L’urbanité de l’art. Questions sémiotiques

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Event place Bordeaux , France

Argumentaire

Depuis plusieurs décennies, des oeuvres représentatives de l’art dit contemporain participent à l’artification (Heinich & Shapiro 2012) des villes, se prêtant à des analyses plastiques (Greimas 1984 ; Floch 1985) ou énonciatives (Dondero, Beyaert-Geslin, Moutat 2017). Cette ancienneté autorise aujourd’hui à étudier, au-delà de l’événement perceptif qu’elles constituent et d’une lecture énonciative attentive au dialogue noué avec leur observateur, des formes de cohabitation et des transformations effectives. Comment ces oeuvres ont-elles transformé la ville, interférant dans les stratégies d’observation, modifiant les parcours des piétons, cristallisant des lieux (de Certeau 1990) et, à travers des dissimulations et des accentuations, redistribué les valeurs ? Comment ont-elles modifié l’image de la ville (Lynch 1960) et, s’offrant telles des symbolisations marquantes, contribué à sa lisibilité et son identité ? Comment, plus largement, ont elles donné sens à l’espace urbain en actualisant des potentialités qui, sans elles, seraient restées inaperçues : ont-elles tissé des liens confirmant l’habitude de l’habiter et apporté leur concours à la construction d’un « chez soi » (Heidegger 1951) ou, au contraire, opté pour la défamiliarisation, le geste marquant la présence d’un artiste, l’événement esthétique (Zilberberg 2006) voire le scandale (du grec skandalon, la pierre d’achoppement placée sur le chemin, qui fait tomber). Quelles relations les citadins ont-ils nouées avec elles ? en quoi leurs pratiques (Fontanille 2008) ont-elles été modifiées ? en quoi, tout simplement, les oeuvres ont-elles transformé les citadins ?

Si ces questions ne sauraient éluder le point de vue de l’esthétique, elles réclament une étude sémiotique approfondie pour impliquer l’art dans un double contrat en suivant les deux acceptions de l’urbanité qui définit à la fois le caractère de ville (par opposition à ruralité) et une courtoisie, une politesse, une sociabilité urbaine. Comment l’art constitue-t-il ce que nous appelons une ville ? comment contribue-t-il (ou non) à un « vivre ensemble », une convivialité urbaine ?

Quelques concepts-clés de la sémiotique permettent de traiter ces questions, à commencer par la présence et la factitivité –faire faire, faire savoir, faire croire– de Greimas (1983) qui, associée aux modalités, permet de décrire finement les parcours du corps et du regard de l’habitant. Le concept d’agence ou agentivité de l’anthropologie (Gell 1998) attaché au statut artistique s’avère également éclairant dans la mesure où, en posant une équivalence avec des personnes, il permet de considérer les œuvres comme des habitants à part entière, des instances avec lesquelles la cohabitation pourra être négociée.

Ce colloque, qui s’inscrit dans le cadre du programme Graffcity, appropriations urbaines imagées financé par la région Nouvelle-Aquitaine, propose d’explorer plusieurs axes particuliers.

