Le monde « d’après » au prisme des communications organisationnelles

Développer collectivement une recherche engagée à visée transformative

Expected response for the 15/02/2021

Response type Résumé

Event type colloque

Coordinators

Event dates
  • From at

Event place Colloque Org&Co, Mons , Belgique

Synthèse de l’argument

Si l’humanité s’est depuis toujours confrontée aux maladies infectieuses, les vagues successives de confinement quasi-mondial induit par la pandémie Covid-19 semblent être à l’origine d’une prise de conscience et d’invitations à penser le monde « d’après ». C’est dans ce contexte que le groupe d’études et de recherche sur les communications organisationnelles de la SFSIC, Org&Co, organise avec le LASCO un colloque en mai 2022 à Mons (Belgique) pour questionner et penser le monde « d’après » au prisme des communications organisationnelles. Ce colloque a pour ambition de contribuer à un « changement de voie » (Morin, Abouessalam, 2020) et promeut pour ce faire la pluridisciplinarité, l’implication et la co-construction.

Présentation

Il ne fait aucun doute désormais que les activités et les comportements humains ainsi que les modes d’organisations sociétales et économiques (production industrielle, agriculture et élevage intensifs, urbanisation, déforestation, braconnage, etc.) influencent les écosystèmes naturels et la biodiversité. Cette capacité de l’homme à modifier sensiblement l’évolution de la Planète aurait même ouvert l’ère de l’anthropocène. Certaines de ces interactions participent, entre autres, au changement climatique, à l’extinction d’espèces mais aussi, probablement, à la libération d’agents pathogènes potentiellement à l’origine d’épidémies voire de pandémies. Si l’humanité s’est depuis toujours confrontée aux maladies infectieuses, les vagues successives de confinement quasi-mondial induit par la pandémie Covid-19 semblent être à l’origine d’une prise de conscience et d’invitations à penser le monde « d’après ». Plusieurs prises de paroles, via les réseaux sociaux et/ou les médias traditionnels, d’anonymes et de personnages publics des milieux politiques, économiques, artistiques ou institutionnels, espèrent, aspirent ou en appellent à différents types de changements.

Entre ces divers discours parfois passionnés, relevant de registres variés – partisans, opportunistes et/ou ultra spécialisés, etc. – nous estimons qu’il existe une place pour des réflexions scientifiques, et donc rigoureuses et distanciées, sur les phénomènes humains et sociaux à l’œuvre, débouchant sur des propositions étayées pour sortir de la « crise », dans toutes ses dimensions mais également pour limiter les risques futurs. C’est ainsi, par exemple, que cent-vingt-trois chercheurs et chercheures en sciences humaines et sociales (SHS) des universités belges contribuent actuellement au débat public et pensent des solutions post confinement. En France, le collectif Code-Virus propose de penser de manière interdisciplinaire les conséquences de la pandémie sur les modes de vie, les organisations et les territoires. Enfin, le site de vulgarisation scientifique The Conversation a proposé, chaque semaine jusqu’à fin mai 2020, une série d’articles « long format » consacrés à l’après Covid-19. Parmi les invitations à penser un monde « d’après » plus juste et plus vivable, les philosophes Cynthia Fleury et Isabelle Stengers proposent d’initier de nouvelles manières de travailler, d’enseigner, de protéger la santé et la recherche pour que chacun puisse se réapproprier le pouvoir de penser l’avenir.

C’est donc dans ce contexte que le groupe d’études et de recherche sur les communications organisationnelles de la SFSIC, Org&Co, organise avec le LASCO (UCLouvain, Belgique) un colloque en avril 2022 à Mons (Belgique). Pour questionner le monde « d’après » au prisme des communications organisationnelles, les chercheurs investis proposent d’innover quant à la manière de « faire colloque ».

