de l’espace de conservation et/ou d’exposition (impliquant une mise en scène)
  • Question de la visite et de la mise en récit de la collection : de quelles activités la collection peut-elle être le cadre ?
  • Articulation entre l’intime et le public : une collection pour soi ou pour les autres ? quelle présence du collectionneur dans sa collection (mise en scène de soi, représentations sur des photographies…) ?
  • Devenir des collections : question de l’achèvement d’une collection, de sa dispersion ou de sa transmission, de sa transformation en musée (avec quelle présence, quel souvenir du collectionneur ?)

Les propositions (500 mots maximum), accompagnées de quelques indications bio-bibliographiques, sont à envoyer avant le 15 mai 2022 à fabien.cavaille@unicaen.fr  et myriam.juan@unicaen.fr. Les réponses seront envoyées le 31 mai au plus tard.

La journée se tiendra le vendredi 30 septembre 2022 à la Maison de la Recherche en Sciences Humaines de l’Université de Caen-Normandie.

Comité d’organisation 

  • Fabien Cavaillé (Université de Caen)
  • Myriam Juan (Université de Caen)

Comité scientifique 

  • Bénédicte Boisson (Université Rennes 2)
  • Joël Daire (Cinémathèque française)
  • Léonor Delaunay (Société d’Histoire du Théâtre)
  • Joël Huthwohl (département des Arts du spectacle, Bibliothèque nationale de France)
  • Romain Jobez (Université de Caen)
  • Fabrice Montebello (Université de Metz)
  • Valérie Vignaux (Université de Caen)

Notes

[1] Voir les ouvrages classiques de Francis Haskell (La Norme et le caprice. Redécouvertes en art, aspects du goût et de la collection en France et en Angleterre. 1798-1914, Paris, Flammarion, 1986 [1976]), Krzysztof Pomian (Collectionneurs, amateurs et curieux. Paris-Venise, xvi-xviiie siècle, Paris, Gallimard, 1987), Antoine Schnapper (Curieux du Grand Siècle. Collections et collectionneurs dans la France du Grand Siècle, Paris, Flammarion, 1994), ou encore de Werner Muensterberger (Le Collectionneur : anatomie d’une passion, Paris, Payot, 1996 [1994]).

[2] Voir le colloque « Le cinéma dans l’œil du collectionneur », organisé par TECHNÈS, qui s’est tenu du 4 au 8 juin 2017 à la Cinémathèque québécoise. Sur les collections de Craig conservées à la BnF, voir Cécile Giteau, « La collection Edward Gordon Craig : création/documentation », Revue de la Bibliothèque nationale de France, no 5, 2000, p. 38-45.

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