Réseaux

Partis plateformes, plateformes de partis.

Artisans, partisans et dispositifs de la politique en ligne

Expected response for the 01/12/2021

Response type Résumé

Expected contribution type article

Publication name Réseaux

Ce numéro de la revue Réseaux a pour objectif de rassembler des travaux qui analysent la place et le rôle des plateformes numériques au sein des organisations politiques contemporaines. Il s’agit d’éclairer les stratégies d’enrôlement et de contrôle des internautes, les transformations des pratiques militantes et les mutations des processus de décision partisans liées aux plateformes. Cet appel s’inscrit dans un débat international sur la digitalisation des partis politiques, marqué notamment par la parution en 2019 du livre de Paolo Gerbaudo, The Digital Party.

Durant la dernière décennie, les plateformes numériques ont été appropriées par les organisations politiques selon des modalités diverses. Une première modalité, la plus répandue, consiste en l’implantation d’une plateforme à l’intérieur d’un parti existant, en vue de faciliter la mobilisation électorale, l’organisation militante, ainsi que la gestion des données concernant les soutiens de l’organisation. La campagne de Barack Obama en 2008 a souvent été décrite comme un exemple emblématique d’une telle implantation, au sein et aux marges du Parti démocrate américain. Elle est devenue un “prototype” répliqué et adapté ensuite à d’autres contextes (Kreiss, 2016). Il s’agit alors de rassembler des communautés de militants et de sympathisants, et de les activer au moment des élections, avec cependant des variations sensibles d’un pays et d’un parti à l’autre, dans les processus d’adoption comme dans les temporalités. Les modes d’appartenance aux organisations politiques se trouvent fluidifiés ; l’engagement devient (peut-être) plus ponctuel et distancié ; les équipes de campagne négocient avec ces nouvelles communautés.

Une deuxième modalité d’appropriation des plateformes numériques, plus récente, consiste à faire disparaître l’appartenance formelle à l’organisation politique, au profit de rassemblements autour de plateformes. La plateforme est ici conçue non seulement comme un mode renouvelé d’agrégation et de mobilisation des soutiens, mais aussi comme un espace d’organisation de la décision collective. Les premiers partis “nativement numériques” à initier de tels rassemblements, les Partis Pirates, se focalisent sur la défense des libertés numériques et la libre circulation des savoirs. Particulièrement présents en Suède, Allemagne et République Tchèque, ils mettent en place des procédures délégatives de prise de décision inspirées de la notion de démocratie liquide. D’autres partis, pour certains issus de mouvements sociaux, tels que Podemos en Espagne, ou issus d’assemblages politiques plus incertains, comme le Mouvement 5 Etoiles en Italie, ont également développé et valorisé des plateformes pour fédérer et consulter leurs bases. Néanmoins, le “participationnisme” et le “plébiscitarianisme” semblent y prévaloir, à rebours des espoirs de renforcement de la démocratie interne du cyber party des années 2000. L’hypothèse est dès lors formulée de l’émergence de deux modèles distincts de partis digitaux : les partis “en réseaux”, qui laissent une large part d’initiative et de participation aux foules numériques ; et les partis “plateformes”, centralisés et contrôlés par le leader et son entourage (Deseriis, 2020).

Enfin, une dernière modalité d’appropriation des plateformes politiques propose d’éliminer toute médiation partisane. C’est le cas notamment d’initiatives citoyennes qui refusent la forme parti et la dimension idéologique de la politique au profit de la valorisation d’une démocratie (électorale)

procédurale focalisée sur la figure du profane et sur ses compétences. Bien que se heurtant à de nombreux obstacles institutionnels, politiques et médiatiques, ces plateformes semblent préfigurer une sorte de “post-parti” où des outils issus des civic tech deviennent les supports d’une sélection individualisée des candidats aux élections (Lefebvre, 2020).

À partir de cet état de la recherche, ce numéro de Réseaux s’intéresse à la mise en œuvre et aux usages des plateformes au sein des organisations politiques contemporaines, une thématique de plus en plus importante dans l’espace académique international, mais encore peu présente dans les recherches francophones en sciences sociales.

Les articles du numéro pourront s’intéresser aussi bien à la façon dont les plateformes sont élaborées et appropriées dans le cadre des rassemblements des soutiens militants que dans celui de l’adoption des programmes ou de la prise de décision interne. L’engagement avec et sur les plateformes, la façon dont celles-ci disciplinent et encadrent (ou pas) les militants pourront faire l’objet d’analyses. Les recherches sur les solutions techniques adoptées, notamment le recours au logiciel libre, ainsi que sur les milieux professionnels qui portent et développent les plateformes politiques, s’intégreront au numéro. De même, les réflexions sur la généalogie et l’histoire des plateformes politiques, ou sur les “modèles” de partis qu’elles contribuent à faire émerger, sont les bienvenues.

Comme dans les autres numéros de Réseaux, des propositions issues de différentes disciplines des sciences sociales (science politique, sociologie, sciences de l’information et de la communication, histoire, économie…) sont attendues, reposant sur des enquêtes de terrain et des résultats empiriques originaux. Les exemples étrangers et les travaux comparatifs seront particulièrement appréciés.

Références citées

Deseriis, Marco (2020), “Two variants of the Digital Party, The Platform Party and the Networked Party”, PArtecipazione e COnflitto, publié en ligne, DOI Code: 10.1285/i20356609v13i1p896.

Gerbaudo, Paulo (2019), The Digital Party, Political Organisation and Online Democracy, Pluto Press.

Kreiss, Daniel (2016), Prototype Politics, Technology-Intensive Campaigning and the Data of Democracy, Oxford university press.

Lefebvre Rémi (2020), “LaPrimaire.org : une démarche citoyenne à l’épreuve des règles du jeu politique”, Quaderni, n° 101, p. 119-138.

Calendrier prévisionnel

Nous vous demandons d’informer le secrétariat de rédaction de la revue de votre intention de contribution en adressant pour le 1er décembre 2021, une proposition d’article d’une ou deux pages précisant les questions de recherche, le corpus étudié et la ou les méthodes utilisées.

  • Les V1 seront à remettre le 2 mai 2022.
  • Les intentions de contribution sont à adresser à : aurelie.bur@enpc.fr
  • Vous trouverez plus d’informations, notamment les consignes aux auteurs sur le site de la revue : http://www.revue-reseaux.fr/
  • La publication du dossier est prévue fin 2022.

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