Un colloque organisé sur un temps long, engagé et à visée transformative

Le colloque Org&Co 2022 a pour ambition d’engager les chercheurs dans un « changement de voie » (Morin, Abouessalam, 2020) et promeut pour ce faire la pluridisciplinarité, l’implication et la co-construction :

  • Des recherches pour un « changement de voie » : A la suite de l’engagement d’un nombre croissant de chercheurs en SHS, nous postulons l’engagement du chercheur pour permettre la mise en œuvre concrète d’un mode de développement susceptible de faire évoluer plus ou moins radicalement les pratiques des organisations : entreprises, institutions ou organisations non-gouvernementales.
  • Une implication des chercheurs et des parties prenantes pour penser et éventuellement concrétiser ce changement de voie : si leurs intérêts sont potentiellement différents, ils (entre)tiennent ensemble les discours et les actions de l’innovation sociale et économique. La proposition en trois temps (voir supra analyse des phénomènes, conceptualisation puis proposition de concrétisations) enrôle des chercheurs et des acteurs de l’écosystème, représentants d’institutions, de milieux économiques, hospitaliers, sociaux ou encore culturels. La démarche de co-construction doit assurer la pertinence puis la mise en œuvre des concrétisations ainsi que l’évaluation de leurs impacts technologique, économique et/ou social.
  • Une approche pluridisciplinaire : la diversité et l’imbrication des circonstances idéologiques, culturelles, sociales, politiques, économiques contraignent l’analyse des phénomènes complexes et soulignent les limites des approches strictement mono-disciplinaires. Appréhender des phénomènes multidimensionnels invite à l’adoption d’une « pensée complexe » telle qu’elle a été conceptualisée par Edgar Morin. Celle-ci est basée sur la coopération dans un même système de logiques hétérogènes et parfois contradictoires, sans que leur dualité ne se perde dans l’unité. Elle retient l’idée d’échange de la dialectique mais s’en démarque en ne cherchant pas l’éradication de la différence et l’exclusion de la diversité. Caractériser des formes et des figures multiples ainsi que des relations entre le tout et les parties invite à une pluridisciplinarité voire une interdisciplinarité entre les SHS mais aussi au tissage de liens avec d’autres disciplines (médecine, informatique…). Seules des mixités épistémologiques, paradigmatiques, théoriques et méthodologiques sont susceptibles d’appréhender puis de penser les phénomènes à l’œuvre.

Ce colloque prône donc l’interdisciplinarité, l’intégration des parties prenantes, la progressivité des changements et l’implication des chercheurs. Si la recherche est impliquée, elle n’en est pas moins rigoureuse et éthique. Les chercheurs et chercheures s’engagent pour la transparence des co-constructions avec les acteurs et actrices de l’écosystème, l’intégrité des méthodes adoptées, la lutte contre les biais de genre et d’âge dans la production des savoirs et, enfin, la diffusion et la valorisation des résultats produits. Ceux-ci feront l’objet de vulgarisation dans des milieux professionnels, institutionnels ou encore associatifs.

Le présent appel invite les chercheurs et chercheures à proposer des projets visant à observer, questionner et analyser les discours, les réalisations et les actions mises ou à mettre en œuvre pour permettre de penser voire concrétiser ce monde « d’après ». Les acteurs et actrices de l’écosystème et notamment les professionnel.lles de la communication, engagé.e.s dans ce type de réflexions ou d’initiatives, sont invité.es à participer à cette dynamique que ce soit en partageant des témoignages, en donnant accès à des terrains de recherche et/ou en co-construisant des projets. Les propositions déposées à compter de février 2021 feront l’objet, six mois durant, de différents séminaires visant à stimuler les fertilisations croisées, la mise en commun de corpus, la confrontation des résultats et des approches. La plateforme collaborative Slack permettra des échanges souples et réguliers.

Au dernier trimestre de 2021, à partir des réflexions issues de ces séminaires, un appel à communication sera produit dans l’optique du colloque scientifique qui se tiendra à Mons (Belgique) en mai 2022. Il sera ouvert et permettra de penser ce monde « d’après » par des propositions concrètes et/ou comme un construit social par l’analyse critique des discours.

Des propositions d’axes ouverts

Afin d’alimenter la réflexion, sans pour autant fermer cet appel à d’autres axes potentiels de recherche, nous proposons ici une série de questionnements inscrits dans les réflexions de quatre penseurs qui se sont exprimés durant la crise sur le monde « d’après ».