  1. Le dialogue des langages et la construction de l’espace public.
    La ville est un laboratoire en plein air pour la confrontation des langages. Une première piste de recherche consiste à explorer cette hétérogénéité sensible et sémiotique pour en caractériser les formes rhétoriques. L’épaisseur discursive entremêle non seulement des formats sémiotiques différents, des images et des textes, mais aussi des statuts artistiques variés : des oeuvres « institutionnelles », « dissidentes » ou « participatives » pour lesquelles les habitants investissent à la fois les rôles d’observateurs, de modèles et d’artistes (voir par exemple, les photographiques de JR). Plus largement, l’épaisseur discursive mélange les statuts d’images, confrontant le publicitaire et/ou le politique à l’artistique et révélant des statuts hybrides tel l’artivisme. Cette variété d’images fait ainsi dialoguer de multiples acteurs sociaux, individus ou communautés, en désignant de nouveaux (le street artiste, par exemple). A travers ces formats diversifiés, il s’agit de manifester sa présence, de prendre position (assertion, négation) dans une agora visuelle et de construire l’espace public (Arendt 1958 ; Habermas 1962). On enquêtera cette agora pour décrire les phénomènes de recatégorisation du champ de l’art, l’émergence de nouveaux acteurs et les formes rhétoriques de la confrontation discursive et politique.
  2. La contribution de l’art à une morale.
    L’urbanité se conçoit comme une participation à une morale urbaine. Si les images sont « responsables des coutumes et pratiques sociales » (Coccia, 2019), une attention particulière doit être portée aux images artistiques afin de préciser leur apport spécifique à notre culture visuelle et de le distinguer de celui des publicités diffusées dans la ville. Si, à l’instar de ces images, l’art procède à la mise à jour continue des valeurs sociales et indique ce qui nous importe, il prend une part singulière à cette construction collective dans la mesure où, outre les valeurs esthétiques, il questionne le bien, le vrai et, de façon plus essentielle encore, la valeur des valeurs. Le mode d’assertion de ces valeurs et sa relation à l’espace public retiennent également l’attention. L’art d’aujourd’hui y introduit le dissensus : peut-on ériger la provocation rhétorique en règle générale ou faut-il, plus simplement, en se plaçant du point de vue du citadin, évoquer une provocation perceptive (Beyaert-Geslin 2021), résultat d’une rupture de l‘habitude, ce que suggère l’extinction des polémiques après quelques années (pensons à celles qu’ont suscitées les Colonnes de Buren et la Pyramide du Louvre à Paris) ? Une seconde piste de recherche concernera la contribution de l’art urbain à une morale collective et ses formes rhétoriques.
  3. La nouveauté technologique et les conditions de l’implémentation.
    La profusion des outils de captation a largement diffusé les représentations des oeuvres urbaines (comme arrière-plan du selfie, par exemple), occasionnant leur mise en abyme (des images d’images d’images) et leur circulation sous forme de flux dans la culture (cf la trivialité de Jeanneret 2008). Avec les nouveaux genres d’images, des points de vue inusités sur la ville sont apparus qui ont désigné certains supports d’inscription. Ainsi les images faites par des drones, en popularisant la perspective à vol d’oiseau ou en hauteur, ont-elles promu un nouveau support d’inscription, le sol, et construit la figure de l’observateur-habitant de l’immeuble. Un troisième axe de réflexion concernera le devenir-image des oeuvres urbaines, les stratégies de construction et les transformations expressives de ces images, mais aussi les accentuations, les déplacements de l’attention dans la ville et, plus globalement, sa resémantisation (Pezzini & Bertolotti 2021) via ces prises en charge figuratives.

Pour ce colloque qui fera dialoguer la sémiotique (sémiotique visuelle, sémiotique de l’espace, sémiotique de la ville) avec les sciences de l’information et de la communication, les arts plastiques, l’architecture, l’anthropologie et les visual studies, notamment, les propositions mobiliseront les deux acceptions de l’urbanité pour essayer de saisir la puissance agissante de l’art à l’échelle de la ville, une puissance comprise dans ses dimensions spatiale, médiatique et politique.

Modalités

Le colloque L’urbanité de l’art. Questions sémiotiques s’inscrit dans le cadre du Festival de sémiotique visuelle qui se déroulera à l’IUT Michel de Montaigne à Bordeaux les 22, 23 et 24 juin 2022. Il bénéficie du patronage de la Fédération romane de sémiotique (Fedros). Trois formats de communication sont proposés :

  1. une communication de 30 mn + 15 mn de questions,
  2. une communication de 20 mn + 10 mn de questions,
  3. un poster.

Les auteurs (autrices) sont invité(e)s à soumettre leur proposition de communication sous forme de résumé (entre 1000 et 2000 caractères espaces compris) indiquant le sujet traité, la problématique, la méthodologie utilisée, le corpus étudié (si travail sur corpus), une courte bibliographie de référence ainsi que le format souhaité.
Les propositions devront parvenir au comité d’organisation anne.geslin-beyaert@u-bordeaux-montaigne.fr avant le 10 novembre 2021. Une réponse sera adressée avant le 25 décembre 2021.

Le comité d’organisation

  • Anne Beyaert-Geslin
  • Ludovic Chatenet
  • Céline Cholet
  • Maria-Gabriela Dascalakis-Labrèze
  • Camille Forthoffer
  • Gaëlle Louvencourt
  • Annick Monseigne

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