Dans son intervention, Bruno Latour (2020) se questionne sur la façon d’aborder la crise comme on l’aurait fait au XIXème siècle. Il met en évidence le manque de préparation de l’Etat et sa capacité à assumer ses responsabilités dans les crises qui vont se succéder en raison des bouleversements climatiques. Ce point de vue met en exergue plusieurs questionnements relatifs à la résilience des modèles de gouvernance soumis à l’épreuve des crises. Que nous apprend la communication organisationnelle sur les dynamiques de prises de décision en période de crise ? Comment la communication peut-elle provoquer, provoque-t-elle, des tensions entre les désirs et projets d’holacratie et la centralisation du pouvoir inhérente aux situations de crise ? Au contraire, comme le défend Isabelle Ferreras et Julie Battilana, la crise offre-t-elle une opportunité de repenser la gouvernementalité des organisations en faisant des travailleurs et travailleuses des acteurs et actrices de la prise de décisions ?

Bruno Latour (ibid) pointe également les responsabilités face aux crises et la nécessité de transformer profondément les modes de vie et les projets de société. Comment cette prise de conscience se traduit-elle communicationnellement dans les organisations ? Comment communiquent-elles sur leur volonté d’endosser leur part de responsabilité dans ce travail de transformation ?  Que nous dit la crise sur l’émergence et la résilience des organisations alternatives ? Montrées comme les “gagnantes” de la solidarité pendant la crise, qu’en est-il depuis lors ? Quid des organisations impliquées dans des activités qualifiées de “non essentielles” comme celles du secteur de la culture ?

Dans son entretien au Monde, le philosophe allemand Jurgen Habermas (2020) s’inquiète de la montée en puissance du « populisme de droite “ordinaire” qui s’étend bien au-delà des couches paupérisées et marginalisées ». Ce repli identitaire semble exacerbé par une crise qui vient fragmenter et dissocier « les expériences du monde vécu ». Alors que les discours managériaux peuvent avoir tendance à neutraliser, gommer ou invisibiliser les inégalités entre les membres de l’organisation, la crise et le confinement ont mis en évidence et renforcé les inégalités sociales. Les porosités forcées entre vies privée et professionnelle ont mis en visibilité la diversité des réalités sociales et familiales. Les inégalités se sont également manifestées entre les publics d’une même organisation, entre ceux susceptibles de télé-travailler et les autres. Comment ces inégalités sont-elles appréhendées dans les organisations ? Et quels sont les dispositifs communicationnels mis en œuvre pour ce faire ? Existe-t-il des espaces de parole et de dialogue qui permettent aux collaborateurs et collaboratrices de partager leurs expériences du monde vécu, de reconstruire une expérience partagée ? Quelle est la place des dispositifs numériques dans ces dynamiques ?

En opposition à cette montée du populisme « ordinaire », Habermas constate également une « poussée réflexive » de la part des citoyens. Se ré-intéressant à l’information, ils observent, voire prennent position vis-à-vis de décisions que certains jugent “bricolées” face à l’incertitude et à l’inédit de la crise globale. Dans ce contexte, quel regard posent les membres des organisations sur les décisions de leurs dirigeants ? Quelle place occupe cette réflexivité dans l’organisation du monde « d’après » ? Comment cette réflexivité, ce temps d’introspection, est-il susceptible d’influencer le rapport au travail et l’engagement dans un projet organisationnel ?

Dans son interview au Soir, le sociologue Edgar Morin, souligne, tout comme Habermas, la singularité de cette crise par sa nature planétaire et synchrone. Elle se caractérise, selon lui par un degré croissant d’incertitude sanitaire, économique et social et par une complexité inédite. Au risque de sombrer dans une ère de barbarie, il en appelle à changer de voie et à reconnecter l’Humain à la Nature ainsi qu’à repenser le faire politique pour lui redonner du sens. Dans ce contexte, comment les collectifs organisés appréhendent-ils cette incertitude et cette complexité ? Quels discours sont tenus par le management sur le monde « d’après » ? Comment font-ils sens de cette complexité ? De façon plus critique, comment les organisations exploitent-elles à des fins communicationnelles les éléments de langage du monde « post-covid » ?

Enfin, dans son ouvrage The Age of Surveillance Capitalism, Shoshana Zuboff dénonce la place que prennent les GAFAM dans le fonctionnement actuel de sociétés emprisonnées dans un chantage « données contre services essentiels » qui ne fait l’objet d’aucune régulation efficace à ce jour. Ceux qu’elle nomme les Surveillance Capitalists ont développé un modèle d’affaire fondé sur des bases des données comportementales collectées quotidiennement.  Pour elle, le danger vient du fait que ces organisations appliquent leurs modèles de prédiction des comportements à des domaines d’activités susceptibles de menacer la démocratie. Les GAFAM ont, par exemple, proposé leurs services aux Etats pour détecter des clusters par le biais d’applications de tracking ou encore analyser des données massives permettant la création d’un vaccin. Quels sont les enjeux éthiques potentiellement à l’œuvre vis-à-vis de ces pratiques ? Comment les GAFAM communiquent-elles dans ce contexte ? Échappant aux législations territoriales imposant la fermeture des commerces dits non-essentiels, les plateformes en ligne ont renforcé leur position dominante dans la distribution de biens et de services. Comment les petits commerçants se mobilisent-ils par le biais des relations publiques et/ou des réseaux sociaux ? Quelles transformations des relations clients sont à l’œuvre ?

Ces axes et questionnements pourront être reformulés, prolongés, complétés collectivement selon le calendrier et les modalités proposés à la page suivante.

Calendrier

Phase 1 :  Co-construction de projets sur le monde « d’après »

  • Décembre 2020 : Diffusion de l’appel à projets et mise en place d’une plateforme collaborative.
  • À partir du 15 février 2021: dépôt des projets visant à observer, questionner et analyser les discours, les réalisations et les actions mises ou à mettre en œuvre pour permettre de penser voire concrétiser ce monde « d’après ». Sur une page : précision de l’objet, du contexte, de la méthode projetée ou mise en œuvre, des chercheur.es impliqué.es, des parties prenantes.

Les propositions seront envoyées aux adresses suivantes :

colloque-2022-aaaacwvw4ec5itdjaj4tcyiyg4@orgcogroupe.slack.com  
et en copie à laurent.morillon@univ-antilles.fr ; valerie.lepine@univ-montp3.fr ;francois.lambotte@uclouvain.be

  • 19 Mars 2021 de 14h à 17h : réunion de lancement (en présentiel et/ou en distanciel) de la dynamique collaborative (présentations des projets déposés, définition des modalités de travail, etc.)
  • Séminaires LASCO labellisés Org&Co sur la notion de “monde” (dates à définir)
  • 8 juin 2021, de 14h à 17h à Grenoble et en distanciel (en amont du congrès de la SFSIC) : Point sur l’état d’avancement des projets
  • Octobre 2021 : Présentation et échanges sur les travaux et rédaction de l’appel à communication du colloque Org&Co de mai 2022

Phase 2 : Colloque Org&Co du 5 au 6 mai 2022 à Mons (Belgique)

  • Octobre 2021 : Lancement de l’appel à communication pour le colloque Org&Co de mai 2022
  • 5 & 6 Mai 2022 : Colloque Org&Co à Mons (Belgique) avec des panels dédiés aux travaux collectifs de la première phase et des sessions de communications issues de l’appel

Publications

Le colloque fera l’objet d’actes de colloques accessibles en ligne sur le site Org&Co et, possiblement, d’un ouvrage publié aux Presses Universitaires de Louvain.

Dans une perspective d’engagement sociétal – à l’instar de l’initiative des cent-vingt-trois chercheurs et chercheures en SHS en Belgique – les participants et participantes au colloque seront invité.es à travailler en petit groupe sur des thématiques qui les relient au regard de leurs propositions. Ces contributions synthétiques de 3 à 4 pages par thème seront regroupées dans un Livre blanc diffusé vers des parties prenantes de la société.

Comité scientifique

Responsables : Laurent Morillon, Université des Antilles ; Valérie Lépine, Université Paul Valéry, Montpellier 3 ; François Lambotte, Université catholique de Louvain; Sandrine Roginsky, Université catholique de Louvain; Damien Renard, Université catholique de Louvain.

En cours de constitution

Comité d’organisation

Responsable : François Lambotte, Université catholique de Louvain

Andrea Catellani, Damien Renard, Sandrine Roginsky, Lea Amand, Kevin Carillon, Christel Christophe, Raul Nuevo Gasco, Déborah Horlait, Diana Jarnea, Ines Kalaï, Christelle Sukadi, Hugo Thirard.